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utile à la France et même à la dynastie régnante, mais il pourrait compromettre la fortune d'un ministre; je n'y ai donc jamais cru que faiblement, et l'inconcevable article du Moniteur ne m'a point étonné.

Me sera-t-il permis de me plaindre à ce grave et mobile dépositaire des pensées ministérielles, de la manière peu décente avec laquelle il s'exprime sur la Minerve. Il lui reproche la même exagération qu'au Conservateur, et il la traite à peu près avec la même bienveillance. J'oserai prier le génie inconnu qui préside à la rédaction de la feuille officielle de comparer la manière dont ces deux recueils se sont exprimés sur les événemens de Grenoble. Qu'il dise ensuite de quel còté est la modération? Les écrivains ministériels sout maladroits, je le savais depuis longtemps; mais ils prouvent aujourd'hui qu'ils sont des ingrats; ils n'auraient pas dû, dans une si grande circonstance, méconnaitre la générosité de la Minerve. Je n'y renoncerai pas néanmoins; je ne ferai pas ressortir les lettres que publient tour à tour le ministre et le général pour justifier des mesures injustifiables; je ne montrerai pas surtout ce qu'il y a de singulier dans l'apologie du ministre, qui donne pour motif, aux ordres effroyables qu'il expédiait à ses agens, le nombre immense de rebelles qui marchaient sur Grenoble, quand ces mêmes ordres commencent par ces mots : « M. le préfet, j'apprends qu'une » poignée d'insurgés vient de se porter sur Grenoble. » Je me bornerai à dire, parce que c'est un fait historique, que deux des malheureux paysans, frappés de mort par la sentence télégraphique, ont été reconnus innocens ! Et je m'abstiens de toute réflexion, et je me renferme dans un douloureux silence!

J

Je suis, etc.

E.

Annales générales des sciences physiques, par MM. Bory de Saint-Vincent, Drapiez et Van Mons.

Ce n'est pas seulement dans les commodités et dans les jouissances de la vie privée que les sciences nous apportent de toutes parts les fruits heureux de leur perfectionnement; n'oublions jamais que nous leur devons aussi les bienfaits nouveaux de la vie publique, puisque nous leur devons la manifestation de la vérité. Aussi leur culture estelle liée à la politique plus étroitement qu'on ne pense; montrer tels qu'ils sont les objets même matériels, c'est retrancher à l'oppression de nombreux appuis.

L'entreprise dont j'annonce avec empressement la souscription, se distingue éminemment des anciens ouvrages du même genre,

Par son plan, tracé sur le modèle heureux des Aménités académiques de Linnée;

Par son universalité : elle embrassera, dans une collection de mémoires écrits en français, et dont les limites ne seront ni trop, ni trop peu resserrées, les travaux et les découvertes de toute l'Europe savante;

Enfin, , par la célébrité de ses auteurs, académiciens et professeurs distingués.

Mais quelle tristesse n'éprouve-t-on pas en voyant encore parmi eux des proscrits et des fugitifs ? Quand finira la mutilation des académies et le deuil des universités ? Renaissent-ils, ces temps malheureux où, bannis de l'Italie par un sénatus-consulte, que puniront les éternelles flétrissures de l'histoire, des philosophes, des hommes de lettres, n'avaient d'asile qu'aux confins de la Gaule on dans les déserts de la Scythie? Les Dion Chrisostôme, les Artémidore, sont-ils encore réduits à bêcher la terre pour vivre, et surtout pour n'être plus persécutés? L'une des plus grandes

illustrations de Nerva fut d'avoir effacé bien vite jusqu'à la moindre trace de ces vexations et de ces malheurs.

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Leçons de Flore; Cours complet de botanique, par J.-L.-M. Poiret, continuateur du Dictionnaire de botanique, de l'Encyclopédie méthodique; suivi d'une Iconographie végétale, en cinquante-six planches coloriées, par P.-I.-F. Turpin (1).

Quelques philosophes prétendent que nous sommes destinés à parcourir d'autres mondes, où nous verrons, avec des organes plus parfaits, des choses bien plus magnifiques que dans celui-ci. Pour moi, j'avoue humblement que lorsque je contemple de belles femmes ou de belles fleurs, je ne puis pas imaginer, dans ma nature grossière, ce qu'il serait possible de faire de mieux; mais n'oublions pas qu'il ne s'agit ici que des fleurs.

