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sulte du procès verbal dressé par le commissaire de police de Tours, ni cette autre preuve morale qui équivaut à l'evidence, et démontre indubitablement, d'après l'état des choses, que c'est le contact des matières inflammables qui a causé l'incendie. Il est donc incontestable que, dans l'hypothèse, Rozet ne pouvait, sous aucun prétexte, se soustraire à l'action en garantie exercée contre lui, et qu'en décidant le contraire, le tribunal de commerce a mal jugé.

L'intimé, par l'organe de M. Delavigne, avocat, répliquait que le commissionnaire n'était pas responsable des cas fortuits, à moins qu'il ne s'en fût expressément chargé. Telles étaient les dispositions des lois 13, au Code, mandati, et 22, ibid., de negotiis gestis; qu'il en était de même de ce qu'on appelait en droit faute légère. C'était assez que le commissionnaire eût apporté aux affaires d'autrui la même vigilance, le même soin, qu'il aurait eu pour ses propres affaires. Si la plus petite négligence, la moindrė imprévoyance, pouvaient avoir des conséquences rigoureuses à l'égard d'un entrepreneur de bonne foi, personne ne voudrait se charger d'une commission aussi périlleuse, et le cours du commerce, celui des relations sociales, seraient interrompus faute d'agens intermédiaires pour les communications. Aussi Brunneman, sur la loi 13, C., mandati vel contra, dit très-expressément que la diligence la plus exacte ne concerne que les procureurs ad lites. La loi 10, ff., mandati, ne rend le mandataire responsable que de la mauvaise foi, du dol, de la faute lourde ou grossière. La raison de cette faveur de la loi envers le mandataire se tire de ce qu'en effet, dans le mandat, tout l'avantage, toute l'utilité, est du côté du mandant, De ces principes résulte, pour l'espèce, la conséquence que l'action en garantie contre Rozet n'est point fondée. Car il n'est coupable ni de dol, ni de mauvaise foi, ni même de la faute très-grave.

Tous les jours on charge des huiles, des salpêtres, avec d'autres marchandises. Il serait même presque impossible de transporter isolément les matières de cette espèce : rarement

un commissionnaire trouverait pour une même destination un chargement complet. S'il entrait dans l'ordre des choses possibles que le contact des fluides inflammables causât un incendie, l'événement du moins tenait à des combinaisons si éloignées même des probabilités, qu'on avait pu, sans être taxé d'imprévoyance, ne pas le prévoir, ne pas prendre les mesures pour l'éviter r; et de même qu'on taxerait de folie l'homme qui ne sortirait point de son appartement dans la crainte d'être écrasé par le feu du ciel, par cela seul que l'événement est possible, de même on aurait, avee raison traité d'excessive, de pusillanime, la prudence du commissionnaire qui aurait eraint de charger des caisses d'acides nitreux avec des toiles, des cuirs, des sirops et autres marchandises. Ainsi, et quand il serait constant que c'est le contact des matières inflammables qui a produit l'accident, il n'en serait pas moins, dans le seus de la foi, un de ces cas fortuits, un de ces événemens de force majeure, dont le mandataire, même salarié, n'est pas responsable.

D'ailleurs, rien ne prouvait, dans l'espèce, que ce fût à cette cause qu'on dût attribuer l'incendie qui s'est manifesté sur la voiture de Robin. Le procès verbal du commissaire de police n'est, à cet égard, établi que sur des conjectures; les argumentations des appelans ne reposent pas sur une base plus solide. Ce n'est point sur des probabilités, sur de faible adminicules, qu'on peut, en dérogeant aux principes généraux sur les effets de la garantie, condamner un commissionnaire auquel d'ailleurs on ne reproche ni négligence, ni dol, ni mauvaise foi. Ainsi, en appliquant au sieur Pernet et compagnie cette maxime, Rės perit domino, le tribunal de commerce a bien jugé.

Tels étaient en substance les moyens des intimés. Subsidiairement ils concluaient à la garantie contre Robin, leur voiturier.

Du 1er frimaire an 14, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, troisième chambre, plaidans MM. Moreau, Delavigne et Gicquel, par lequel :

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« LA COUR, — Attendu qu'il résulte du procès verbal ressé par le commissaire de police de Tours que l'incendie de partie des effets chargés sur la voiture de Robin n'a pas été la suite d'une force majeure ni d'un cas fortuit, mais bien plutôt le contact de fluides inflammables suffisamment connus du commissionnaire chargeur, par les lettres de voiture, et par lui imprudemment rapprochés lors du chargement de ladite voitnre; Attendu d'ailleurs que ce fait, qui constitue une faute grave de la part du commissionnaire chargeur, est étranger au voiturier, A Mis et MET l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge les appelans des condamnations contre eux prononcées; au principal, condamne la partie de Delavigne à payer à celles de Moreau le montant de leurs marchandises avariées seulement, suivant l'estimation qui en sera faite par experts dont les parties conviendront, sinon nommés d'office; déboute la partie de Delavigne de sa demande en garantie contre celle de Gicquel, et condamne la partie de Delavigne en tous les dépens envers toutes les parties. »

Nota. La question a été décidée dans le même sens entre Rodrigue, marchand éventailliste à Paris, et Legret, commissionnaire de roulage, par arrêt de la Cour d'appel de Pa ris, du 9 fructidor an 13. Il a été jugé de plus, par cet arrêt, que le commissionnaire était responsable du retard apporté dans l'expédition des effets qui lui avaient été confiés.

