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salique, la personne franche qui épousait une personne serve, devenait serve elle-même; mais il fallait, pour qu'il en fût ainsi, que celui des deux époux, qui était franc, eût connu, avant le mariage, la condition de l'autre, ou qu'ayant connaissance de cette condition, après le mariage, il ne s'en séparat point. Cet usage existait encore en France sous les premiers rois de la troisième race, ainsi que nous l'apprend Saint-Yves dans sa 242o lettre.

Il n'y avait que les habitants des grandes villes et de quelques autres lieux qui fussent affranchis de la servitude, quelques-uns ayant conservé leurs priviléges et leur liberté lorsque les Francs conquirent la Gaule, et les autres s'étant rachetés de la servitude à main armée, ou bien à prix d'argent (1).

Or, comme l'esprit des gouvernants est ordinairement fécond en inventions, quand il s'agit d'impôts et de finances, l'on proposa dans le conseil du roi d'offrir l'affranchissement à tous les paysans de son domaine, moyennant un certain prix. L'expédient fut trouvé bon, et Louis X, par un édit du 3 juillet 1315, ordonna que les servitudes fussent ramenées à franchises, en donnant pour motif que ses Etats, portant le nom de royaume des Francs, il voulait qu'il n'y eût que des gens libres, en ajoutant toutefois ces mots fort essentiels : à bonnes et convenables conditions. Beaucoup de serfs payèrent, afin d'ètre affranchis; mais d'autres, manquant d'argent, ne purent profiter de l'édit. En même temps, et toujours dans le but de se procurer de l'argent, on permit aux juifs de résider en France.

rier leurs filles, quand elles étaient leurs héritières présomptives, sans le consentement des seigneurs; et s'ils les mariaient sans congé, ils perdaient leurs fiefs.

Il n'en était pas de même en France.

(1) Voy. ce que j'ai dit au sujet de l'établissement des communes, t. II, p. 186 et suiv.

Avec ces nouvelles ressources, le roi leva des troupes, marcha vers la Flandre, fut forcé de s'en retourner à cause des pluies torrentielles qui mettaient obstacle aux opérations, et mourut à Vincennes le 5 juin 1316, laissant une fille de son premier mariage, et sa seconde femme enceinte (1).

Son frère Philippe, comte de Poitiers, était alors à Lyon pour presser l'élection d'un pape, depuis longtemps différée, les cardinaux, depuis la mort de Clément V, n'ayant pu s'accorder pour lui donner un successeur. Ce prince ayant appris la mort du roi, se rendit aussitôt à Paris, et la régence lui fut déférée pour dix-huit ans par les barons dans le cas où la reine accoucherait d'un prince; tandis que si c'était d'une fille, il serait reconnu roi à la charge de voir au sort de la princesse suivant l'usage et le droit.

pour

La reine accoucha d'un fils, nommé Jean, qui ne vécut que quelques jours; et dès lors le régent prit le titre de

roi.

(1) Clémence de Hongrie.

LXIII.

REGNE DE PHILIPPE V, SURNOMMÉ LE LONG (1) CONTESTATION DE SON DROIT A LA COURONNE. — SON SACRE. - ÉLECTION DU PAPE JEAN XXII. -PROMOTION DE CARDINAUX. — CANONISATION DE SAINT LOUIS, ÉVÊQUE DE TOULOUSE.LETTRE DU PAPE A LA MÈRE DE CE SAINT PRÉLAT.

ROL. CRÉATION DE NOUVEAUX ÉVÊCHÉS. ·

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LETTRE AU COMPLOT CONTRE LA VIE DU

PAPE. — AFFAIRE DES FRÈRES Dits spirituelS. LE ROI SE PRÉPARE À UNE CROISADE.- REPRESENTATIONS DU PAPE a ce sujet. -NOUVEL ESSAIM DE PASTOUREAUX, -ATTENTAT DES LÉPREUX. MORT DU ROI.

La succession de la couronne de France, qui, depuis Hugues Capet, tige de la troisième race, avait toujours été transmise en ligne directe de père en fils dans la personne de treize rois, passa pour la première fois à la ligne collatérale, du neveu à l'oncle. Philippe, alors âgé de vingt-trois ans, était le premier prince du sang royal entre plus de trente qui vivaient alors, sortis des branches de Valois, d'Alençon, d'Evreux, de Bourbon, d'Artois, d'Anjou, de Dreux, de Bretagne et de quelques autres. Il fut sacré à Reims avec la reine Jeanne, sa femme, le dimanche après les Rois, en l'an 1317 (2).

