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LE TRIBUNAL; Attendu que la loi du 3 juillet 1894, remplaçant l'article 15 de la loi du 25 août 1885, exige que l'action en rédhibition, pour les ventes ou échanges d'animaux domestiques destinés à être abattus pour être livrés à la consommation, à raison des vices qui les rendent impropres à cet usage, soit intentée dans les cinq jours de la livraison de l'animal vendu;

Attendu que la vente et la livraison ayant eu lieu le 31 janvier 1895, l'action intentée le 15 février, devant le tribunal de commerce d'Anvers, était tardive;

Attendu que la réclamation verbale, adressée par le demandeur au défendeur le 4 février, ne saisissait aucune juridiction de la contestation, et elle n'était, par suite, introductive d'aucune action;

Attendu que si l'un des défendeurs s'est rendu à Anvers, le 4 février, il n'est pas allégué, soit qu'il aurait consenti à indemniser le demandeur, soit qu'il aurait entendu renoncer à se prévaloir de la déchéance résultant de la disposition précitée, soit qu'il aurait admis que les effets en fussent suspendus; que le demandeur ne pouvait donc se dispenser d'agir dans le délai légal;

Par ces motifs, déclare l'action non recevable; condamne le demandeur aux dépens; ordonne l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel, sans caution.

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est régulière en la forme et que la recevabilité n'en est pas contestée;

Attendu que l'opposant, sans méconnaître que la vache par lui vendue au demandeur originaire ait été déclarée totalement impropre à la consommation et qu'une perte de 398 francs en soit résultée pour l'acheteur, se borne à prétendre que l'action ne serait pas recevable, l'animal ayant été transporté à une distance de plus de 5 myriamètres du lieu de la vente;

Attendu que parties sont en désaccord sur la façon dont la distance de 5 myriamètres doit être calculée, Bracquegnies, lieu où l'animal a été transporté, se trouvant à moins de 5 myriamètres de Cureghem, lieu de la vente, en ligne directe et à plus de 5 myriamètres par voie ferrée ou ordinaire;

Attendu que les discussions qui ont precédé le vote par le Sénat de la loi du 3 juillet 1894 prouvent que la volonté du législateur a été d'établir des zones ou rayons de garantie devant se calculer en ligne directe, en prenant pour point de départ le lieu de la vente, sans égard au chemin à parcourir pour se rendre au lieu où l'animal aurait été transporté;

Attendu qu'ainsi M. Audent déclare que Charleroi n'est pas tout à fait à 10 lieues de distance de Bruxelles, et M. le ministre De Bruyn, que c'est en vue du marché de Charleroi que le rayon de garantie a été fixé à 5 myriamètres, alors que, par voie ferrée, Charleroi se trouve à 56 kilomètres de Bruxelles et par voie ordinaire à une distance encore plus grande;

Par ces motifs, reçoit en la forme l'opposition au jugement par défaut du 15 mai 1895; statuant au fond, déclare l'action recevable et l'opposition mal fondée, en déboute l'opposant; dit que ce jugement sortira ses pleins et entiers effets; condamne l'opposant aux dépens.

Du 26 juin 1895. Tribunal de commerce de Bruxelles. 2e ch. Prés. M. Hobé, juge. Pl. MM. Buysse (du barreau de Gand) et Schlesser.

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Aucune loi ne règle la procédure des commissions rogatoires en ce qui concerne les enquêtes faites à l'étranger; et il est généra

lement admis que l'intervention des parties intéressées n'y est pas nécessaire (1). Les procès-verbaux des enquêtes faites à l'étranger doivent faire foi devant les tribunaux belges, lorsque, dressés dans les formes prescrites par les lois du pays et par l'autorité compétente, ils ne renferment en euxmêmes aucun vice de nature à les faire repousser. L'énumération des reproches de témoins, contenue dans l'article 283 du code de procédure civile, n'est pas limitative : les employés de l'une des parties, susceptibles d'être congédiés ou révoqués par elle, se trouvent dans une situation de dépendance qui doit faire admettre le reproche formulé à leur égard (2).