Voir, au surplus, deux arrêts de la Cour de cassation, des 19 frimaire an 7 et 2 thermidor an 8, rapportés au tom. 1o de ce recueil, pag. 290 et 295, et un troisième, de la Cour d'appel de Paris, du 1er germinal an 15, rapporté page 1o de ce volume.

Nous ne reviendrons plus sur cette question. La jurisprudence est maintenant bien fixée par ce concours de décisions unanimes, qui ont reconnu, comme un principe certain, que les commissionnaires sont toujours responsables de la perte des effets qui leur sont confiés, si ce n'est en cas de force majeure légalement prouvée.

COUR DE CASSATION.

Les ouvrages d'or ou d'argent non marqués sont – ils saisissables et passibles de confiscation entre les mains d'un simple particulier, comme dans la boutique d'un marchand ou d'un fabricant. (Rés. nég.)

POURVOI DE LA RÉGIE DES DROITS RÉUNIS.

La dame Didier ayant donné une chaîne de montre à raccommoder au sieur Buisson, orfèvre à Saint-Étienne, celui-ci y mit une boucle et un porte-mousqueton d'or, sans les faire poinçonner. Lorsque la chaîne d'or, ainsi réparée, fut rentrée dans les mains de la dame Didier, un contrôleur de la marque eut connaissance du fait : il se transporta donc chez le sieur Buisson avec le receveur du droit de garantie, pour faire constater la contravention.

Traduit devant le tribunal de police correctionnelle, le sieur Buisson fut condamné à l'amende de 200 fr.

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Le procureur-général près la Cour de justice criminelle de la Loire appela du jugement, en ce que le tribunal correctionnel n'avait pas prononcé la confiscation de la chaîne; mais la Cour déclara qu'il avait été bien jugé, « attendu que la loi du 19 brumaire an 6 ne prononce la confiscation que des ouvrages non poinçonnés, trouvés et saisis dans les ate¬ liers, magasins et boutiques, des marchands et fabricans, et étant en leur pouvoir; qu'il est constant que la chaîne d'or dont il s'agit appartient à la dame Didier, et était en sa possession au moment où elle a été saisie; et que la loi précitée

n'autorise point la confiscation au préjudice d'un individu qui n'est ni marchand ni fabricant ».

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Pourvoi en cassation pour fausse application et violation de la loi du 19 brumaire an 6.

Du 1er frimaire an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Viellart président, M. Vermeil rapporteur, par lequel:

1

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Thuriot, sub

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stitut du procureur-général, adoptant, dans l'espèce particulière, les motifs énoncés dans l'arrêt de la Cour de justice criminelle du département de la Loire, du 17 messidor an 13; · REJETTE le pourvoi de la Régie des droits réunis. »

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COUR DE CASSATION.

Un juge de paix peut-il être représenté au tribunal de sim-
ple police par son suppléant, lorsqu'il y a dans la même
ville un autre juge de paix? (Rés. aff.)
Le méme individu peut-il être tout à la fois suppléant du
tribunal de première instance et de la justice de paix?
(Rés. aff.)

HEMARD, C. PICARD.

Le 24 ventôse an 15, jugement par lequel le tribunal de de simple police du canton d'Evreux renvoie le sieur Picard d'une plainte dirigée contre lui par le sieur Hémard, pour injures verbales.

Ce jugement est rendu par le sieur Leroy, suppléant du juge de paix et en même temps juge suppléant du tribunal de première instance d'Evreux. Cette circonstance fournit au sieur Hémard deux ouvertures de cassation: la première, tirée de la prétendue violation des art. 12 et 13 de la loi du 28 floréal an 10; et la seconde, du défaut de qualité dans la personne du sieur Leroy, de qui émanait le jugement attaqué.

La loi du 28 floréal an ro, a dit le demandeur, porte « que les juges de paix d'une même ville siégeront tour à tour au tribunal de simple police ». Or il est évident que cette disposition exclut virtuellement les suppléans, et que, dans les villes où, comme à Evreux, il se trouve plusieurs juges de paix, ils doivent respectivement se remplacer au tribunal de police.

D'un autre côté, le sieur Leroy n'est pas seulement suppléant du juge de paix, il l'est encore du tribunal civil d'Evreux; et cependant il est contradictoire qu'un citoyen soit membre de deux tribunaux différens, puisque dans ce cas il

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