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ceux du possesseur actuel ou ceux d'un ancien propriétaire, et non à l'hypothèse où, comme dans l'espèce, les créanciers du vendeur viennent réclamer, contre les ayans droit de l'acquéreur, un privilége qu'aucune formalité ne leur a fait perdre.

Le 12 thermidor an 12, jugement du tribunal de première instance de Marseille, qui accueille les moyens présentés par le sieur Andrieux et la dame Boursier, et les colloque par préférence aux enfans Lambert, sur le fondement que l'inscription de ces derniers, n'ayant pas eu lieu dans le délai prescrit par l'art. 37, n'a d'effet que du jour de sa date, et qu'elle est postérieure à celle prise par le sieur Andrieux et consorts, créanciers directs du sieur Paret.

Appel; et, le 15 pluviôse an 13, arrêt confirmatif de la. Cour d'Aix.

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Pourvoi en cassation pour fausse application des articles précités de la loi du 11 brumaire an 7. Les demandeurs. présentaient les mêmes moyens que devant les premiers juges.. Du 13 brumaire an 14, ARRÊT de la section des requêtes, M. Cochard président d'age, M. Genevois rapporteur, M. Dejoly avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Pons, avocatgénéral; --- Attendu que la Cour d'appel, en subordonnaut absolument à l'inscription le rang qu'a dû conserver l'hypo thèque des demandeurs sur l'immeuble dont il s'agit, loin d'avoir par-là contrevenu à la loi du 11 brumaire an 7, s'estau contraire exactement conformée aux différentes disposi tions de cette loi; REJETTE, etc. »>

Nota. La même question ne se serait pas reproduite sous. le Code civil, s'il n'avait pas été modifié par une loi postérieure, puisque, dans l'économie de ce Code, les créanciers du vendeur ne pouvaient valablement s'inscrire sur lui que' jusqu'à la vente; et qu'ainsi leurs inscriptions, pour être utiles, devaient nécessairement avoir une date antérieure à celle des créanciers de l'acquéreur. Mais l'art. 834 du Code de procédure ayant permis aux créanciers du vendeur qui

avaient une hypothèque sur l'immeuble avant l'aliénation de la faire inscrire jusqu'à la transcription du contrat, et même dans la quinzaine suivante, la question de savoir si ces créanciers inscrits dans la quinzaine de la transcription doivent être préférés aux créanciers de l'acquéreur inscrits antérieurement est alors devenue une question grave et sérieuse. Voici comment M. Merlin l'a résolue dans sou Répertoire de jurisprudence, vo Ordre de créanciers, § 2,

art. 3.

«< Dans ce cas, dit cet auteur, la préférence ne sera nullement due aux créanciers du vendeur qui ont pris des inscriptions tardives; la règle (celle qui veut que l'hypothèque n'ait de rang que du jour de l'inscription) continuera de subsister dans toute sa force à leur égard, et ils n'auront que le rang que leur assignera la date de leur inscription. Leur hypothèque, imparfaite faute d'inscription, ne pouvait plus recevoir son complément après l'aliénation de l'immeubl hypothéqué l'art. 854 du Code de procédure civile les a relevés de cette déchéance, et les a autorisés à s'inscrire après l'aliénation jusqu'à l'époque indiquée; mais il n'a point donné à cette inscription un effet rétroactif; il n'a pas voulu qu'elle valût à ses créanciers un privilége dont l'effet serait de déranger l'ordre déterminé par la date des inscriptions. La règle principale est donc conservée dans son intégrité, et les hypothèques, quoique dérivant d'un titre consenti par le précédent propriétaire, n'en seront pas moins primées par les créanciers de l'acquéreur qui se trouveront inscrits les premiers. Ainsi la date des inscriptions règlera invariablement la collocation des hypothèques, soit qu'elles dérivent d'un seul et même débiteur, soit qu'elles aient été établies successivement sur la tête de deux ou plusieurs propriétaires, etc. »

Cette doctrine nous paraît en parfaite harmonie avec les principes du Code civil sur la publicité des hypothèques. En effet, celui qui est sur le point de contracter avec le propriéfaire d'un immeuble recherche s'il existe des inscriptions ou contre lui ou contre les précédens propriétaires: s'il n'en

trouve pas, il consomme la transaction avec assurance. Or il est certain que, si des inscriptions postérieures pouvaient rendre illusoire l'hypothèque qui lui a été consentie et qu'il á conservée par une inscription prise dans un temps où il n'en existait aucune autre sur l'immeuble, sa bonne foi serait trompée, le but de la loi méconnu, et la foi due au contrat manifestement violée.

COUR DE CASSATION.

Les actes réputés donations déguisées, par la loi du 17 nivósé an 2, et faits sous son régime, peuvent-ils étre attaqué's par les héritiers naturels de celui qui les a souscrits, lorsque son décès est postérieur à la publication du Code civil? (Rés. nég.)

Les héritiers Bruley, C. le sieur Pelletier.

Un sieur Bruley vend, en l'an 4, au sieur Pelletier, mari d'une de ses sœurs, toute sa fortune immobilière, et meurt après la publication du Code civil. Les autres héritiers attaquent l'aliénation comme contenant une donation déguisée.

