Page images
PDF
EPUB

P

[ocr errors][merged small][merged small]

L'indulgence qui transige avec les plus désastreuses opérations des ministres, et l'acharnement passionné qui les poursuit par la violence et par les personnalités, me paraissent un oubli presque égal du véritable caractère de l'opposition constitutionnelle. Force et modération, telle doit toujours être sa devise.

Force; point de composition avec les principes sur lesquels reposent les libertés publiques; les ministres qui se permettent ces aberrations criminelles sont ambitieux ou incapables; les écrivains qui les tolèrent se rendent complices de leur ambition ou de leur incapacité. Ainsi, par exemple, si aux élections de Toulouse, un ministre, attaqué vivement par les ultra-monarchiques, avait fait alliance avec eux; si, tandis que les défenseurs de la chiarte disaient à leurs amis : Plutôt des ministériels que des ultras, il avait dit à ses créatures: Plutôt des ultras que des libéraux ; et si le fruit d'une telle alliance avait été la nomination d'un des plus ardens ennemis de ce ministre, il faudrait craindre pour la nation quelque piége caché sous ces inimitiés apparentes qui savent si bien, au fond, s'accommoder entre elles, quand il s'agit d'exclure les amis de la constitution. Si l'exécution violente d'un concordat dont on n'a pas osé soumettre le scandale aux chambres, jetait la consternation dans la France; si un petit prince d'Italie, renouvelant l'invasion dont nous portons encore les stigmates, venait audacieusement arracher, non plus de nos musées les tableaux, les statues, les monumens, mais des conseils ministériels, la retenue; des assemblées législatives, le pouvoir; et du sein de la nation toute entière,

l'indépendance et la dignité, il faudrait s'élever sans ménagement contre ces hardiesses de l'arbitraire qui vont croissant avec le besoin des franchises constitutionnelles ; il faudrait attendre impatiemment l'heure où la réunion des chambres doit permettre à la douleur publique de leur déférer cette trahison envers le peuple français.

Mais modération! l'éminence du rang, fût-elle profanée, la confiance du monarque fût-elle trahie, mériteraient encore des égards dont nul Français ne doit se départir. Que le Conservateur, que le Journal de Paris se dégradent par des explosions virulentes; les diffamations, le sarcasme, les attaques injurieuses ou passionnées sont des armes indignes de notre cause. L'opposition constitutionnelle est aujourd'hui la nation même, et la nation doit être calme dans ses plus légitimes indignations; que les écrivains auxquels elle fait l'honneur insigne de les avouer pour ses organes triomphent toujours par la politesse comme par la logique; que les odieuses paroles demeurent le privilége des privilégiés.

[ocr errors]

Je sais que pour des champions si délicats sur l'usage et sur le choix des armes, l'attaque devient plus difficile ; je sais que toutes les séductions qui peuvent avoir prise sur des âmes généreuses ne manquent point de leur être prodiguées; et lorsqu'un loyal adversaire est circonvenu à la fois par sa courtoisie et par sa perspicacité, tout ce qui devrait le préserver des embûches, est précisément ce qui l'y précipite. « Qu'allez-vous faire? lui dit-on. Accabler des hommes qui ont eux-mêmes tant de peine à se défendre, qui ne marchent qu'au milieu des écueils, et qui, s'ils tombaient, auraient peut-être des successeurs qui les feraient regretter! » Que les écrivains de l'opposition se gardent bien de donner dans un tel piége qui n'est pas nouveau, mais qui ne fut jamais plus grossier qu'aujourd'hui. Pour leur faire sentir à quel point ils seraient dupes d'insinuations pernicieuses, une seule réflexion suffit pourquoi, l'an dernier, M. Laîné et M. de Richelieu sont-ils

:

f

[ocr errors]

tombés ou plutôt ont-ils glissé du ministère ? N'estce pas pour s'être mis en opposition ouverte avec l'esprit national? Et ce que ces deux ministres n'ont pas osé, nous le supporterions de bonne grâce de la part de ceux qui ont pris leur place à la condition de gouverner mieux! L'aggravation du mal nous viendrait d'où la réparation nous était promise! Que signifient ces circonstances difficiles, ces écueils mystérieux, présentés comme un épouvantail à notre crédule simplicité? Est-ce que la charte n'existe plus? Est-ce que l'esprit national a moins d'énergie que l'an passé ? Est-ce que ·les dernières élections se sont faites dans un sens équivoque? : Est-ce que les privilégiés sont plus aimés cette année-ci que l'autre ? Pourquoi donc nous étourdir comme on fait des périls de leur secrète influence? Mais s'il existait dans le ministère une puissance cachée qui les servit en feignant de les haïr et d'être haïe d'eux ; si cette puissance préparait tout par les hommes et par les choses pour nous livrer un jour sans défense à leur subite invasion; alors en effet, ces prétendues forces d'une faction décrépite seraient expliquées; mais alors dites, Français, serait-ce le temps d'user envers les ministres de ménagemens timides, et de leur aider par une molle complaisance à nous désarmer pièce à pièce de toutes nos défenses constitutionnelles? Craindre que de tels hommes n'eussent de pires successeurs, ne serait-ce pas une supposition frivole et dénientie par l'expérience de ce qui s'est passé en 1818? Et d'ailleurs, ce qui tranché toute difficulté, nous ne poursuivons pas leur disgrâce; qu'ils s'amendent et qu'ils gardent le pouvoir, puisqu'ils en ont une si ardente soif; nous avons de la prévoyance et non de la mémoire, et ce que nous demandons, ce n'est pas qu'ils tombent, mais qu'enfin, s'il leur est possible, ils se décident à marcher droit.

