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et qu'une indulgence excessive était la seule faute qu'il eût avouée dans ses proclamations. Le lecteur est à même de juger du degré de croyance que cette assertion mérite. Certes, quand M. Laîné disait, dans le discours que j'ai rapporté plus haut, qu'après cette grande crise le peuple serait réconcilié avec son gouvernement, il n'entendait pas indiquer que ce peuple était mécontent de l'indulgence qu'on lui avait témoignée, et que la réconciliation s'opérerait par la sévérité. L'interprétation serait trop absurde. Il a fallu pour la soutenir toute l'impudeur de la victoire, et aujourd'hui M. Laîné la désavouerait.

Je l'affirme donc, il ne peut y avoir d'équivoque sur la nature des fautes que les royalistes exagérés avaient fait commettre au gouvernement du roi. Ces fautes étaient les mêmes que celles qu'ils ont commises en 1815. C'était la révocation de toutes les lois que la révolution avait établies; c'était l'ébranlement de toutes les propriétés qu'elle avait consacrées; c'était la proscription de tous les hommes qui avaient pris part à cette révolution depuis 25 ans. C'était en un mot le même système vers lequel ils se sont précipités une seconde fois, sans être retenus, soit par la prudence, soit par les engagemens antérieurs, soit par le danger de bouleverser de nouveau la France, soit par la désapprobation manifeste de l'Europe, soit par les efforts d'un ministère trop long-temps indulgent pour leurs fureurs, soit par les représentations du roi, dont l'autorité seule, exercée enfin, a pu mettre une digue à ce torrent qui menaçait de tout submerger.

B. C.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

De la royauté selon les lois divines révélées, les lois naturelles et la charte constitutionnelle ; par M. de la Serve, avocat (1).

(Premier article.)

Lorsque j'entends certains hommes nous menacer sans cesse d'une révolution, la représenter comme imminente, comme le résultat inévitable de tout ce qui se passe, je ne puis m'empêcher de croire à la mauvaise foi de ces déclamateurs. Avides de changemens, dévorés du besoin d'un renversement de l'ordre constitutionnel, ils rejettent sur d'autres le crime de leurs désirs et de leurs méchantes pratiques; ce sont des gens qui crient au voleur, dans la crainte que le public ne les surprenne en flagrant délit. Si l'on met à part quelques furieux qui voudraient répandre dans toute la France l'incendie que leurs amis de 1815 avaient allumé dans le midi, on cherchera vainement au milieu de nous les élémens d'une révolution. Le peuple, qu'un mouvement spontané souleva en 1789, n'est plus en scène, et son attitude actuelle n'annonce pas la plus légère velléité de ressaisir la terrible initiative que les fautes de l'ancien gouvernement lui avaient laissé prendre; je ne vois pas un seul de ces rassemblemens politiques dont la brûlante activité dirigeait, entretenait, accroissait celle du peuple; toutes les tribunes d'où l'on pouvait lui parler sont fermées, il n'y a plus de forum pour les orateurs qui voudraient briguer sa faveur et se servir de son influence. Un Gracque, un cardinal de Retz, un Mirabeau renaîtraient qu'ils n'auraient ni la pensée ni le pouvoir

(1) Un vol. in-8°. Prix : 4 fr. 50 cent., et, franc de port, 5 fr. A Paris, chez Baudouin frères, rue de Vaugirard, no. 36.

d'entreprendre quelque chose sur un peuple qui ne peut pas s'assembler, qui a appris à ses dépens ce que coûtent les mouvemens révolutionnaires, et parmi lequel toute espèce d'organisation intérieure est détruite. On peut encore reconnaitre à d'autres signes combien l'époque présente ressemble peu à l'époque où le temps était gros d'une révolution; alors tous les esprits nourrissaient des projets de réforme ; les directeurs politiques et leurs adeptes ne demandaient, ne cherchaient que la ruine des institutions d'un régime odieux ou tombé dans le mépris; chaque citoyen faisait la guerre à l'autorité, parce qu'il craignait et suspectait les intentions de la cour; la défiance était universelle; toutes les paroles étaient passionnées, toutes les actions avaient un caractère de fougue et d'emportement; ni le bien ni le mal ne se faisaient de sang-froid. La jeunesse, surtout, s'élançait dans la révolution avec toute l'impétuosité de son âge; elle écrivait peu, il est vrai, mais elle agissait beaucoup, et ne connaissait aucun obstacle qui pût l'arrêter un moment. Aujourd'hui, appelez la jeunesse sur la place publique; elle n'entendra pas même votre voix; cherchez à la soulever contre le gouvernement, vous la verrez trembler à la seule pensée d'un mouvement séditieux ; ouvrezlui une tribune, ses orateurs les plus hardis chercheront d'abord ce que la charte permet à un citoyen qui respecte les lois de son pays; donnez-lui la liberté de la presse, vous la verrez se défier de sa propre audace, et mettre dans ses plus grandes licences des tempéramens que l'expérience seule suggérait autrefois à l'homme déjà mûri par l'âge. On redoute, ou peut-être on feint de redouter la jeunesse; mais c'est parce qu'on ne l'a point vue de près. Elle n'est nullement disposée à une révolution. Je vais plus loin, et je soutiens qu'elle n'y est pas propre. L'ambition qu'on lui suppose, avec raison peut-être, n'a aucunement la direction qui pourrait devenir dangereuse à la paix de l'état ; elle veut envahir toutes les routes du savoir, parvenir par le talent, bâtir une fortune par l'industrie; voilà tout; le rôle de tribun ne tente personne parmi les jeunes gens; vous ne trouverez pas un seul Seide de la popularité, au milieu d'eux. La charte est l'Évangile de la jeunesse; la liberté, son idole; la loi, sa religion. L'amour du travail, dont ils sont dévorés, dispose les jeunes gens à l'amour de Fordre, et rien de plus facile à mainte