Un jugement du tribunal civil de Semur, du 22 germinal an 12, accueille leur prétention. Mais, sur l'appel du sieur Pelletier, ce jugement est infirmé par arrêt de la Cour d'appel de Dijon, du 4 pluviôse an 13, et les héritiers Bruley sont déclarés non recevables dans leur demande.

« Il faut distinguer, disent les juges de Dijon dans leurs motifs, deux sortes de nullités : les nullités absolues, qui opèrent dans tous les cas, et font que l'acte qui en est infecté est considéré comme n'ayant jamais existé; les nullités relatives, qui sont subordonnées au droit éventuel de certaines personnes. Celles-ci n'opèrent qu'autant que l'acte blesse le droit acquis à ces personnes. Si elles n'ont eu qu'une espérance, que les événemens aient rendue vaine, la nullité n'est plus proposable, puisqu'elle ne peut blesser des droits qui n'ont jamais été acquis.

« Or, comme à l'époque de l'an 4 les héritiers Bruley n'avaient à la succession de leur auteur aucun droit légal et in.dépendant de sa volonté, il est clair qu'ils n'ont point qualité pour critiquer un acte régulier dans sa forme, et qu'ils n'auraient pu attaquer qu'à la faveur d'un droit qu'ils n'ont point, et qui jamais ne s'est ouvert à leur profit. »

Les héritiers Bruley se sont pourvus en cassation pour fausse application de l'art. 57 de la loi du 17 nivôse an 2, et pour contravention tant à l'art. 3 de l'ordonnance de 1731 qu'à l'art. 750 du Code civil.

Ils ont dit: Suivant la loi du 17 nivôse, le droit de réclamer contre les dispositions qu'elle annulle n'est point attaché à une réserve en faveur des héritiers du sang: il est accordé à la qualité d'héritier, qui embrasse toute la succession du défunt, à cette qualité qui met le successeur vivant à la place du mort, qui fait passer dans sa personne les prérogatives et les charges héréditaires, l'actif et le passif; qui, en un mot, l'investit jure universo, ut vices defuncti sustineat. Le titre de l'héritier étant un titre universel, c'est lui scul qu'on doit envisager, parce que c'est lui qui confère exclusivement une action directe pour faire anéantir les actes que la loi a frappés de nullité. Les demandeurs appelés à la succession du sieur Bruley par l'art. 750 du Code civil ont donc une aptitude formelle à examiner et critiquer la vente arrêtée fictivement entre le sieur Pelletier et le sieur Bruley.

il

La simulation qu'elle offre ne doit point être discutée et jugée par les dispositions, de la législation en vigueur au temps de la mort. Les contractans ayant adopté la forme d'un acte entre vifs, qui n'était soumis à aucune condition future, qui devait avoir son effet à l'instant même de la passation, a été soumis à la loi qui régissait alors les Français, leurs cou ventions et leurs biens: cette loi prohibait comme suspects d'avantage indirect tous traités sous une apparence d'intérêt réciproque entre un membre d'une famille et son successible. Quoique, depuis, cette prohibition ait cessé, il n'en est pas moins constant que l'acte de l'an 4, au moment où il a eu

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lieu, était une manière indirecte de sé soustraire à la règle établie, qu'il a eu pour objet de la violer, que cette violation est intentionnelle et spontanée. Il était done voué au néant dès sa naissance, comme formellement réprouvé par la loi. Cette nullité procède d'une cause primitive; elle infecte l'acte dans son essence, et ne permet pas qu'il puisse produire par la suite des effets dont il n'était pas originairement susceptible. Quod ab initio nullum est, tractu temporis non potest convalescere. La soutenir, avec les juges d'appel de Dijon, purement relative, c'est une erreur: elle ne pourrait l'être qu'à l'égard des héritiers, dont le consentement approbatif la couvrirait.

Faire valoir la régularité du traité dans sa forme, c'est une autre erreur : il n'a point de forme qui lui soit propre. Comme vente, il est nul, puisqu'il n'a point les caractères essentiels du contrat de vente, la stipulation d'un prix sérieux et l'obligation de l'acquitter, une chose vendue, l'intention de vendre et d'acheter, c'est-à-dire ce consentement réciproque qui est le lien de la convention. Le sieur Bruley veut gratifier, et non vendre; il ne stipule rien, il ne reçoit rien, tout est gratuit de sa part; il ne livre point une chose vendue, il n'exerce qu'une libéralité : c'est le mouvement d'une affection généreuse qui consomme la tradition; si toutefois elle n'est pas elle-même une fiction.

Comme donation, il est nul, puisqu'il n'en a ni l'expression ni la physionomie. Sans doute le sieur Bruley, qui a vécu encore quelque temps sous l'empire du Code civil, pouvait bien disposer de toute sa fortune en faveur du sieur Pelletier; mais il n'a point employé les manières légitimes de le faire, prescrites, soit par l'ordonnance de 1751, soit par le Code civil.

L'une et l'autre lois ne reconnaissent que deux manières de disposer, à titre gratuit, c'est-à-dire par donation entre vifs, ou par testament dans les formes établies. Celle du 17 nivôse, occupée à régler la quotité de biens disponible et la capacité de donner ou de recevoir, n'a rien changé quant

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