Quoique son droit à la couronne fût incontestable, il lui fut néanmoins contesté. Son frère, Louis X, avait eu de sa première femme une fille nommée Jeanne. Eudes, duc de Bourgogne, oncle de la jeune princesse, soutint que par le droit naturel et par le droit civil elle devait succéder au roi son père; en conséquence, il fit faire opposition au sacre, et protester en présence des pairs et des prélats qu'on ne

(1) A cause de sa haute taille.
(2) Le P. DANIEL, Hist. de France.

maison, tous deux parvenus au même bonheur par differentes routes de sainteté. Ce sont des exemples domestiques qui sont proposés au roi. Ce pontife lui avait déjà donné des avis paternels aussitôt après son sacre, l'exhortant à se conduire toujours en prince catholique, plein de respect et de zèle pour la religion, ami de la vérité, favorable à l'Église et à ses ministres. Il lui avait encore recommandé le recueillement et le silence dans le lieu saint et pendant les divins offices, la gravité dans les manières et dans les ornements de sa personne, l'attention à faire observer les lois de l'Eglise pour la sanctification des fêtes, l'application à prendre soin par lui-même des affaires, à lire surtout les lettres qu'on fuí écrivait des cours étrangères; l'avertissant que c'était le moyen de prévenir bien des dangers et des malheurs. Jean XXII parlait en ami et en père; le roi l'écoutait en fils docile, et il se plaisait à honorer par là un pape qui était né son sujet et qui, dans toutes les occasions, paraissait bien aise de s'en souvenir (1).

A l'honneur que venait de recevoir l'église de Toulouse par la canonisation d'un de ses évêques, le pape en ajouta un autre en l'érigeant en archevêché, et en lui donnant d'abord pour suffragant l'évêché de Pamiers, quatre nouveaux évêchés qu'il créa en même temps, savoir: Montauban, Saint-Papoul, Lombez et Rieux (2), et quelques mois après, Lavaur et Mirepoix (3). Par d'autres bulles de la même an

(1) FONTENAY, Hist. de l'Église gallicane, liv. XXXVI.

(2) Le pape choisit pour premier archevêque de Toulouse Jean Raimond de Comminges qu'il transféra de Maguelone. Le premier évêque de Montauban fut Bertrand du Puy, qui mourut trois mois après, et qui fut rem← placé par Guillaume de Cardaillac. Bertrand de La Tour fut nommé au siége de Saint-Papoul. L'évêché de Lombez fut rempli par Arnaud Roger de Comminges, frère de l'archevêque de Toulouse. L'évêché de Rieux fut donné à Guillaume de la Broce, doyen de la cathédrale de Bourges.

(3) Le premier évêque de Lavaur fut Roger d'Armagnac; Raymond Aton fut le premier évêque de Mirepoix.

née (1) et de l'année suivante, il érigea dans la province de Bordeaux les évêchés de Condom, Sarlat, Luçon, et Maillezais; dans la province de Bourges, Saint-Flour, Vabres, Tulle et Castres (2), et dans la province de Narbonne les évêchés d'Alet et de Saint-Pons (3).

En même temps qu'il multipliait les évêchés (4) afin de rendre la religion plus florissante, de procurer aux peuples plus de secours, ce pontife ranimait les bonnes études dans les écoles publiques, encourageait les universités de Paris, de Toulouse, d'Orléans, d'Oxford, d'Italie, publiait les Clémentines (3), et envoyait de toutes parts des nonces pour entretenir la paix entre les princes chrétiens. Cependant on conspira contre sa vie, et parmi ceux qui étaient entrés dans cet affreux complot, on découvrit l'évêque de Cahors, décrié pour ses mœurs, et qui était entré dans l'épiscopat par brigue et par simonie. Le pape, ayant fait dresser des informations sur la conduite du prélat, assembla le sacrécollége, et, de l'avis unanime des cardinaux, le déposa et le condamna à la prison perpétuelle. Un auteur du temps (6) ajoute que le coupable fut dégradé, livré au bras séculier et brûlé.

Une autre affaire, non moins pénible, vint encore affliger le pape. Plusieurs frères mineurs, s'étant révoltés contre leur ordre, avaient nommé un général particulier, et ensei

(1) An 1317.

(2) Raimond Galar fut le premier évêque de Condom; Raimond, abbé de Gaillac, fut le premier évêque de Sarlat; Pierre de la Voirie fut nommé à l'évêché de Luçon; Geoffroy Ponerelle à l'évêché de Maillezais; Raismond de Mostuejouls, à celui de Saint-Flour; Pierre Olarge, à celui de Vabres, Arnaud de Saint-Astier à celui de Tulle, Déodat, abbé de Lagny, à celui de Castres.

(3) Le premier évêque d'Alet s'appelait Barthelemy; celui de SaintPons, Pierre Rogier.

(4) Le pape écrivit au roi pour faire approuver sa conduite à ce sujet. (5) C'est ainsi qu'on appelle le recueil des constitutions de Clément V. (6) BERNARD GUIDONIS ap. Baluz, p. 154.

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