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nes; s'il va en deçà ou au delà, il excède ses pouvoirs, il ne› mérite plus de confiance; et le tribunal, qui ne joue qu'un rôle en quelque sorte passif, ne saurait disséquer son travail pour en composer sa décision; ne pouvant l'accueillir, il ne lui reste qu'à en requérir un nouveau. Il y a donc contravention à la loi dans le jugement attaqué.

M. Pons, substitut, quí a porté la parole dans la cause, a fait voir que les sieurs Leroux, Mayer et Barbier, ne présentaient pas la question sous son vrai point de vue. Les juges de Beauvais, a-t-il dit, ne se sont point ingérés de composer une estimation à leur gré. Le tiers expert avait cru devoir porter certaines parties du parc de Bresle à la valeur hypothétique à laquelle des spéculations d'industrie pouvaient les faire arriver. Sur ce point seulement il s'était écarté de l'opinion de l'un des premiers experts, et sur ce point seulement les juges ont modifié son rapport, en prenant pour règle ce dernier avis: ils n'ont fait ainsi que le resserrer dans ses limites. essentielles, car il n'était pas permis au tiers de donner à son estimation des bases douteuses et incertaines, sans excéder ses pouvoirs. Conséquemment aucun motif ne les empêchait d'adopter ce rapport, puisque, par l'effet de la rectification, tout partage avait cessé. En l'homologuant, ils n'ont été en opposition ui avec les termes ni avec l'esprit de la loi; ils n'ont violé ni les formes judiciaires ni la jurisprudence.

Du 9 brumaire an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Muraire premier président, M. Delacoste rapporteur, par lequel :

« LA COUR,--Attendu 1o que le tribunal de Beauvais s'est si peu cru en pouvoir de faire l'expertise, qu'il a ordonné qu'il en serait fait une par experts, et qu'il a homologué celle que les experts ont faite; 2o que le droit d'homologuer ou entériner entraîne celui d'adopter ou non adopter les bases ou principes sur lesquels les experts chargés de régler ce qui fait partie de leur art ont fondé leur décision; 3° que la question du choix de ces bases ou priucipes, ne pouvant être

décidée que par l'application ou l'interprétation d'une loi, ou la solution d'un point de droit, ne peut être qu'une question légale ou de droit, qui est toujours de la compétence des juges chargés d'appliquer la loi; 4o que c'était une question de cette nature que celle de savoir si la simple estimation d'un fonds pouvait dépendre des spéculations d'art et d'industrie que les premiers acquéreurs pouvaient tenter pour améliorer les produits de ce fonds; qu'ainsi décider, comme l'avait fait le tiers, qu'une partie du terrain du parc devait être estimée plus cher que les autres terrains, parce qu'elle pouvait être employée en jardins ou convertie en tourbières, c'était s'être écarté de la base de l'estimation; Attendu qu'en rejetant les faux motifs de la plus-value donnée à ces terres par le tiers, les juges, loin de se constituer experts, et par-là, d'avoir excédé leurs pouvoirs, ont respecté également et l'attribution donnée par les art. 17 et 18 de la loi du 22 frimaire an 7 aux experts, et la mission qu'ils leur avaient confiée, puisqu'en réduisant l'excès du prix donné à ces fonds sur des bases illégales, ils ont eu soin d'appliquer la fixation dounée par les experts de la valeur de l'arpent ordinaire;-REJETTE., »

Nota. Voir, tome 5, page 495 de ce recueil, un arrêt analogue.

COUR DE CASSATION.

Un dénonciateur qui a été autorisé à recevoir chez lui des effets volés, pour faciliter la capture et la conviction des coupables, peut-il étre regardé et poursuivi comme complice du vol, lorsqu'il a retenu ces effets et en a disposé à son profit? (Rés. nég.)

POURVOI DE LA FEMME SILVESTRE.

La femme Silvestre d'Avignon se trouve liée avec des voleurs dont elle paraît savoir les secrets; ils proposent même de la faire dépositaire des choses qu'ils ont dérobées. C'est

"

par suite de ces liaisons qu'elle connaît les auteurs d'un vol commis chez les sieur et dame Vitalis; elle les dénonce au commandant de la place, au maire et au commissaire de police, qui l'engagent à se prêter au recèlement d'une grande partie des effets volés, pour parvenir plus sûrement à faire arrêter et punir les coupables. Tout se passe conformément à cette proposition. Trois des voleurs sont saisis et condamnés; mais la femme Silvestre ne rend au sieur Vitalis que quelques effets, pour lesquels elle exige de lui une somme de 24 fr., comme remboursement de ce qu'elle prétend les avoir payés; elle retient le reste, et sans paraître avoir pris une part active au délit, elle en retire ainsi tout l'avantage.

Sa conduite indigne la Cour de justice criminelle du département de Vaucluse, qui, ne voyant dans sa dénonciation qu'une combinaison pour s'approprier, avec moins de danger, le fruit d'un délit, aux dépens des délinquans, qu'elle sa- crifiait, l'a condamnée, par arrêt du 2 fructidor an 13, à la peine de douze années de réclusion, et à l'exposition, comme complice du vol dont elle n'était pas convaincue d'avoir été › coupable dans l'origine, en retenant à son profit, et avec intention d'en priver le propriétaire, une partie des effets à elle remis, sachant qu'ils provenaient de ce vol.

