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Le ministère public avait pris des réquisitions écrites dont voici un extrait :

« Quant à la prévention d'avoir à Bruxelles postérieurement au 29 juin 1891, sans autorisation légale, tenu une maison de prêt sur gages ou nantissement.

«Attendu, en fait, qu'il est établi que les prévenus faisaient paraître des annonces avertissant le public qu'ils consentaient des prêts sur marchandises, que de nombreuses personnes se sont adressées à eux et ont obtenu qu'ils leur consentissent des prêts garantis par la remise de meubles corporels;

<< Attendu que ces opérations constituaient des prêts sur gages ou nantissement;

«Attendu que ces prévenus les ont faites habituellement et sans autorisation légale ; << Attendu qu'ils ont donc commis le délit prévu par l'article 306 du code pénal;

« Attendu que, pour échapper à cette conséquence, les prévenus argumentent de la forme suivant laquelle ils ont contracté les prêts sur gages ou nantissement qu'ils ont faits;

«Attendu qu'il est prouvé qu'après avoir reçu le meuble corporel destiné à garantir leur créance, les prévenus établissaient, conformément à la loi du 18 novembre 1862 sur les warrants, un warrant et une cédule; que, d'une part, ils conservaient le warrant ainsi que la chose engagée, que le warrant représentait; que, d'autre part, ils remettaient généralement la cédule à l'emprunteur;

les frais un dédommagement modique, » (Discours de Jard Parvillers sur le projet de la loi du 16 pluviose an XII, séance du Corps législatif du 16 pluviôse an XII, Archives parlementaires de France, 2o partie, t. V, p. 371.)

D'autre part, c'est par suite d'une confusion qu'on a cru parfois que la défense de prêter habituellement sur gages avait son origine dans l'idée de protéger les monts-de-piété.

Cette interdiction a été établie dans l'intérêt des emprunteurs; pour empêcher que ceux-ci ne soient exploités par les prêteurs, on a dit que l'industrie consistant à prêter habituellement sur gages serait l'objet d'une surveillance spéciale, et on a institué les monts-de-piété. Les travaux préparatoires de la loi du 16 ventôse an XII sont formels à cet égard. Les textes invoqués par le jugement ne paraissent pas avoir la portée qu'il leur attribue.

L'article 25 du projet primitif était suivi d'un article ainsi conçu :

«En attendant l'organisation des comptoirs mentionnés à l'article 25, des agents choisis parmi les personnes ayant l'expérience des affaires commer

<< Attendu que les prévenus prétendent qu'en agissant ainsi, ils n'ont fait qu'appliquer la loi du 18 novembre 1862 sur les warrants; qu'ils soutiennent que cette loi a dérogé à l'article 411 du code pénal de 1810 (reproduit sans modification, sauf quant à la peine, par l'article 306 du code pénal de 1867) et qu'elle a permis la tenue sans autorisation de maisons de prêt sur gages ou nantissement, pourvu que les prêts soient contractés conformément aux formes qu'elle établit;

<«< Attendu que la loi du 18 novembre 1862 n'a pas pareille portée;

<«< Attendu que son texte ne contient aucune dérogation à l'article 411 du code pénal de 1810;

« Attendu que son seul but a été de permettre d'une part d'emprunter, sans la déplacer et la remettre en mains du prêteur, sur une marchandise consignée dans un dépôt, d'autre part, de vendre cette marchandise après l'avoir engagée;

« Attendu qu'à cette fin, elle a autorisé le dépositaire d'une marchandise à délivrer un titre appelé warrant représentant la possession de la marchandise à titre de gage, et un titre appelé cédule représentant la propriété de la marchandise grevée du gage (art. 4 de la loi);

«Attendu, qu'au cours des travaux préparatoires, le but de la loi a été constamment défini de cette façon : « Dans l'intérêt du « commerce », disait le rapporteur de la section centrale, « nous avons levé tous <«<les obstacles qui s'opposent, sous l'empire

ciales peuvent être désignés par le gouvernement à l'effet de délivrer des warrants et des cédules pour les marchandises déposées dans les entrepôts francs ou publics (art. 27, § 1er, du projet primitif). » La proposition faite par M. de Naeyer a consisté uniquement à modifier cet article, en donnant à tout particulier le droit de délivrer des warrants et des cédules pour les marchandises visées aux articles 25 et 27; et l'adoption de cet amendement a amené l'introduction dans la loi de l'article 1er, § 2. Cela résulte clairement du discours de M. de Naeyer dont est tiré l'extrait reproduit au jugement et de la discussion qui l'a suivi On peut donc se demander si le tribunal n'a pas confondu le droit pour chacun d'émettre des warrants et des cédules, avec le droit pour chacun de prêter habituellement sur les marchandises représentées par les warrants et les cédules?