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LE TRIBUNAL; Vu en expédition régulière les jugements de ce tribunal, en date du 22 février 1895, du 12 juillet 1893 et du 27 février 1894;

Attendu que la première de ces décisions, en prononçant la résiliation de la convention verbale par laquelle le défendeur s'engageait à aller donner des représentations avec sa troupe dans l'établissement « le Tivoli », dirigé à Christiania par le demandeur, a ordonné à ce dernier d'établir de plus près le préjudice qu'il prétendait avoir souffert et sur lequel il fondait sa demande de dommages-intérêts;

Attendu que le tribunal, estimant que les éléments nouveaux fournis par le demandeur à la suite de sa décision n'étaient pas suffisants pour fixer le chiffre des dommagesintérêts, admit, par un nouveau jugement du 12 juillet 1893, le dit demandeur à prouver, un certain nombre de faits, articulés par lui, et commit le tribunal de 1re instance de Christiania aux fins de procéder par luimême, ou par l'un de ses membres, aux enquêtes ordonnées;

Attendu qu'à la date du 27 février 1894, intervint un troisième jugement de ce siège, ordonnant que les enquêtes seraient commencées dans les quatre mois de la pronon

(1) Voy. les autorités citées dans le jugement. Voy. aussi app. Liège, 29 décembre 1869 (PASIC. BELGE, 1870, II, 140); jug. Liège, 10 juin 1874 (CLOES et BONJEAN, t. XXII, p. 4234); jug. Liège, 16 juin 1873 (ibid., t. XXIV, p. 354).

(2) Jurisprudence constante. Voy. les décisions rappelées au Répertoire de JAMAR 1814-1886, vo Enquete, no 182. Voy. aussi jug. Louvain, 13 février 1884 (PASIC. BELGE, 1884, III, 189).

ciation de ce jugement; que l'enquête fut tenue à Christiania le 28 août 1894;

Attendu que le défendeur oppose la nullité de cette enquête, se fondant sur ce qu'elle n'a pas été commencée dans le délai imparti par le tribunal, et sur ce que le demandeur, en violation de l'article 261 du code de procédure civile, ne l'a pas assigné pour être présent à l'enquête et ne lui a pas notifié les noms de ses témoins;

Attendu, en ce qui concerne le premier de ces moyens, que si l'enquête n'a pas pu s'ouvrir dans le délai ordonné par le tribunal, il résulte des éléments de la cause que ce retard est imputable, non à la négligence du demandeur, qui, dès le 12 mars 1894, avait levé l'expédition du jugement ordonnant l'enquête, l'avait signifiée au défendeur et l'avait adressée ensuite à l'avocat Wiage de Christiania, en le chargeant de remplir les formalités voulues, mais aux nombreuses formalités diplomatiques et judiciaires nécessitées pour l'exécution en Norvège du jugement rendu par le tribunal de Bruxelles;

Attendu qu'il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, de déclarer le demandeur déchu du bénéfice de la preuve;

Attendu qu'il n'y a pas lieu davantage d'accueillir le second moyen de nullité proposé par le défendeur;

Attendu, en effet, qu'aucune loi ne règle la procédure des commissions rogatoires en ce qui concerne les enquêtes faites à l'étranger;

Attendu qu'il est généralement admis que les commissions rogatoires en matière civile doivent être exécutées par les magistrats sans intervention nécessaire des parties intéressées (PARDESSUS, Droit commercial, no 1489; MASSÉ, Droit commercial, no 779; FOELIX, t. Ier, nos 462 et suiv.);

Attendu que les procès-verbaux des enquêtes faites à l'étranger doivent faire foi devant les tribunaux belges, lorsque, dressés dans les formes prescrites par les lois du pays et par l'autorité compétente, ils ne renferment en eux-mêmes aucun vice de nature à les faire repousser;

Attendu que, dans l'espèce, les dépositions des témoins norvégiens ont été reçues sous la foi du serment par le magistrat compétent; que le document qui les reproduit présente tous les caractères d'une parfaite authenticité;

Attendu qu'il était loisible au défendeur de demander, et qu'il eût dans ce cas obtenu, conformément à l'usage, que le jugement instituant la commission rogatoire mentionnat l'intention de la partie Bihin d'assister à l'enquête et d'être avisée des noms des témoins à entendre;

Attendu que le défendeur était, du reste,

suffisamment averti par la signification du jugement interlocutoire, et qu'il avait à prendre les mesures nécessaires pour connaître le jour fixé par le juge de Christiania et assister à l'enquête s'il le jugeait utile;

Attendu que le défendeur n'allègue d'autre préjudice de son absence à l'enquête que l'impossibilité où il s'est trouvé d'avoir pu reprocher les témoins;

