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que cette situation n'eût pas influé sur son moral; CASSE,

etc. >>

Nota. L'art. 27 du Code pénal porte: « Si une femme con« damnée à mort déclare, et s'il est vérifié, qu'elle est enceinte, elle ne subira la peine qu'après sa délivrance. » Il semble résulter de cette disposition que la grossesse d'une accusée ne devrait pas aujourd'hui faire obstacle à sa mise en jugement.

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COUR D'APPEL D'AGEN.

Lorsqu'il existe des registres, mais dont la mauvaise tenue et le désordre notoires inspirent une juste défiance, un tribunal peut-il admettre la preuve par témoins de la céLebration d'un mariage non inscrit sur ces registres, surtout lors qu'une possession constante et de graves présomp tions se réunissent en faveur de l'époux qui défend son etat? (Rés. aff.) (C. civ., art. 46 et 198.)

LA DAME ROLLAND, C. LES HÉRITIERS GARY.

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Cette question a reçu différentes solutions selon les temps où elle a été agitée. Quoique tous les peuples entièrement civilisés aient toujours considéré le mariage comme le premier anneau de la chaîne qui, unissant les hommes entre eux, est la base fondamentale du vaste édifice de la société civile; quoiqu'ils l'aient regardé comme un acte que son influence sur les mœurs et sur la force des gouvernemens devait entourer de solennités et de publicité, néanmoins les différentes législations se sont montrées plus ou moins sévères dans l'administration des preuves qui devaient en établir l'exis

tence.

On crut d'abord que la cohabitation, l'habitude familière de deux individus de sexe différent, formaient une présomption légale de mariage.

Cette doctrine subsista long-temps, surtout chez les Romains; cette cohabitation d'un homme et d'une femme li

bres, qu'on appelait consuetudo, suffisait pour les faire regarder comme époux. On pensait que, vivant ensemble, l'amour mutuel, le consentement unanime qui les rapprochait, produisait le mariage, consensus matrimonium facit; et les enfans qui en naissaient jouissaient des droits de légitimité. In liberæ mulieris consuetudine non concubinatus, sed nup tiæ intelligendæ sunt, dit le Code, de concubin. La novelle 24 ajoute, chap. 4: Etiam nuptiæ extra documenta dotalia, et solo affectu valeant et rate sint,

Cette législation, qui fut aussi celle des premiers jours de la monarchie française, trouva dans les moralistes et dans = les ministres de la religion, chrétienne des contradicteurs déclarés. Vivement combattue par eux, on ne tarda point à s'apercevoir des abus nombreux qu'elle autorisait: l'on en conclut que cet acte important, que devaient environner les cérémonies les plus propres à le faire respecter, était souillé par une profanation honteuse, et l'on s'occupa de réprimer une licence si funeste en politique comme en morale.

L'ordonnance de Blois ordonna que quatre témoins assisteraient au mariage, et qu'on tiendrait registre de leur déclaration. Cette disposition, indiquée par Justinien à l'égard des personnages considérables de l'Etat romain, fut étendue en France à toutes les classes de la société. Mais comme il ne suffisait pas d'exiger une preuve authentique de l'état civil, et qu'il fallait assurer la conservation de cette preuve, et mettre les citoyens à portée d'y recourir au besoin, l'art. 181 enjoignit aux curés d'apporter aux greffes royaux, dans deux mois, à la fin de chaque année, les registres des baptêmes, mariages, sépultures, etc., qui avaient été célébrés dans leurs églises. Cette injonction mal observée nécessita l'édit de 1606, la déclaration de 1659, l'ordonnance de 1667, les édits et déclarations de 1697 et 1706.

D'après toutes ces lois, les mariages qui n'avaient pas été inscrits sur les registres de l'état civil furent déclarés nuls,› elle temoignage ne fut plus admis que pour le cas de perte ou de non-tenue de registres. La loi du mois de septembre 17928

dans le nouveau mode qu'elle a prescritn'a rien changé, quant au fond, à la législation antérieure; enfin a paru le Code civil, qui a consacré les mêmes principes et en même temps la même exception dans l'article 46, qui admet la preuve tant par titres que par témoins, lorsqu'il n'aura pas existé de registres ou qu'ils auront été perdus. Mais ces lois ne parlent que de deux cas: celui de la perte et de la non-existence des registres. Doit-on également admettre la preuve testimoniale quand il s'agit seulement de la mauvaise tenue des registres et d'une simple omission à réparer, quand on articule que le mariage a eu lieu publiquement, et que, si l'acte n'en a pas été transcrit sur les registres, c'est la faute de l'officier public? Voilà une question grave et qui n'est pas tranchée nettement par le Code civil. Toutefois l'affirmative ne paraît pas susceptible d'une difficulté sérieuse. La disposition législative doit embrasser toutes les circonstances où le défaut de preuve littérale du mariage est indépendant des époux. C'est un principe fondé sur les anciennes ordonnances et consacré par le Code civil, que celui qui n'a pu se procurer une preuve littérale, comme celui qui l'a perdue par un cas fortuit, doit être admis à la preuve testimoniale: par suite de ce principe, on ne refuse jamais un appel au témoignage des hommes, pour constater les délits et quasi-délits, les fautes qui préjudicientà un tiers. On ne peut dire qu'un acte de célébration de mariage soit entièrement au pouvoir des époux, qui doivent d'ailleurs se reposer sur l'exactitude et la diligence de l'officier public préposé pour sa rédaction; mais aussi c'est aux tribunaux à juger si les circonstances sont assez graves pour autoriser la preuve vocale de l'existence du mariage et de son omission sur les registres destinés à en constater la célébration.