:

Est-il bien certain, d'un autre côté, que des discussions d'une loi de droit commercial on puisse déduire l'abrogation partielle d'un article du code pénal?

Voy., en outre, le jugement qui suit.

■ du code civil et du code de commerce, à la transmission de la marchandise soit par la vente, soit par le nantissement; nous avons simplifié les formalités de la liquidation des droits dont elle peut se trouver grevée à la suite de l'un ou de l'autre contrat » (rapport au nom de la section centrale par De Boe, séance de la Ch. des représ., 29 novembre 1860. Ann. parl., 1860-1861, p. 960) et plus loin : « La simple « possession du warrant endossé donnera a au porteur les droits que lui conféreraient les formalités longues et coûteuses auxquelles il recourt aujourd'hui pour se faire nantir de la marchandise. » (Ibid., p. 965.) Répondant à l'objection tirée de ce qu'en favorisant le crédit, on développerait l'agiotage, le rapporteur disait : « Est-ce bien d'ailleurs par les dispositions du code civil et du code de commerce, par des entraves mises à la vente, à la constitution et à la transmission du nantissement qu'on doit chercher à prémunir le commerce contre ses égarements » (Ibid., p. 963);

Attendu que tous les orateurs qui ont pris part à la discussion, n'ont jamais parlé que de la suppression, par l'institution des warrants, des entraves apportées par le code civil ou de commerce à la passation d'un contrat de gage: «Il s'agit en grande partie d'un moyen de faciliter les emprunts sur marchandises; à ce point de vue, il s'agit de remplacer l'article 2075, si je ne me trompe, du code civil par d'autres dispositions mieux en harmonie avec la célérité des opérations commer«ciales » (De NaEYER, séance de la Ch. des représ. du 27 juin 1862, Ann. parl., 18611862, p. 1662. Conforme notamment PIRMEZ, ibid., p. 1664);

Attendu donc que le seul but de la loi a été de simplifier les formes du prêt sur gage;

Attendu que pareille simplification n'est pas incompatible avec la défense de tenir, sans autorisation du gouvernement, des maisons de prêt sur gages; qu'en conséquence, elle ne peut avoir pour effet de l'abroger;

"Attendu qu'admettre le contraire serait confondre les règles concernant le mode suivant lequel les particuliers peuvent passer les contrats de prêt sur gages, et celles relatives à la tenue d'une maison de prêt sur gages;

"Attendu qu'il y a là deux ordres d'idées absolument distincts dont l'un ne réagit pas sur l'autre;

« Attendu que cette distinction a été faite expressément dans les travaux préparatoires de la loi du 16 pluviôse an XII,

dont l'article 411 du code pénal de 1810 n'est que la reproduction (Exposé des motifs de l'article 411 par FAURE; LOCRE, Code pénal, p. 544, no 24);

<< Notre législation actuelle diffère essen«tiellement de ce qu'elle fut autrefois.

« On peut stipuler légalement dans tous « les contrats l'intérêt d'une somme prêtée. « Si du contrat de simple prêt on passe << au contrat de prêt sur nantissement, on << trouve qu'il n'est pas moins licite : et << l'ordonnance du commerce, titre VI, arti«cles 8 et 9, l'autorise formellement. Mais << en recherchant toutes les conséquences « des principes, il est facile de reconnaître « quelle différence il y a, entre autoriser << deux particuliers à passer un contrat « solennel et public de prêt sur gages, et « permettre l'ouverture publique d'une mai« son de dépôt, où, sur la foi d'un simple << individu, sans garantie, sans autre surveillance que celle qui résulte de l'action « ordinaire de la police, une foule de <«< citoyens poussés par le besoin, appelés << par une indication expresse, vont déposer, << sur un récépissé non authentique, une << portion souvent considérable de leur « propriété. Il est facile de sentir que si, en << général, toutes les transactions sociales « doivent être libres, il en est auxquelles «<l'intérêt commun prescrit de donner des << règles spéciales plus sévères, dans les<< quelles l'autorité protectrice doit en « quelque sorte intervenir pour garantir la « faiblesse de l'oppression, l'ignorance de « l'erreur, pour soustraire le besoin à la « cupidité et à la misère à la spoliation >> (Exposé des motifs par Regnault de SaintJean d'Angély à la séance du Corps législatif du 6 pluviôse an XII; DALLOZ, Répert., vo Prêts sur gages, no 2; Archives parlementaires de France, 1787-1860, 2e partie, t. V, p. 244);