C'est un travail utile que celui qui se propose de faciliter aux gens du monde l'étude de la botanique, de manière que l'aridité disparaisse et que les connaissances élémentaires soient acquises, sauf à chacun à les pousser plus loin, par l'une des méthodes auxquelles il aura été initié. Le plan de M. Poiret me semble heureusement conçu. Il consiste à nous montrer les plantes d'abord dans leurs rapports avec les autres êtres de la nature, puis à nous les faire étudier génériquement dans leurs organes, dans leurs fonctions, dans tous les phénomènes qui appartiennent à la vie végétative; puis enfin à exposer des méthodes pour

(1) Tome premier, 1. et 2°. livraisons. Prix: 2 fr. par livraison. A Paris, chez Panckoucke, éditeur, rue des Poitevius, no. 14.

nous apprendre à les connaître individuellement, et à les classer par espèces et par familles.

La première livraison ne contient que l'introduction et quelques vues générales qui donnent à présumer avantageusement du reste. Les planches dont elle est ornée font honueur au pinceau de M. Turpin. Cette entreprise, bien exécutée, ne peut manquer d'être accueillie. La botanique, dont les progrès ont si heureusement changé la physionomie de nos jardins, est une des sciences les plus agréables à cultiver pour tous les âges. C'est ou un doux emploi des loisirs, ou un heureux délassement des travaux; c'est un des charmes du temps; du temps, cet ami qui nous échappe et ce fâcheux qui nous obsède.

A.

DE LA FERMENTATION DE L'europe.

(Second article.)

Les princes de l'Europe nous ont déclaré la guerre, et ils ont été vaincus; les nations ont voulu secouer notre joug, et le sceptre de la domination française a été brisé. On le voit, la force peut vaincre les rois, mais les peuples ne sauraient être asservis contre leur volonté. Cependant, comme si la victoire avait été leur propre ouvrage, les puissances veulent profiter seules de la paix. Il y a mieux; elles ont allumé le désir de l'indépendance nationale pour secouer le pouvoir étranger, et, dans ce moment, elles veulent se servir du pouvoir étranger pour organiser la servitude nationale. La sainte-alliance a été considérée comme une ligue contre la liberté, l'Europe s'en alarme, elle éprouve le besoin simultané des constitutions et des

garanties; elle les réclame, on les refuse : voilà la cause unique de la fermentation générale.

ne

L'exemple de Bonaparte a séduit plus d'un cabinet; mais tous les princes sont-ils des Napoléon? D'ailleurs, on ne tient pas compte des circonstances: Bonaparte trouva le pouvoir aux prises avec l'anarchie; il mit fin à la lutte, et le peuple se hâta de donner au pouvoir plus de force qu'il lui en fallait pour écraser l'anarchie. A la restauration, on a trouvé la liberté aux prises avec le despotisme, et le peuple qui venait d'éprouver ce que peut le despotisme, s'est rangé du côté de la liberté. Ainsi l'Europe avait invité Napoléon à mettre l'épée de Brennus dans la balance, et l'Europe invitait la sainte-alliance à restaurer l'édifice sur l'accord de l'empire et de la liberté.

Les princes se sont mépris ; ils ont cru que les révolutions étaient, comme les révoltes de l'ancienne aristocratie, l'ouvrage de quelques hommes. On a frappé ces hommes, et ces victimes de l'arbitraire ont augmenté la haine et les craintes qu'il inspirait. Les excès du pouvoir tournent au profit de la liberté. Les proscrits, quels qu'ils soient, Portugais, Espagnols, Français, Prussiens, sont des témoins vivans qui déposent contre le despotisme, et leur infortune instruit les peuples du besoin des constitutions. Ceux que l'arbitraire a plongés dans les fers ou dans la tombe, n'ont pas été frappés d'un malheur inutile: une voix s'est élevée du sein des tombeaux et des cachots, pour annoncer aux peuples que les garanties sont l'unique refuge qui puisse les sauver de la tyrannie. Ainsi, tandis que l'homme gémit sur des infortunes domestiques, le citoyen en profite; et tandis que les gouvernemens tentent de s'emparer du pouvoir absolu, ils usent les ressorts de leur pouvoir légitime.

Voyez l'Europe. Partout la marche de l'autorité est violente, et partout elle est incertaine. Le Portugal, devenu colonie du Brésil, soumis à la tutelle des Anglais, changé

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