A.

T. VII.

29

[ocr errors][merged small][merged small]

La vie du plus grand prince qui ait régné sur les Suédois, de ce Gustave Vasa, surnommé le Libérateur, a fourni à cette exposition le sujet de deux tableaux.

Dans l'un, M. Dufan représente Gustave, haranguant, non la noblesse qui l'avait trahi, et ne demandait, pas mieux que de le livrer au féroce Christiern, mais des ouvriers mineurs dont il avait partagé les travaux, de pauvres paysans Dalécarliens; en un mot, cette foule d'hommes sur lesquels se fonde la puissance des états et la sûreté des trònes. A son attitude ferme, à l'expression de ses traits, j'ai reconnu le grand Gustave sous les habits grossiers qui le couvrent. Il parle à ses compagnons et aux paysans de Mora, qu'il a rassemblés dans un cimetière; sa harangue est courte; il la termine en tirant l'épée; on court aux armes, et ce moment a donné le signal å la victoire: elle n'abandonnera plus le héros suédois. Tel, est le sujet de ce tableau; il est bien pensé, bien conçu; mais l'exécution m'en a paru bien faible. Pourquoi ces homines presque nus sous, un ciel si rigoureux ? Pour que l'on reconnût la rudesse native, et le caractère demi-sauvage des paysans de cette contrée, était-il indispensable de leur donner des traits difformes? L'histoire dit-elle que Gus➡ tave Vasa fût aussi trapu, aussi ramassé? Dans ce cas, il ne fallait pas la croire : les héros, et surtout les libérateurs, sont toujours beaux; c'est dans le caractère du modèle que le peintre doit étudier son portrait.

Telle a été la pensée de M. Hersent dans un autre ta

bleau de Gustave Vasa, sur lequel se réunissent tous les suffrages. Le monarque, bien qu'affaibli par l'âge et les infirmités, conserve une taille majestueuse et des traits vénérables. Que ces yeux, prêts à se fermer, expriment de nobles et de touchantes pensées! j'y lis toute l'histoire de ce long et mémorable règne; les souvenirs de la victoire qui a tout fondé; de la justice qui a tout maintenu, des ventus royales auxquelles répondent tous les sentimens civiques.

Le roi semble descendre du trône vers le tombeau; il s'appuie sur son successeur, dont le recueillement et la pieuse, tendresse annoncent un fils digne d'un tel père: la reconnaissance la plus vive, les regrets les plus touchans se peignent sur toutes les figures, Au premier coup d'œil j'aurais cru pouvoir faire an sujet de reproche à l'auteur, de l'âge avancé de tous les personnages dont il a composé l'assemblée des états; mais un moment de réflexion m'a réconcilié avec l'intention du peintre; tous les assistans sont d'âge à avoir joui de la gloire et des bienfaits de ce règne de trente-sept ans, dont ils voyaient avec douleur s'éteindre les derniers jours; plusieurs espéraient n'en pas voir le terme, et se plaignent de la nature qui trahit leurs vœux en prolongeant leur vie.

Je n'ai jamais vu de tableau aussi vaste dans un cadre aussi étroit; et cependant nulle part le défaut d'espace ne se fait moins sentir; la multiplicité des personnages n'introduit aucune confusion dans les groupes, et l'uniformité d'un même sentiment, dont les cœurs sont remplis, produit une variété d'expressions et d'attitudes qui prouve un talent d'une admirable fécondité. La lumière tombe à flots sur le trône et sur le monarque, sans que son éclat nuişe en rien à l'harmonie du tableau, dont la couleur est à la fois douce et brillante. Cet ouvrage ajoute beaucoup à la réputation déjà faite de M. Hersent, et lui fait prendre, rang: parmi les maîtres de notre école. Je n'insisterai pas sur quelques critiques de détail, et c'est sans attacher trop d'im

« PreviousContinue »