<< Attendu que cette distinction a été reproduite expressément par Perrin dans le rapport fait par lui au Tribunat sur cette même loi (séance du 13 pluviôse an XII, Archives parlementaires; ibid., p. 355); qu'elle a été faite de nouveau et d'une façon formelle par le conseiller d'Etat Berlier, dans son Exposé des motifs de la loi sur le nantissement (LOCRE, Législation civile, t. VIII, p. 98, nos 4 et 5; DALLOZ, Répert., vo Nantissement, no 31);

« Attendu donc que, de ce que la loi donne des facilités pour la passation du contrat de gages, en conclure qu'elle autorise à tenir librement des maisons de prêt sur gages, est établir une confusion que le législateur a toujours soigneusement évitée;

«Attendu que si, dans le projet primitif de la loi du 18 novembre 1862, il a été

question de comptoirs qui pourraient se livrer aux opérations faites par les prévenus, il s'agissait là d'établissements placés sous la surveillance du gouvernement qui fixerait, dit l'Exposé des motifs, le tarif des rétributions à percevoir par eux;

« Attendu que cette disposition, loin d'être une dérogation à la règle consacrée par l'article 506 du code pénal, en était donc, au contraire, une application (art. 25 et 26 du projet primitif; Exposé des motifs, séance de la Ch. des représ., du 3 février 1859, Ann. parl., 1858-1859, p. 700; rapport au nom de la section centrale par De Boe, séance de la Ch. des représ., du 29 novembre 1860, Annales parlementaires, 1860-1861, p. 968);

«Attendu que, faisant allusion aux dangers que pouvait présenter le nouveau moyen de crédit, le rapporteur de la section centrale rappelait expressément le vote émis par la Chambre, dans la session 1859-1860, sur le titre V du livre II du code pénal dont fait partie l'article 306 voté dans la séance du 11 mars 1860 (rapport au nom de la section centrale par De Boe, ibid., p. 963); qu'il est inadmissible que s'il avait regardé la loi nouvelle comme dérogeant à cette disposition, le rapporteur n'en eût rien dit;

« Attendu que les opérations faites par les prévenus ne sont nullement celles visées par la loi sur les warrants; les prévenus sont, en effet, en possession de la marchandise qui leur sert de gage, tandis que la loi sur les warrants a eu pour objet de permettre à celui qui n'a pas réellement la possession de la chose engagée, de prêter sur gage;

<< Attendu qu'à supposer que le législateur eût estimé utile, pour assurer les effets de la loi du 18 novembre 1862, l'établissement de maisons de prêt sur gages, l'abrogation de l'article 411 du code pénal de 1810 n'était pas nécessaire pour réaliser ce desideratum, puisque, d'une part, cette disposition donne pouvoir au gouvernement d'autoriser des maisons de prêts sur gages et que, d'autre part, l'article 28, § 1er, de la loi sur les warrants, dit que le gouvernement est autorisé à prendre des dispositions ultérieures pour assurer l'efficacité de l'institution des warrants;

« Attendu que la législation française sur les warrants est analogue à la législation belge (voy. rapport précité, p. 962);

«Attendu que la jurisprudence française a admis que la législation française dérogeait à l'article 411 du code pénal (cass. franç., 2 janvier 1890, D. P., 1890, 1, 191; Paris, 1er mars 1885, Journ. du Palais, 1885, p. 902 et la note. Voy. historique de cette

jurisprudence, DALLOZ, Répert., Supplém., vo Prét sur gages, no 5);

«Attendu que la prévention est donc établie.

« Bruxelles, 30 novembre 1894.
« PAUL LECLERCQ, substitut. »

JUGEMENT.

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LE TRIBUNAL: Attendu qu'il est établi qu'à Bruxelles, postérieurement au 29 juin 1891, les prévenus, étant directeurs de la société en commandite par actions << Magasins généraux warrants bruxellois »>, ont, en coopérant directement à l'exécution des infractions, organisé le prêt sur gage dans les conditions suivantes: 1° ils prêtaient à un taux élevé, déguisé sous les appellations d'intérêt, commissions, frais sur les objets de tout genre, marchandises, liqueurs, vins, pianos, voitures; 2° ils émettaient des warrants sur les objets qu'ils se faisaient remettre en gage; 3° à défaut de remboursement, ils réalisaient ces gages en vente publique, en obtenant l'autorisation de M. le président du tribunal de commerce, conformément à l'article 15 de la loi du 18 novembre 1862 sur les warrants; 4° lorsque les objets, et notamment les vins, n'atteignaient pas le prix jugé suffisant par les prévenus, ils les rachetaient, faisaient faire des warrants simulés au nom de certains de leurs employés et ainsi obtenaient de nouvelles autorisations et procédaient à une nouvelle vente publique; 5o les dits vins étaient vendus à cri public aux enchères ou au rabais, ou à prix fixe proclamé avec ou sans l'assistance d'officiers ministériels, par quantités inférieures à des pièces de 100 litres ou à 100 bouteilles; 6o les opérations étaient portées à la connaissance du public par des annonces insérées dans un journal plusieurs fois par semaine;

