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chanique on ne rend point raison de ce qui fait la beauté & la regularité de l'Univers; qu'à ce compte il ne feroit qu'un monceau de poudre. Et qu'enfin en obfervant tout ce qui fe paffe dans les révolutions celeftes, & dans notre Maffe élementaire, on ne comprendra point comment les Plantes & les Animaux, formez d'un fi admirable artifice, fortiroient, comme le refte des Etres, de la matiere meûe fimplement, fans l'application particuliere d'une caufe fouverainement intelligente, qui devroit toujours recommencer d'agir à chaque Ge

neration.

La Réponse à toutes ces Objections confifte en la démonftration naturelle de l'Existence neceffaire d'un Etre infini & parfait, dont la volonté est une action toute-puiffante. Si on convient qu'il eft néceffairement le premier Moteur, pourra-t-on nier qu'il n'ait préb vû ce qui réfulteroit de cette matiere qu'il mettoit en mouvement? Ne fuf

fit-il pas qu'il ait voulu une fois? Lui étoit-il plus difficile d'entretenir, & de regler ce mouvement, que de le produire ? Et n'a-t-il pas maintenu par fa volonté le même ordre que fa volonté avoit établi ? Ce Mécanisme n'est que la Loi qu'il a lui-même imprimée. D'ailleurs ne pouvons-nous pas croire, au fujet des Etres animez, que lorfqu'il a tiré de la masse generale,la matiere dont il a formé le Corps humain, par exemple, ce Créateur tout-fage & tout-puiffant n'ait pas à l'inftant même pourvû à la durée de fon Ouvrage ? On reconnoîtra que par la feule merveille de cette matiere divisible à l'infini, il a pû dès la premiere formation mettre dans les Corps vivans, & organifez des Germes imperceptibles, pour se multiplier euxmêmes, & fe développer à l'infini.

Quant à ces Obfervations où l'on voudroit infister fur la prétendue inutilité de cette admirable conftitution de l'Uni vers, qui ne nous prefente, dit-on, que

des fantômes, & ne montre point de caufe finale, l'Erreur vient de ce qu'on ne s'arrête qu'à la matiere. Nous éprouvons qu'elle agite nos Corps materiels; mais on oublie que ces Formes diverses, toutes ces beautez dont les Corps nous semblent révêtus, font veritablement dans notre Esprit. A notre égard il ne faut plus fonger à ce Monde exterieur, que par fes divifions & par fes mouvemens; A le prendre en lui-même ce n'eft en effet que de la matiere meûe, plus où moins fubtile, & des tourbillons de pouf fiere. Mais tout cela eft reglé & mesuré, & entretient un perpetuel accord aveć nos organes. On trouve ainfi la Cause fi nale, & que Dieu par ces impreffions exterieures offre des Objets immateriels à notre Ame immaterielle. Rien de ce

que nous voyons, n'existe proprement au-dehors. Nous ne connoiffons que cè qui eft en nous, & nous participons par toutes ces Idées fpirituelles à la spiritualité de notre Auteur.

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Quelle louange n'eft point dûe à cette Hypothese, en cela feul qu'elle separe avec tant de clarté, ce qui appartient au Corps, de ce qui appartient à l'Esprit. Il n'y a rien de plus fublime, ni qui foit plus utile à l'égard de la Religion. Il eft vrai que nous devons fuivre une autorité infaillible qui ne dépend pas des raisonnemens humains,; & que la Science divine, qui a des fondemens d'une autre certitude, ne doit point être mêlée à la Science naturelle; mais cependant il eft d'un grand avantage de prouver par la Raifon l'Exiftence de Dieu & l'immortalité de l'Ame. Les Conciles hortent les Philofophes', qui en ce cas aident très-utilement la Foi, en détruifant les obftacles des Sens qui lui font opposez.

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Il est encore plus neceffaire qu'on ne penfe, d'établir ces Principes par le raifonnement, fi des Perfonnes même pieufes croyent qu'on ne peut s'affurer de l'immortalité de l'Ame que par la Foi.

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Que dis-je ? Si de faints Anachoretes même de faints Docteurs plus embrafez du feu de l'Amour Divin, qu'éclairez de fes Lumieres, n'ont pû s'élever au deffus de l'imagination, ni s'empêcher de fer figurer Dieu, avec un Corps; on eft oblige fans doute à prévenir la pernicieufe conféquence que les Impies peuvent tirer de cet Exemple. S'ils parvenoient à fe perfuader que Dieu eft corporel ils pafferoient à foutenir fur ce fondement qu'il n'y a rien que de materiel,& voudroient tirer la conclufion qu'il n'y a point de Dieu.

Il ne fe trouve encore que trop de Gens habiles d'ailleurs, & fort estimez dans le Monde, qui ont besoin d'être avertis fur ce qui regarde la principale partie de leur Etre, & qui parmi leurs occupations & leurs plaifirs vivent li vrez à leurs Sens, comme s'ils étoient tout materiels. La peine qu'ils ont à s'appliquer à ces Refléxions, leur éloignement à rentrer en eux-mêmes, montrent

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