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>> ment douloureux que celui de la facilité avec laquelle » le peuple se prête à ces honteuses manoeuvres. C'est » le comble de la dégradation sans doute dans celui-ci, » mais c'est le comble de l'infamie dans les autres. >> Ces désordres sont dans les villes une des sources >> les plus grandes de malheurs et de prostitution (1). »

Une fois la jeune fille entraînée dans la pente du vice, elle devient paresseuse; le goût du luxe et le désir de briller lui font rechercher les maisons de passe, où, tout en les exploitant, on les paie mieux qu'à l'atelier. Peu à peu tout sentiment de pudeur, toute fausse honte disparaissent; et lorsque arrive le moment où leur fraîcheur est fanée, ou bien que des maladies ont altéré leurs charmes, l'habitude du vice et de la paresse les pousse dans la prostitution inscrite.

Enfin, comme dernière cause qui entraîne trop souvent de malheureuses femmes dans le gouffre de la prostitution, c'est le désir d'élever et de nourrir un enfant qu'elles n'ont pas voulu délaisser, alors que leur amant, le père de l'enfant, les a tous deux abandonnés; j'en ai trouvé plusieurs exemples à Clermont, et je n'hésite pas à dire que dans ce cas c'est toujours la faute de la société. Il n'y a que trop de gens qui se parent d'un rigorisme que leur front dément, des fanatiques moraux qui, quelquefois plus criminels que les autres dans leur conduite, croient se justifier aux

(1) Loc. cit.

yeux de la vertu en regardant avec une sainte horreur et en traitant avec un pieux mépris la fille courageuse et estimable qui nourrit elle-même son enfant et qui s'expose ainsi aux traits envenimés des préjugés. On ne considère pas si la malheureuse mère a été séduite, trompée, abusée; on ne veut rien donner à l'âge, aux sens, à la jeunesse; on la flétrit, on l'outrage, on la repousse; on l'oblige à mourir de faim, elle et son enfant, ou à demander son existence au vice, si elle veut rester bonne mère. Vous appartient-il, misérables hypocrites, qui avez été peut-être l'amant de cette pauvre fille et le père de ce malheureux enfant que votre lâche et ignoble cœur abandonne, vous appartient-il de jeter la première pierre à celle qui a eu le seul tort d'avoir eu en vous une confiance dont vous n'étiez pas dignes? Et vous, rigoristes de toutes les classes, savez-vous où vous conduisent votre morale et vos préjugés? « A flétrir l'innocence au lieu de punir le coupable. Vous versez la honte et l'outrage sur la faiblesse pour protéger l'intérêt de la force; l'amour de la mère, cette base de l'ordre social et des familles, vous le sacrifiez à des conventions arbitraires. Votre dépravation fait la mesure de l'état de l'enfant; et la mère, comprise dans cette proscription, éloigne d'elle l'enfant qui ne présente à son imagination subjuguée qu'un éternel sujet de repentir et de honte; de là est né l'infanticide et l'abandon. De malheureuses femmes, pour cacher leur faiblesse, abandonnent ceux qu'elles

auraient élevés et chéris, si un préjugé terrible ne leur eût commandé cet affreux dévouement. » Si quelquesunes, plus nobles, plus courageuses, ont résisté, la misère les a pour la plupart obligées à demander au vice le pain que votre charité trop connue leur a refusé, ou à abandonner ces pauvres petits êtres alors qu'ils sont encore incapables de savoir se conduire. L'infanticide, l'abandon, la misère et la honte, voilà votre œuvre, et vous voulez qu'on vous honore!

A ceux qui sont animés d'un esprit de charité véritable, et le nombre en est grand, Dieu merci, je leur recommanderai, lorsque sur leur chemin ils rencontreront quelque pauvre fille dans cette triste position, de lui dire ces paroles qu'a écrites un de nos grands moralistes: Mes pauvres filles, ne mourez pas de honte et ayez encore moins la pensée de faire mourir avant d'être né le fruit innocent d'un moment de faiblesse où le menteur vous a surprise. Souvenez-vous que l'opinion publique pardonne la faute de la fille à la tendresse de la mère; nourrissez votre enfant, élevez-le avec soin, aimez-le comme un pauvre petit être délaissé au berceau par son protecteur naturel. Apprenez ensuite à votre enfant qu'on n'est pas déshonoré pour avoir été abandonné par son père, parce que nul n'est déshonoré pour le crime d'autrui. Honte à quiconque lu reprocherait sa naissance et ne lui tiendrait nul compte de ses bonnes qualités!

Et après lui avoir donné ces sages conseils, tendez

lui une main secourable, protégez-la, donnez-lui ou faites-lui donner les moyens de remplir dignement ses devoirs de mère. Vous aurez fait une bonne action, vous aurez suivi les préceptes qui vous ont été dictés et qui doivent être votre règle, votre loi de tous les jours; vous aurez enfin contribué à détruire une des causes les plus affreuses de la prostitution.

Maisons de Prostitution.

A Clermont, les maisons de prostitution sont au nombre de treize, réparties ainsi qu'il suit :

Dans la rue Saint-François..

Prévote....

des Trois-Raisins.

1

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des Petits-Fauchers...

Impasse des Fauchers.

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La première, placée dans une rue isolée et à l'une des extrémités de la ville, est aujourd'hui la seule qui soit éloignée de toutes les autres, situées dans un même quartier au centre de la ville. Il n'y a pas longtemps, il en existait une rue Renoux; mais ayant été supprimée, l'administration n'y a plus permis l'existence d'une autre tolérance. Toutes les autres maisons de tolérance sont situées dans la rue des Trois-Raisins, dans la rue et impasse des Fauchers et rue Prévote. A l'exception d'une ou deux, toutes se font remarquer par l'excessive malpropreté de leur intérieur; les exigences de la police font que l'air et la lumière y manquent dans les appartements, en général trop exigus. Les chambres y sont presque toutes disposées d'une manière vicieuse, et beaucoup ont au-dessus de leur porte d'entrée des jours

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