Page images
PDF
EPUB

Cette opposition n'est plus recevable après l'appointement à décréter, autrement appelé congé d'adjuger; mais la partie saisie peut, en ce cas, appeler de cet appointement, s'il n'a pas force de chose jugée, et il peut, sur l'appel, attaquer la saisie, par les mêmes moyens par lesquels il aurait pu l'attaquer, en s'opposant avant le congé d'adjuger.

Cette opposition, jusqu'à ce qu'il y soit statué, empêche le cours de la saisie jusqu'au congé d'adjuger.

584. La partie qui veut aller en avant donne assignation à l'audience pour faire statuer sur cette opposition. Si le juge la trouve fondée, il donne main!evée de la saisie réelle, et même avec dommages et intérêts, s'il paraît que le saisissant n'était pas créancier; mais il n'y a pas de dommages et intérêts lorsque la saisie est déclarée nulle pour des moyens de forme: on se contente, en ce cas, d'en prononcer la mainlevée avec dépens.

Si le défaut de formalité ne se trouve que dans la procédure qui a suivi la saisie réelle, on n'en donne pas mainlevée, car la saisie subsiste; il n'y a de nulle que la procédure qui a suivi la saisie réelle, et dans laquelle se trouve le défaut de forme; le juge doit donc se contenter de déclarer nulle cette procédure, et, jusqu'à ce qu'elle ait été recommencée et réparée, le saisissant ne peut obtenir le congé d'adjuger.

Si l'opposition se trouve mal fondée, le juge en déboute la partie, et, sans y avoir égard, rend l'appointement à décréter.

L'édit de 1551, art. 15, veut qu'en ce cas l'opposant soit condamné, par corps, en trente livres d'amende parisis envers le roi, et autant envers le poursuivant.

S III. De l'opposition afin de conserver.

585. L'opposition à fin de conserver, est celle qui est formée par les créanciers hypothécaires, pour être conservés dans le droit d'hypothèque qu'ils ont dans l'héritage saisi, et, en conséquence, être colloqués suivant l'ordre de leur hypothèque, dans l'ordre et distribution qui se fera du prix que l'héritage saisi aura été vendu (').

Il suffit d'être créancier hypothécaire pour former cette opposition; il n'est pas nécessaire d'avoir un titre exécutoire.

586. Ces oppositions peuvent être formées en quelque temps que ce soit, avant ou après le congé d'adjuger, même après l'adjudication, qu'on appelle proprement décret. Avant que ce décret ait été levé et scellé, il doit être vingt-quatre heures entre les mains du scelleur, pour recevoir les oppositions. Coutume de Paris, art. 354 et 356.

Après que le décret est scellé et levé, les oppositions à fin de conserver ne peuvent plus être formées, le décret a purgé les hypothèques des créanciers qui ont manqué à former leurs oppositions; c'est pourquoi il ne leur reste plus que la voie de la saisie-arrêt, pour être payés au sou la livre, comme simples créanciers chirographaires, sur ce qui restera du prix, après que les créances de ceux qui auront formé les oppositions auront été acquittées entièrement en principal et frais.

587. Il est évident que ces oppositions à fin de conserver n'arrêtent ni le cours du décret, ni la vente de l'héritage saisi: ces oppositions se convertis.. sent ordinairement en saisies-arrêts sur le prix.

(1) Cette opposition constitue la pro- | sur l'immeuble, dont il ne peut payer cédure d'ordre actuelle; elle résulte de le prix tant qu'il n'a pas désintéressé l'existence même des inscriptions hy- les créanciers qui les ont prises, à pothécaires que l'adjudicataire trouve peine de payer deux fois.

588. Il nous reste à observer qu'on distingue deux sortes d'oppositions à fin de conserver, les directes et les oppositions en sous ordre.

Les directes sont celles qui sont formées par les créanciers de la partie saisie.