nir que cette disposition, pourvu que le régime de l'institution qu'ils fréquentent soit une image du régime constitutionnel, dont l'arbitraire est à jamais exclu. Maîtres, qui que vous soyez, gouvernez les fils comme la charte gouverne les pères, si vous voulez obtenir le respect et l'obéissance que vous réclamez.

J'ai cu entre les mains beaucoup d'écrits composés par des jeunes gens, je n'en ai pas trouvé un seul qui portât le caractère de ce qu'on appelle un écrit révolutionnaire. L'ouvrage que j'annonce est une preuve irrécusable et nou→ velle de cette vérité d'observation. M. de la Serve aborde avec une espèce de témérité les questions les plus épineuses du contrat politique; il cherche dans les lois divines et humaines les fondemens de l'ordre social; il lève hardiment le voile officieux que la faiblesse ou l'esprit de servitude jettent encore sur des vérités que tout le monde veut voir exposées au grand jour ; il se permet d'étendre ou de restreindre les limites que la constitution a tracées; il ébranle d'antiques traditions; il attaque des erreurs défendues par leur nouveauté même; il redemande des conquêtes de la raison que l'incurie ou la lâcheté ont laissé perdre; il proclame la souveraineté nationale, comme la source de tous les pouvoirs; il ose appeler l'insurrection un droit imprescriptible des nations contre les méchans princes, contre les destructeurs de la liberté publique; et, avec tout cela, on est forcé de reconnaître en lui un ami de l'ordre, un défenseur de la charte, un citoyen plein de respect pour la personne du monarque, un homme, enfin, qui veut la loi pour souverain, et qui pousse la crainte des troubles civils jusques à redouter partout l'intervention de ce même peuple, dont il cherche à conserver religieusement tous les

droits.

La première question examinée par M. de la Serve est celle de savoir si l'Ancien Testament renferme quelques dispositions favorables au pouvoir absolu. Loin d'y trouver rien de pareil, il voit le peuple de Dieu soumis d'abord au gouvernement républicain; à la vérité, ce gouvernement avait pour chef un dictateur temporaire, qui avait parfois recours à de violens remèdes, pour corriger le plus incorrigible des peuples. Néanmoins, quand les Israelites, lassés d'obéir à leurs juges, demandèrent un maître, Samuel leur fit de la royauté, c'est-à-dire, du pou

voir absolu, un portrait capable d'en dégoûter à jamais les hommes les plus enclins à la servitude. Au reste, il parait que, suivant les paroles de Dieu au prophète Osée, les rois d'Israël furent des présens de sa fureur; on connaît les fautes de Saül, les crimes de David, les déréglemens de Salomon, élevé sur le trone au préjudice d'Absalon et d'Adonias ses aînés. Il fallut déposer plusieurs de leurs successeurs; et le Seigneur lui-même ordonna ou approuva la mort de ces hydres qui dévoraient son peuple. D'ailleurs, on retrouve partout dans l'Ancien Testament les traces de la souveraineté nationale, et les garanties de la liberté publique. On y voit les rois à qui l'huile sainte ne donne aucun caractère à leurs propres yeux, tant qu'ils n'ont pas été élus; témoin Saül proclamé d'abord à Mazpah, et n'osant, malgré l'éclat d'une victoire récente, régner avant d'avoir réuni les suffrages de tout Israël à Galgala; la loi du royaume proclamée devant le monarque, au moment de son élection; la responsabilité inévitable des dépositaires du pouvoir, consacrée par l'exemple de Samuel, prêt à répondre de toute sa vie devant la nation qu'il avait gouvernée sous le titre de juge : il n'y a rien là qui puisse fournir un seul argument aux partisans du despotisme; et, pour nous servir d'une expression de notre jeune auteur qui fera sourire quelques personnes, l'esprit de l'Ancien Testament est éminemment libéral, c'est-à-dire, diametralement opposé à la doctrine du pouvoir absolu et de l'obéissance passive. L'Écriture repousse cette maxime immorale et injurieuse à l'humanité, que les rois peuvent impunément faire ce qui leur plaît, et que Dieu les a soustraits à toute juridiction humaine, pour ne les soumettre qu'à son propre tribunal. Il faut donc laisser aux profanateurs de la tribune sacrée ces insignes flatteries: «Que les rois sont les représentans du pouvoir, de Dieu, qu'ils sont des dieux mêmes; que le respect pour les rois est la religion de la secoude majesté; que cette seconde majesté n'est qu'un écoulement de la première, c'est-à-dire, de la divine, qui, pour le bien des choses humaines, a voulu faire rejaillir quelque partie de son éclat sur les rois. » Que David, qui se croyait un élu du Seigneur, que Tertullien, obligé de détourner les soupçons des empereurs romains, toujours en défiance contre les chrétiens, aient dit de pareilles choses, cela se

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