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Du Costume.

Pour vous, ô femmes! le but constant de votre sexe doit être d'éviter que le public parle de vous; et le plus grand éloge que vous puissiez mériter, c'est de n'être l'objet ni de la censure ni de l'applaudissement.

PERICLES. Traduit de Thucydide.

Dans l'antiquité, les filles publiques n'étaient assujetties à aucune règle touchant leur costume; dans l'ancienne Grèce, les courtisanes, comme toutes les femmes en général, étaient tenues, par une loi somptuaire, de se vêtir avec luxe, et des peines sévères étaient infligées à celles que l'on trouvait en négligé ou mal coiffées (1). Sous la république romaine il n'est rien dit du costume des courtisanes; sous les empereurs au contraire, les édiles exigaient des femmes se livrant à la prostitution qu'elles missent un costume particulier qui permettait de les distinguer immédiatement des femmes honnêtes, et leur édit était exécuté avec la dernière rigueur. En France on ne trouve sur ce sujet aucune ordonnance avant saint Louis. Ce grand roi, qui avait la prostitution en horreur, essaya à diverses reprises et toujours inutilement de la détruire en faisant contre les femmes publiques des ordonnances qui ne purent jamais être exécutées. Ne pouvant donc

(1) De Paw, Recherches" philosophiques sur les Grecs.

les chasser, il leur imposa un costume particulier qu'elles surent également se dispenser de porter. Presque tous les rois qui lui succédèrent essayèrent aussi de contraindre les prostituées à porter un vêtement distinctif; mais ce fut toujours vainement. Aujourd'hui on les laisse libres de se vêtir à peu près comme elles l'entendent, pourvu toutefois qu'elles ne se mettent pas d'une manière indécente ou d'une façon tellement extraordinaire qu'elle se fassent trop ouvertement reconnaître. Cette liberté qu'on leur laisse a pourtant, il faut bien le dire, un bon côté, et la mode, qui en France est toujours au variable, lui doit plus d'obligations qu'on ne pouvait le supposer d'abord. Ne sont-ce pas en effet les belles courtisanes de Paris et les filles publiques des classes les plus élevées qui, les premières, risquent ces toilettes, souvent excentriques, que la mode fait ensuite adopter par nos plus grandes dames, pour passer de là dans les classes moins riches? Ne sont-ce pas les prostituées élégantes de nos villes de province qui, les premières aussi, se montrent en public avec ces mêmes toilettes encore inconnues, et qui sont ensuite aussi promptement adoptées par la population à la mode? Mais à côté de cet avantage, se présente un inconvénient plus sérieux : c'est qu'une fois ces modes adoptées, rien n'est plus commun que de confondre une prostituée riche et élégante avec une dame du grand monde, et réciproquement; celle-ci même, affectant trop souvent une mise et un maintien compromettants,

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s'expose ainsi à être outragée par l'étranger qui, trompé par les apparences, s'adresse à elle, croyant avoir à faire à toute autre.

Cela est malheureusement arrivé plusieurs fois à Clermont en très-peu de temps; et ces méprises, que tout le monde déplore, n'ont certainement pas d'autre cause que cet engouement dont sont possédées les jolies femmes de notre pays pour la mode, et leur désir non moins vif, mais moins raisonnable, de se faire remarquer entre toutes. C'est une conséquence fâcheuse de l'éducation trop peu sévère qu'on donne de nos jours aux jeunes filles.

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L'inscription d'une femme qui veut se prostituer, se fait de diverses manières suivant les localités; à Paris on y procède de trois manières différentes : 1o lorsque la femme se présente elle-même et réclame son inscription; 2o lorsqu'elle se fait arrêter en flagrant délit de raccrochage par les inspecteurs du bureau des mœurs, alors elle est inscrite d'office; 3° lorsqu'elle est amenée par une maîtresse de maison qui veut en faire une de ses pensionnaires. Ce dernier mode n'est plus toléré depuis peu, afin de déjouer les manoeuvres des dames de maisons, toujours à l'affût des jeunes filles qui ont commis une première faute, et que quelques bons conseils ou même un moment de réflexion pourraient faire revenir au bien.

En province au contraire, ce dernier mode est à peu près le seul adopté pour l'inscription des filles publiques, et ce n'est que par exception qu'une jeune fille vient elle-même demander son inscription; elle préfère se prostituer clandestinement jusqu'au jour où un agent, la prenant sur le fait, l'arrête et la fait monter

au bureau de police, où elle est inscrite d'office, si rien

ne s'y oppose.

A Clermont, dès qu'une fille réclame son inscription, on y procède sans aucune difficulté; on suppose, peutêtre avec juste raison, que pour faire une pareille démarche il faut qu'elle ait foulé aux pieds tout sentiment de pudeur et d'honnêteté. On lui demande son nom, son âge, le lieu de sa naissance, on prend son signalement, et tout est dit; on joint à cela un acte de naissance, quand il y en a un, ou un passeport que la fille a presque toujours soin de se procurer.

Quoique les règlements qui concernent les prostituées n'en parlent point, l'âge de vingt et un ans est celui qui est exigé pour que l'inscription puisse avoir lieu; et c'est pour constater cet âge, qu'aujourd'hui on exige de la fille au moins un passeport. Mais si l'on songe à la manière dont on délivre les passeports dans presque toutes les communes, il est évident qu'il est presque impossible d'éviter la fraude. En effet, il arrive souvent que les parents de jeunes filles qui se conduisent mal, désirent les éloigner du pays dans l'espoir de les voir se corriger, ou bien pour ne pas être témoins de leurs désordres; pour cela, ils leur font délivrer des passeports en y faisant consigner l'âge de vingt et un ans. L'employé ne fait ordinairement aucune difficulté, soit que la fille lui paraisse être majeure, soit parce qu'il prend part à la malheureuse position des parents qui réclament de lui ce service; il en résulte qu'un assez grand

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