Mais attendu que rien ne s'oppose à ce qu'il exerce actuellement encore ce droit, et que, de fait, il l'exerce, sans que le demandeur le prétende non recevable à ce faire;

Attendu que l'article 285 du code de procédure civile n'énumère pas d'une manière limitative les causes de reproche; qu'il déclare reprochables les serviteurs et les domestiques, parce que ceux-ci ne sont pas dans une condition suffisante d'indépendance et d'impartialité;

Attendu que ce motit s'applique aux 1er et 3me témoins, qui déclarent être respectivement reviseur (inspecteur) et caissier du demandeur; qu'en effet, ces employés sont choisis par le demandeur, qui peut les révoquer à tout moment; qu'ils sont entièrement à sa merci;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, d'admettre le reproche dirigé contre ces deux témoins;

Attendu quant au 2e témoin de l'enquête que sa déposition est sans importance au procès, puisqu'il ne dépose d'aucun fait qu'il connaîtrait de science personnelle; qu'il se borne à rapporter des propos que lui aurait tenus le demandeur, ou à certifier l'identité du sieur Schuman;

Attendu qu'il résulte de ces considérations que le demandeur n'a pas subministré la preuve qui lui a été imposée, et qu'il ne justifie pas du montant du préjudice qu'il aurait subi; qu'il échet, en conséquence, de déclarer satisfactoire l'offre faite par le défendeur de payer les dépens du procès pour tous dommages;

Par ces motifs, de l'avis conforme de M. Dieudonné, substitut du procureur du roi, rejetant toutes fins et conclusions plus amples ou contraires, admet les reproches dirigés contre les 1er et 3e témoins de l'enquête; dit qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de leurs dépositions; déboute le demandeur de son action; et attendu que le défendeur offre de payer les dépens du procès, donne acte aux parties de cette offre, et ordonne au défendeur de la réaliser dans les huit jours de la signification du présent jugement.

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Le fait qu'un immeuble à exproprier a été acquis pendant la période la plus prospère pour les propriétés immobilières, est indifférent au point de vue de son estimation par les experts. Il suffit pour ceux-ci d'analyser le résultat de ventes publiques de propriétés comparables à l'immeuble exproprié, en tenant compte des circonstances qui peuvent influer sur la valeur de l'immeuble (1). L'indemnité pour perte de jouissance ne doit pas se confondre avec les intérêts d'attente, lesquels représentent les intérêts au taux légal de 4 1/2 p. c. du capital devenu disponible par l'expropriation, tandis que l'indemnité pour perte de jouissance a pour but d'indemniser l'exproprié de la perte de la différence entre le taux ordinaire des placements et le haut intérêt que produit actuellement son immeuble, déduction faite de toutes charges.

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LE TRIBUNAL;-Vu, en expédition régulière, le jugement rendu par la première chambre de ce tribunal, le 30 mars 1895, ensemble le rapport enregistré des experts... du 1er juin 1895;

En ce qui concerne la valeur vénale de l'immeuble exproprié :

Attendu que les experts fixent cette valeur à 17,000 francs; que, pour déterminer ce chiffre, ils ont analysé le résultat de ventes publiques de propriétés comparables à l'immeuble exproprié, toutes propriétés dites << de rapport », situées dans le haut de la ville, à plus ou moins de proximité du bien litigieux; qu'ils ont tenu compte des différences qui existent entre les propriétés qui ont été l'objet de ces ventes et l'immeuble exproprié, tant au point de vue de la nature et de l'état des constructions, de la situation,

(1) Comp. app. Bruxelles, 2 mars 1850 (PASIC. BELGE, 1850, II, 216); jug. Bruxelles, 6 août 1864 (Belg. judic., 1864, p. 1428); app. Bruxelles, 3 avril 1863 (PASIC. BELGE, 1865, II, 172); jug. Bruxelles, 14 juillet 1866 (Belg. judic., 1866, p. 1144).

des proportions du terrain et du revenu locatif, que de toutes circonstances qui peuvent influer sur la valeur de l'immeuble;

Attendu que les conclusions des experts sont justes et bien vérifiées;

Qu'il importe peu que l'année 1872, pendant laquelle le défendeur a acquis l'immeuble exproprié, ait été pour les propriétés immobilières la période la plus prospère, puisque les experts arrivent à déterminer la valeur actuelle du bien ligitieux en le comparant avec des immeubles vendus dans ces dernières années;

