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(Ire partie) publié en 1911. On ne donne pas l'altitude de cette station, mais il est à supposer qu'elle est assez élevée.

Dans ses pays d'origine, le cèdre croît à 1.400 m. d'altitude et, bien que la latitude du Liban, celle du Taurus et surtout celle de l'Atlas africain soient très inférieures à la nôtre, il ne paraît pas déraisonnable d'essayer de l'acclimater, dans le midi de la France, à 1.000 m., et audessus, à condition de l'abriter, dans le jeune âge, contre les fortes gelées.

Pourquoi cette essence a-t-elle cessé d'être employée dans nos reboisements à partir de 1870? La raison donnée par Demontzey, c'est qu'elle ne peut être utilisée de prime abord dans les terrains dénudés. Ce n'est pas, à notre avis, un motif suffisant d'absolue exclusion, car les terrains entièrement nus sont assez rares et l'on pouvait, en tout cas, dans les regarnis, trouver de fréquentes occasions d'emploi, il y a donc eu d'autres raisons. Malgré l'autorité du grand-maître du reboisement,il ne faut pas oublier que ce dernier n'aimait guère les semis, réservant ses faveurs aux plantations, d'une réussite plus régulière. Or le cèdre ne se prête pas aux plantations, le pivot très développé de son jeune plant en rendant le repiquage difficile.

Du reste, dans son traité pratique du reboisement, Demontzey est loin de le proscrire complètement; mais la principale cause qui a fait renoncer pendant longtemps à y revenir, nous la trouvons dans la difficulté de conserver la graine, qui ne s'accommode pas d'un magasinage de longue durée tel que celui où conduisent nos errements administratifs. C'est pourquoi on ne proposait plus l'emploi du cèdre dans les périmètres, et les formules imprimées n'en portent pas la mention à côté de celle des autres résineux.

En mai 1914, lors d'une tournée faite avec notre Conservateur, qui est aujourd'hui M. l'Inspecteur Général Mougin, nous fûmes frappés des beaux résultats obtenus à Bedoin. L'organisation de la récolte des graines en vue de propager le cèdre fut dès lors commencée et un magasin créé à proximité de la forêt. Mais les anciennes méthodes étaient oubliées, les renseignements fournis par les auteurs insuffisants et il fallut, au milieu des événements de la guerre, plusieurs années pour remettre au point la pratique de cette éducation. Nous pouvons aujourd'hui donner les indications d'une expérience de six campagnes et des essais faits par les soins de M. Reynier chef du cantonnement de Carpentras, sous la haute direction de M. le Conservatueur à Valence. On récolte les cônes dès leur maturité, soit vers le mois de septembre ou d'octobre et on les conserve en magasin tels quels, jusqu'au printemps,

à moins qu'on ne veuille semer de suite. On avait essayé d'abord, pour simplifier le travail, de semer des fragments de cône, qui germaient bien, ainsi qu'en témoignaient les feuilles cotylédonaires surgissant entre chaque écaille, mais ensuite les radicelles ne pouvant se développer, les germes s'atrophiaient; on a donc renoncé à ce procédé.

M. le Conservateur Chaudey recommande de ne ramasser les cônes que lorsque les écailles de la base commencent à se détacher. L'époque varie un peu d'une année à l'autre et suivant les stations. Dans la même station elle peut différer suivant les sujets.

L'extraction des graines n'est pas très difficile quand on fait préalablement tremper les cônes pendant 48 heures; mais il faut alors les employer dans les 15 jours. Au bout d'un mois la faculté germinative a déjà diminué; au bout de 3 mois, elle n'est que de 50 o/o; six mois après, elle n'est plus que de 10 0/0.

On conserve donc la graine dans les cônes et, quand on veut faire des semis de printemps, ne faut pas la décortiquer avant le mois de février. La graine désailée se conserve moins que celle non dépouillée de sa dernière enveloppe.

La récolte et la préparation reviennent à environ 4 francs le kilogr. de graine désailée à Bedoin. Un hectolitre de cônes fournit en moyenne quatre kilogrammes, soit environ 16.000 graines. Il est préférable de récolter soi-même les cônes sur des arbres de la localité, plutôt que d'acheter au commerce des graines d'un prix exagéré et d'une fraîcheur douteuse.

La bonne maturité de la graine est un élément important du succès, mais même après une bonne levée, comme celle obtenue en 1922, grâce aux ondées du printemps, les semis ont beaucoup à craindre encore, autant des gelées de l'hiver que des sécheresses de l'été. C'est pourquoi un léger abri naturel ou artificiel leur est indispensable: arbuste, touffe de graminée et, à défaut, branchage ou pierre plate dressée du côté du soleil.