Dans le fait, le nommé Gary et Marguerite Rolland ont vécu et habité ensemble comme époux depuis 1793 jusqu'en l'an 10. A cette dernière époque, Gary, poursuivi pour crime, est condamné. Il meurt dans les fers..

Il paraît certain que le mariage avait été célébré publiquement devant l'officier de l'état civil, en suite de publications

de bans préalables; que Marguerite Rolland avait été constamment en possession de son état d'épouse légitime et qu'elle avait été généralement reconnue comme telle par la famille de son mari. Cependant, lorsqu'elle voulut réclamer les droits qui lui appartenaient en cette qualité, on soutint qu'elle n'était point mariée, et on lui demanda le titre qui constatait la célébration de son prétendu mariage.

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Dans l'impuissance de produire cet acte, à cause du mauvais état des registres de la commune de Camon, où la cérémonie avait eu lieu, elle offrit de prouver par témoins qu'elle avait été mariée tel jour, à telle heure, et en présence de telles personnes, devant l'officier public. Elle produisait d'ailleurs des publications de bans et autres adminicules propres à fortifier son assertion.

Jugement du tribunal civil de Villeneuve qui rejette la preuve offerte, et déclare Marguerite Rolland non recevable dans toutes ses demandes, faute d'avoir pu rapporter l'acte de célébration du mariage.

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La femme Gary interjette appel de ce jugement.

On ne peut, disait-on pour elle, sans l'injustice la plus criante, refuser à l'époux dont on conteste le mariage les moyens d'en prouver l'existence; il ne saurait être victime de la négligence et de l'imprévoyance de l'officier public qui aura omis d'en inscrire la célébration sur les registres. Cette faute ne peut lui faire perdre son nom, ses droits, son état civil. Eh quoi ! l'épouse recevrait l'affront humiliant de se voir passer pour la concubine de celui auquel l'unissent les liens les plus sacrés! Elle verrait son fils repoussé du sein de sa famille comme un être qui doit l'avilir et la déshonorer ! Et la loi serait sans force pour réparer cette omission! Et les tribunaux ne viendraient pas au secours de celui que cette perte opprime d'une manière si sensible!

La femme Gary a pour elle tout ce qui est nécessaire pour la faire admettre à prouver par témoins son union avec Jean Gary. Elle peut faire valoir la procédure criminelle dirigée contre elle lors de l'emprisonnement de son mari par le

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directeur du jury de Marmande, sous le titre d'épouse de Jean Gary, titre qu'elle a reçu non seulement des juges, mais encore des témoins. Elle possède l'aveu de l'officier puble de Camon, qui a dit avoir fait lui-même ee mariage; ellen le témoignage volontaire de plusieurs individus alors muntTM cipaux dans cette commune. Elle représente son contrat de mariage en daté du 26 juin 1793; celui de la sœur de son mari, où elle est qualifiée du titre de belle-secur, et qu'elle a signé comme telle; l'extrait, dans les formes, du registre des publications de la commune de Sainte-Leucade, qu'elle has bitait, où il est attesté que les bans de la demoiselle Rollant y ont été publiés lé 23 juin 1793.

Elle oppose la mauvaise tenue des registres de Canton, dans lesquels il règne un tel désordre, qu'on doit les regarder comme s'ils n'existaient pas en effet. Elle y joint encore la possession d'état de femme de Jean Gary, possessiou qui, si elle n'est pas elle-même une preuve, est au moins une présomption considérable. Compterait-on pour rien en effet la cohabitation de Gary et de sa femme depuis 1798, la feconnaissance de cette dernière par la famille de son époux; l'accueil amical et vraiment fraternel, les marques d'atta chement qu'elle en a reçues ; cette bonne intelligence si bien établie, cette affinité si réelle, que lors du mariage de la demoiselle Gary elle a été désignée dans le contrat sous le nom de belle-sœur, et l'a signé comme telle?

Son mari dui a donné dans tous les temps, avec le titre d'é pouse, tous ceux qu'une tendresse bien méritée peuvent seuls dicter; dans sa prison, il lui a écrit les lettres les plus affectueuses, toujours terminées par ces mots, ton bon mari, et toujours adressées à madame Gary. Elle-même a toujours, dès qu'elle l'a pu, partagé sa captivité; elle en a par sa présence adouci l'amertune; elle lui a apporté des consolations et des secours. Et cet enfant, dont les yeux sont à peine ouverts à la lumière, serait-il venu par sa naissance sceller inutilement cette union, et rendre la hien qui la formait plus sacré et plus indissoluble 2 Tout ces titres sont assez puissans

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