Attendu que les critiques formulées par le défendeur ne sont pas fondées non plus, la situation de l'immeuble exproprié étant moins bonne que celle des diverses propriétés prises par les experts comme points de comparaison, et notamment de la propriété située rue Notre-Dame, 11, signalée spécialement par le défendeur; qu'en effet, la rue NotreDame relie la Montagne de la Cour au carrefour de la rue des Sols, de la rue Terarken et de la rue des Douze-Apôtres, tandis que la propriété litigieuse est reléguée au fond de de l'allée Saint-Roch, laquelle constitue, à l'endroit où s'étend l'immeuble du défendeur, une ruelle sans issue et sans aération;

En ce qui concerne la perte de jouissance de l'exploitation de la propriété :

Attendu que c'est avec raison que les experts allouent au défendeur une indemnité de ce chef;

Qu'il est certain, en effet, que le défendeur sera lésé tant qu'il ne trouvera pas à acquérir une propriété du genre de celle dont il est dépossédé, produisant un aussi fort intérêt et se prêtant au genre de spéculation à laquelle il se livre et qui est celle de loueur de chambres;

Qu'aussi longtemps qu'il n'aura pu acquérir une propriété du même genre, le défendeur ne recevra que des intérêts ordinaires, au taux normal des placements;

Attendu que cette indemnité pour perte de jouissance ne doit pas se confondre avec les intérêts d'attente; que ceux-ci représentent les intérêts, au taux légal de 4 1/2 p. c., du capital devenu disponible par l'expropriation, pour le temps pendant lequel ce capital est censé demeurer improductif entre les mains de l'exproprié;

Que l'indemnité pour perte de jouissance a, au contraire, pour but d'indemniser l'exproprié de la perte de la différence entre le taux ordinaire des placements et le haut intérêt que produit actuellement son immeuble, déduction faite de toutes charges;

Attendu que les conclusions des experts relatives au remboursement éventuel du prorata des contributions et des assurances, en

remboursement de la créance hypothécaire, grèvent l'immeuble exproprié, aux indemnités pour double loyer, frais de déménagement et de réappropriation, perte de souslocations et préjudice causé à la profession, ne soulèvent pas de critique de la part de la demanderesse et que le défendeur n'a rien à y objecter;

Qu'il y aura lieu, toutefois, pour le défendeur, de justifier du montant de l'indemnité relative au remboursement des frais de la mainlevée hypothécaire et de ceux de l'acte de quittance, dus éventuellement;

Attendu que le taux des frais de remploi et celui des intérêts d'attente ne sont pas contestés;

Par ces motifs, entendu M. le juge Bollie en son rapport à l'audience, et M. Michielsens, substitut du procureur du roi, en son avis conforme, fixe comme suit les indemnités dues au défendeur :

Valeur vénale.
. fr.
Frais de remploi à 12 p. c.
Intérêts d'attente à 1 1/8 p. c.
Indemnité de remboursement

anticipé.

Prorata des frais de l'acte
Double lover .

Frais de déménagement et de réappropriation .

Perte de sous-locations
Préjudice causé à la profes-

sion.

Perte de jouissance

17,000 >> 2,040 »

191 25

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Dit que la demanderesse devra rembourrser au défendeur les frais de l'acte de mainlevée de l'hypothèque qui grève l'immeuble et ceux de l'acte de quittance; dit que la demanderesse devra tenir compte au défendeur des sommes qu'il aurait payées anticipativement ou devrait solder encore pour les contributions foncières et communales, l'assurance de l'immeuble contre l'incendie et les redevances pour consommation des eaux de la ville pour la période de temps postérieure à la prise de possession; dit que moyennant le payement ou la consignation des sommes ci-dessus indiquées, la demanderesse sera envoyée en possession de l'immeuble exproprié; déclare le présent jugement exécutoire par provision, nonobstant appel et sans caution; condamne la demanderesse aux dépens.

Du 18 juillet 1895. Tribunal de première instance de Bruxelles. - 1re ch. Prés. M. Alfred Robyns, vice-président.

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BRUXELLES, 20 juillet 1895. PROPRIÉTÉ ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE. DROITS D'AUTEUR. OEUVRES SCIENTIFIQUES. FONCTIONNAIRES.

D'après la loi du 22 mars 1886, les publications autres que les actes officiels faites par l'Etat ou par son administration donnent lieu au droit d'auteur en faveur de celui qui les a composées, s'il ne l'a pas aliéné en faveur de l'Etat.