Elle s'est pourvue en cassation contre cette décision ; et le procureur-général près la Cour de justice criminelle de Vaucluse a déclaré adhérer à son pourvoi. On a dit, de sa part: Qu'est-ce qu'un cómplice ? C'est celui qui a participé à un crime, soit en aidantà le commettre, soit en favorisant sciemment ceux qui le commettaient, soit en participant au complot. Aucun acte de cette espèce ne peut être reproché à la femme Silvestre. Il est reconnu par l'arrêt qu'elle n'a ni aidé ni favorisé la perpétration du vol: si elle s'est rendue dépositaire d'effets qu'elle savait avoir été volés, c'est dans des vues contraires aux voleurs, qu'elle a dévoilés et livrés à la jutice; elle n'a reçu ce dépôt que sur l'invitation de ceux qui exerçaient la police dans la ville d'Avignon n'y a donc pas recélé de sa part. Ainsi, le crime commis dans la maison

des sieur et dame Vitalis lui est étranger; elle n'a figuré que dans la recherche et la punition des coupables, comme dénonciatrice: sa conduite, à cet égard, ne mérite que des éloges et des récompenses. Elle s'est rendue criminelle, sans doute, en disposant à son profit des effets volés. Mais ce délit n'a rien de commun avec le vol commis chez les sieurs et dame Vitalis. Sa pauvreté, ses besoins, l'ont portée à violer la foi du dépôt. Si les circonstances dans lesquelles elle s'est trouvée ne peuvent lui servir d'excuse, elle ne serait dans le cas de subir que la peine prononcée contre les dépositaires infidèles, peine toute civile, ou au plus correctionnelle : d'où résulte une fausse application du Code pénal et un excès de pouvoir.

Du brumaire an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section criminelle, présidée par M. Seignette, au rapport de M. Delacoste, sur les conclusions de M. Thuriot, avocatgénéral, par lequel :

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« LA COUR, Vu l'art. 456 du Code des délits et des peines;-Attendu que, par les motifs de son arrêt, la Cour de justice criminelle avait d'abord écarté toute qualification de complicité du crime de vol, dans l'accusation sur laquelle elle avait à prononcer; -Attendu que le délit de rétention d'effets volés en tout ou en partie, quand il est reconnu que celle qui en est prévenue et convaincue a été autorisée à recevoir les effets chez elle pour faciliter la prise des voleurs, est nécessairement distinct de celui de complicité du vol, dont il n'a aucun des caractères indiqués par le Code pénal contre les complices, et que c'est avoir mal appliqué la loi, et excédé ses pouvoirs, CASSE, etc. »>

COUR DE CASSATION.

La femme qui a demandé la séparation de corps est-elle, comme en matière de divorce pour cause déterminée, tenue de se faire indiquer une maison de retraite, à peine d'étre déclaré non recevable? (Rés. nég.)

L'autorisation par justice, invoquée postérieurement à sa demande, est-elle valable? (Rés. aff.).

LE SIEUR ROYER, C. LA DEMOISELLE LABARRÉ.

La demoiselle Labarre, ayant à se plaindre des sévices et excès dont le sieur Royer son époux se rendait coupable envers elle, quitte la maison maritale, et forme une demande en séparation de corps, sans s'être fait autoriser par justice. Ce n'est que pendant l'instruction qu'elle a recours à cette formalité.Question de savoir si, comme le prétend le sieur Royer, elle est non recevable dans son action, pour avoir négligé 1o de se faire autoriser; 2o de se faire indiquer, par le magistrat, une maison où elle devrait résider, conformément aux art. 268 et et 269 du Code civil.

Le tribunal de première instance se décide pour la négative, et prononce, en conséquence, la séparation de corps. Sur l'appel à la Cour de Bordeaux, ce jugement est confirmé dans toutes ses dispositions.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Royer, pour vio lation des art. 215, 219 et 268, du Code civil.- En premier lieu, disait Me Riffé-Caubray, son défenseur, il est incontestable que, de tout temps, la femme, par l'effet de la puissance maritale, n'a pu avoir accès auprès des tribunaux qu'elle n'y eût été autorisée par son mari, ou, à son défaut, par la justice. Les art. 215 et 219 du Code civil ne sont que la confirmation de cette ancienne disposition législative, disposition' salutaire, qui repose sur l'intérêt et sur l'honnêteté publics. Le vœu de la loi étant précis et impératif, la dame Royer devait s'y conformer dès le principe, et préalablement à toute démarche hostile de sa part. La précaution ultérieure qu'elle a prise de se faire autoriser ex medio tempore n'est d'aucune utilité, et ne peut couvrir le vice radical résultant de son omission. Cette autorisation tardive ne peut rétroagir et valider après coup des actes essentiellement nuls : c'est le cas de l'application de la maxime catonienne : Quo ab initio non valet, tractu temporis convalescere non potest. En Tome VI.

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