Dans nos terrains accidentés, nous pratiquons le semis en potets, choisissant les emplacements les mieux abrités, soit du soleil, soit du vent du nord. Nous basant sur les résultats heureux des anciens travaux, nous croyons pouvoir recommander le mélange avec les pins qui, dans le jeune âge, fourniront au cèdre l'abri nécessaire, quitte à être enlevés dès qu'ils deviendront gênants. Inutile, du reste, de mettre un grand nombre de graines dans chaque potet comme on le fait trop souvent.

Le but à atteindre, c'est de créer, sur le plus grand nombre de points possible, des porte-graines isolés ou des bouquets, qui procureront plus

tard la régénération des parties voisines, qui, par une bonne conduite des coupes, constitueront un peuplement définitif.

Ainsi que nous le disions précédemment, on peut tenter d'étendre les essais non seulement dans les préalpes provençales, mais un peu plus au Nord, aux bonnes expositions, tandis que, dans les parties voisines du littoral, où les gelées sont moins à craindre, on pourra s'élever vers 1.100 m. et 1.200 m., et peut-être au-dessus. L'emploi en regarnis est naturellement le plus indiqué.

Au point de vue restauration du sol, et rendement, comme aussi au point de vue esthétique, la propagation du cèdre est des plus désirables. Elle est facile et peut, dès à présent, être recommandée avec les meilleures références, à nos collègues et à tous les reboiseurs de bonne volonté, dans les conditions indiquées.

Avignon, juin 1922.

H. DE BRUN.

UNE MENACE POUR LES FORÊTS FRANÇAISES

Un danger assez sérieux menace actuellement les forêts françaises. Par suite des exploitations abusives faites, souvent sans prendre les soins nécessaires, pendant les 4 années de guerre, et de la sécheresse exceptionnelle de 1921, qui a affaibli les arbres, des insectes dangereux pour les forêts, insectes qui, à la vérité, existent un peu partout en temps ordinaire, mais en petite quantité, se sont multipliés en beaucoup d'endroits d'une façon assez inquiétante.

- Je reçois, depuis quelque temps, un très grand nombre de lettres qui ne laissent aucun doute à ce sujet.

L'hylésine piniperde (Myelophilus piniperda, Lin.) cause de grands ravages dans beaucoup de peuplements de pins. D'autres hylésines, notamment Hylesinus polygraphus, Ratz. (Polygraphus polygraphus, Reitt.), et plusieurs bostriches que je n'ai pu déterminer exactement, car je ne suis pas un spécialiste en la matière, amènent la mort rapide de très nombreux épicéas, surtout en plaine; aux Barres, plusieurs espèces exotiques appartenant à ce genre ont été attaquées; un de mes correspondants m'écrivait que, si le mal n'était pas enrayé, il n'existerait bientôt plus d'épicéas dans la région qu'il habite.

Les arbres feuillus, eux-mêmes, sont fortement atteints en beaucoup d'endroits. Pour ne parler que de ce que j'ai vu ou de ce qui m'a été signalé, le scolyte du chêne (Scolytus intricatus, Ratz.), l'ennemi le plus dangereux du chêne, fait périr un assez grand nombre d'arbres dans le Cher, la Nièvre, l'Indre: plusieurs espèces de la famille des Scolytides, y compris les Platypodae, notamment le Platypus cylindrus, Fabr., s'attaquent au bois de cette essence; des larves d'un buprestide, vraisemblablement d'un Agribus, récoltées sur des chênes de la forêt de Châteauroux, existaient dans un envoi qui m'a été fait; j'ai constaté, pendant la guerre, des dégâts assez importants causés aux chênes de la forêt de la Grésigne, dans le Tarn, par le Coroebus bifasciatus, Oliv. Le grand scolyte de l'Orme (Scolytus Geoffroyi, Gotze) fait périr de nombreux ormes un peu partout.

La menace est sérieuse.

Et il est urgent de prendre les mesures propres à la faire disparaître.

Avant tout, il importe de signaler le danger aux propriétaires de bois et de parcs, qui, en la circonstance, sont solidaires. S'ils étaient bien prévenus que, en restant passifs, ils risquent de voir périr rapidement les arbres encore sains, la plupart n'hésiteraient certainement pas à suivre les conseils qui leur seraient donnés de faire exploiter de suite les sujets morts ou dépérissants, de faire écorcer ceux qui sont atteints, pourvu qu'on leur indique les moyens de les reconnaître, et de faire brûler les écorces.

Il appartient, évidemment, aux forestiers de l'Etat, aux Officiers des Eaux et Forêts qui peuvent intervenir eux-mêmes et donner toutes les instructions utiles aux préposés placés sous leurs ordres, de signaler la menace, d'enseigner les moyens de reconnaître les arbres attaqués et, surtout, d'indiquer les premières mesures à prendre pour combattre et, si possible, enrayer le mal.

Ce simple et court avertissement est donné dans ce but. Puisse-t-il être écouté.

Les Barres, Août 1922.

L. PARDÉ.

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