En ce qui concerne la loi du 20 mai 1846 sur la vente publique de marchandises

neuves:

Attendu que les faits ci-dessus caractérisés, comme il est dit sous les nos 4 et 5, constituent des infractions aux articles 1er et 2 de cette loi défendant les ventes de vins en détail dans ces conditions;

Attendu que, pour échapper aux pénalités de la loi, les prévenus invoquent l'exception introduite par l'article 3 en faveur des ventes faites par autorité de justice », parce que les ventes relevées à leur charge n'ont eu lieu qu'à la suite d'une autorisation du président du tribunal de commerce;

Attendu que ce moyen de défense n'est pas justifié;

Attendu qu'en parlant de « ventes faites

par autorité de justice », le législateur n'a prévu que des ventes autorisées sans fraude par la justice, et que dès que la fraude est constante, l'exception qui est créée par la loi en faveur de créanciers de bonne foi et qui est de stricte interprétation, ne peut être invoquée;

Attendu que l'interprétation de la loi en ce sens ne peut faire de doute en présence des travaux préparatoires, au cours desquels le rapporteur de la section centrale de la Chambre des représentants a déclaré itérativement que la loi belge était inspirée par la loi française du 25 juin 1841 (Ann. parl., Chambre des représentants, 1845-1846, rapport de M. De Le Haye, p. 797-960);

Attendu que l'article 2 de la loi française du 25 juin 1841 créait pareillement une exception à ses prohibitions pour les ventes faites par autorité de justice, « et que lors de la discussion de cet article, il fut formellement reconnu que l'exception disparaîtrait si l'autorisation de justice était obtenue par fraude, comme, par exemple, sur poursuites simulées» (DALLOZ, Répert., vo Vente publique de marchandises neuves, no 61);

Attendu qu'il y a donc lieu d'appliquer aux prévenus la pénalité comminée par l'article 9 de la loi du 20 mai 1846, tout en ne prononçant qu'une seule peine, conformément à l'article 65 du code pénal, parce que les faits déclarés constants constituent l'exécution d'une seule pensée criminelle;

En ce qui concerne l'article 306 du code pénal punissant la tenue des maisons de prêt sur gages:

Attendu que les faits ci-dessus exposés sous les nos 1er et 4 constituent l'infraction prévue par cet article; qu'il en découle, en effet, à l'évidence que les prévenus ont tenu une maison de prêt sur gages ou nantissement sans autorisation légale;

Attenda que les prévenus invoquent en leur faveur le système général de la loi du 18 novembre 1862 sur les warrants, en soutenant que cette loi a été introduite pour favoriser les prêts sur marchandises, qui ne peuvent être exercés utilement que par des établissements importants pratiquant le prêt couramment et pourvus d'un personnel et d'installations ad hoc;

Attendu que cet argument n'a pas en la cause la portée que les prévenus tentent de lui attribuer;

Attendu qu'en introduisant dans la législation sur les warrants les perfectionnements apportés par la loi de 1862, le législateur a, sans doute, voulu favoriser le prêt sur marchandises et en permettre l'organisation par des établissements importants créés ad hoc sans autorisation du gouvernement;

Attendu qu'en effet, le projet de loi déposé par le gouvernement comportait l'érection de comptoirs autorisés par lui et destinés à émettre des warrants sur des marchandises déposées dans des entrepôts publics, et également « à escompter ou acheter des warrants, les prendre en nantissement et les recevoir en dépôt » (art. 25 du projet, Ann. parl., Ch. des représ., 1860-1861, p. 974), et cette disposition fut maintenue par la section centrale de la Chambre des représentants (art. 26 de son projet, ibid., p. 968 et 970);

Attendu que sur la proposition de M. de Naeyer, voulant écarter l'intervention de l'Etat en cette matière, cette disposition fut supprimée, et cet orateur déclara formellement qu'il fallait « liberté entière pour le choix des agents et des sociétés autorisées à délivrer les cédules et warrants » (Ann. parl., Ch. des représ., 1861-1862, p. 1664);