L'Etat ne peut revendiquer la propriété d'une œuvre scientifique exécutée par des fonctionnaires que pour autant que ceux-ci aient agi dans la sphère habituelle et normale de leurs fonctions, et qu'ils n'aient pas eu à remplir une mission toute spéciale et d'un caractère scientifique leur confiée bien plus à raison de leur compétence qu'en leur qualité de fonc

tionnaires.

(L'ÉTAT BELGE, C. DUPONT.)

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que l'action a pour but de faire condamner le défendeur à remettre à l'Etat belge les renseignements et les échantillons recueillis par lui sur le terrain en sa qualité de géologue, fonctionnaire attaché au service de la carte géologique (renseignements formant l'objet des documents mentionnés à l'article 13 de l'arrêté ministériel du 19 octobre 1878);

Attendu que l'Etat prétend que les documents litigieux lui appartiennent, soit parce qu'ils sont devenus sa propriété de plein droit par le fait même qu'ils ont été dressés conformément à des instructions administratives en vue d'un ouvrage entrepris par l'Etat et à ses frais, soit parce que le défendeur, par son adhésion aux arrêtés organiques résultant de sa participation aux travaux scientifiques de la carte, aurait tacitement renoncé, en faveur de l'Etat, à ses droits d'auteur;

Attendu que, pour apprécier la valeur des moyens sur lesquels l'Etat fonde sa réclamation, il importe de préciser dans quelles conditions a été décidée la publication de la carte géologique de Belgique et quels devaient être les agents chargés de son exécution;

Attendu qu'à la suite de la loi du budget du 27 février 1878, ouvrant un crédit pour l'exécution d'une carte géologique de la Belgique, un arrêté royal du 16 juillet 1878 établit un règlement organique qui dispose que la carte géologique détaillée serait levée et publiée aux frais de l'Etat, à l'échelle de 20/000 d'après les planchettes de la carte topographique du département de la guerre

(art. 1er); que les travaux seraient exécutés sous le contrôle d'une commission ressortissant au ministère de l'intérieur, et dont le défendeur fut nommé membre par arrêté royal du 17 juillet suivant; qu'aux termes de l'article 4, le service du levé de la carte est rattaché au musée d'histoire naturelle, et ce service sera dirigé par le chef de cet établissement, sous sa responsabilité, de manière à assurer l'exécution complète et l'unité scientifique de la carte;

Attendu que, le 19 octobre suivant, parut un arrêté ministériel établissant un règlement d'ordre pour l'exécution et la publication de la dite carte;

L'article 6 fait appel au concours de tous les savants compétents du pays, et dispose que les levés exécutés par les géologues seront publiés sous le nom de leur auteur.

Attendu que les documents réclamés sont, d'après les termes de l'exploit d'ajournement, ceux relatifs aux relevés effectués par le défendeur pour les cartes au degré d'avancement où elles étaient arrivées le 20 mai 1885, c'est-à-dire à une époque à laquelle les divers services créés en vertu des arrêtés ci-dessus furent interrompus, la création d'une nouvelle carte à l'échelle de 40/000 étant décidée en principe; d'après les conclusions d'audience, la véritable portée de la réclamation aurait pour but la remise des feuilles de levés ou planchettes minutes, les listes d'échantillons, les notes et les carnets de voyage relatifs aux cartes non encore publiées;

Attendu que ce sont ces manuscrits, les uns achevés mais inédits, les autres non achevés encore, que le défendeur refuse de délivrer à l'Etat en invoquant ses droits d'auteur;

Attendu qu'il est incontestable que les documents litigieux relèvent du droit d'auteur; ils constituent, en effet, des œuvres scientifiques au plus haut degré, résultat de recherches, de calculs, de déductions qui leur attribuent un caractère essentiellement personnel;

Attendu que cependant l'Etat fonde sa prétention à la propriété de ces documents sur la qualité de fonctionnaire du défendeur, qualité qui, d'après lui, aurait eu pour effet de priver celui-ci de toute propriété intellectuelle:

Attendu que si semblable thèse peut être vraie en principe général ou en tant qu'elle s'applique aux fonctionnaires agissant dans la sphère habituelle et normale de leurs fonctions, il paraît difficile de l'admettre lorsque, comme dans l'espèce, il s'agit d'une mission toute spéciale et d'un caractère scientifique d'une aussi haute importance, mission dont le défendeur a été chargé bien plus en sa

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