Attendu que le rapporteur de la section centrale se rallia à cette manière de voir (ibid., p. 1669) et que le ministère l'approuva également et ajouta même la déclaration suivante: «Dans la pensée du gouvernement, l'organisation des comptoirs et éventuellement celle des agents spéciaux étaient déterminées par la difficulté probable de trouver des personnes qui voulussent se charger de la délivrance des warrants; mais il n'y avait pas là une sorte de monopole au profit des comptoirs qui auraient été institués, tous les comptoirs qui seraient régulièrement formés auraient pu être admis à la délivrance de ces titres » (ibid., p. 1685);

Attendu qu'en conséquence, l'article 25 du projet du gouvernement (26 du projet de la section centrale) fut supprimé sans discussion lors du vote (ibid., p. 1689);

Attendu qu'il suit de là que la loi du 18 novembre 1862 avait pour conséquence nécessaire la faculté de créer, sans autorisation spéciale du gouvernement, des maisons destinées à émettre des warrants et cédules et à prêter sur ces titres ou sur les marchandises représentées par eux; en d'autres termes, elle faisait exception, dans une certaine mesure, à l'article 411 du code pénal de 1810 devenu l'article 306 du code pénal actuel;

Attendu qu'en conséquence, si les prévenus s'étaient bornés à faire des prêts sur warrants au sens légal de ce terme ou sur marchandises régulièrement warrantées, ils échapperaient à l'application du dit article 506;

Mais attendu que l'exception créée par le législateur est de stricte interprétation, en ce sens qu'elle ne peut être invoquée là où il ne s'agit plus des opérations prévues par la loi du 18 novembre 1862;

Attendu que cette loi, introduite en faveur du commerce, ne s'applique évidemment qu'à des marchandises et non à des objets mobiliers déjà plus ou moins défraîchis par l'usage et non susceptibles d'être mis dans le commerce ordinaire, alors surtout que ces objets appartiennent à des particuliers ne pratiquant pas le commerce de choses semblables;

Attendu que tel est le cas pour les prévenus qui déguisaient leurs opérations de prêts sous des warrants portant sur des pianos, voitures, charrettes de boulanger, objets défraîchis et mis en gage par des particuliers non commerçants ou ne débitant point des choses pareilles ;

Attendu, au surplus, que le législateur belge, connaissant la loi du 18 novembre 1862. n'en a pas moins, postérieurement à cette loi et lors de la revision du code pénal de 1810, interdit d'une façon formelle et générale la tenue de maisons de prêt sur gages ou nantissement, ne faisant d'exception que pour ceux qui justifieraient d'une autorisation légale de tenir semblable établissement;

Attendu que les inculpés ne rapportent pas la preuve de pareille autorisation;

Attendu qu'il y a donc lieu de faire application de l'article 306 du code pénal mitigé par les circonstances atténuantes existant en faveur des prévenus et résultant de leurs bons antécédents;

Par ces motifs, condamne... Du 15 décembre 1894. Tribunal correctionnel de Bruxelles. 7e ch. Prés. M. Carez, vice-président. - Pl. M. Emile De Mot.

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sant la mobilisation, sans déplacement et sans frais, des denrées ou matières premières déposées dans les entrepôts publics ou francs; donner à l'industrie, dans les moments d'embarras et de souffrance, des facilités pour emprunter sur les produits déposés dans certains locaux, offrant les garanties nécessaires, ou même pour vendre ces produits »>;

Attendu que le but poursuivi par le législateur belge est: 1° d'encourager la négociation des marchandises à titre de vente; 2° de faciliter la transmission du droit de nantissement en vue d'organiser le crédit sur marchandises; que ce crédit résulte d'un emprunt garanti par nantissement, ou d'une vente à crédit avec réserve de nantissement en faveur du vendeur pour le solde du prix;

Attendu que le warrant et la cédule, c'està-dire le double titre du commerce dont fait mention la loi de 1862, ne peut avoir pour objet que des marchandises;

Attendu, dès lors, que le demandeur, qualitate quá, n'a pas de privilège sur les meubles qui ont été warrantés par la faillie;

Attendu qu'il ne peut pas davantage faire revivre le contrat de gage qu'il invoque, parce que la Société Leclercq et Cie et la faillie ont de leur accord commun, le 23 mai 1893, lors de la création des warrants à cette même date, mis au néant tous les actes et prétentions quelconques antérieurs ou qui naîtraient postérieurement à cette date;

Par ces motifs, M. le juge-commissaire, entendu en son rapport fait à l'audience, déboutant le demandeur, qualitate quâ, de ses fins et moyens, dit pour droit qu'il sera admis, à titre chirographaire, au passif de la faillite à concurrence de 18,578 francs; le condamne aux dépens.

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