Les oppositions en sous-ordre, sont celles qui sont formées par les créanciers de quelque créancier de la partie saisie, afin d'être colloqués sur une partie du prix du bien saisi, qui pourra revenir à leur débiteur, dans l'ordre d'hypothèque qu'ils ont sur les biens de ce débiteur, et être admis à le recevoir à sa place.

Si le créancier de la partie saisie n'avait pas formé son opposition directe, les créanciers du créancier, après sommation faite de la former, peuvent, sur son refus, être autorisés à la former pour lui, et à ses risques; car, c'est une maxime << que les créanciers peuvent exercer les droits de leur débiteur, quand il néglige de les exercer lui-même. »

Il a été jugé que les créanciers du saisi et de sa femme pouvaient, sans faire cette procédure contre la femme, être colloqués en sous-ordre sur ce que la femme peut prétendre dans le prix des biens de son mari; c'est ce qui résulte d'un arrêt de règlement du 31 août 1690, dont les dispositions sont rapportées par Denizart, Collect. de Jurispr., v° Oppositions, no 33.

S IV. Des oppositions à fin de distraire, et à fin de charge.

589. L'opposition à fin de distraire est celle qui est formée par un tiers, qui se prétend propriétaire de quelque héritage compris dans la saisie réelle, afin qu'il en soit distrait, et lui soit délaissé (1).

Cette opposition est une vraie demande en revendication de l'héritage dont on demande distraction.

590. L'opposition à fin de charge est celle qui est formée par un tiers qui prétend avoir quelque droit réel dans l'héritage saisi, comme de rente foncière, d'usufruit, de servitude, aux fins que l'héritage soit vendu à la charge de ce droit (*).

(1) V. art. 725 à 727, C. proc.

Art. 725: « La demande en distrac«<tion de tout ou partie des objets sai«sis sera formée, tant contre le sai<< sissant que contre la partie saisie; elle sera formée aussi contre le «< créancier premier inscrit et au do<< micile élu dans l'inscription.-Si le << saisi n'a pas constitué avoué durant << la poursuite, le délai prescrit pour la <«< comparution sera augmenté d'un jour << par cinq myriamètres de distance « entre son domicile et le lieu où siége « le tribunal, sans que ce délai puisse «< être augmenté à l'égard de la partie qui serait domiciliée hors du terria toire continental du royaume. »>

sur

Art. 727: «Si la distraction de«mandée n'est que d'une partie des « objets saisis, il sera passé outre, non<< obstant cette demande, à l'adjudi«cation du surplus des objets saisis, « Pourront néanmoins les juges, « la demande des parties intéressés « ordonner le sursis pour le tout.-Si « la distraction partielle est ordonnée, «<le poursuivant sera admis à changer « la mise à prix portée au cahier des «< charges. >>

(*) Celui qui a l'un de ces droits réels à exercer sur l'immeuble saisi, est intéressé à intervenir dans l'instance en saisie immobilière, pour faire ordonner que le droit qu'il préArt. 726 : « La demande en distrac-tend, et dont il justifie, sera inséré <«<tion contiendra l'énonciation des dans le cahier des charges, afin que << titres justificatifs qui seront déposés l'adjudicataire ne puisse pas prétendre « au greffe, et la copie de l'acte de qu'il en est affranchi. Du reste, on dépôt. » linsère d'ordinaire, dans le cahier des

"

591. La procédure qui se fait sur ces oppositions, est que le procureur de l'opposant fait signifier l'acte de son opposition à celui du saisissant, avec copie des pièces qui servent de fondement à son opposition, lequel le dénonce au saisi, et au procureur ancien des opposants, ce qui forme une instance particulière sur laquelle le juge prononce à l'audience, ou, s'il n'est pas en état, rend un appointement.

Si l'opposant à fin de distraire prétendait être en possession de l'héritage compris dans la saisie réelle, et que cette possession fût déniée, le juge permettrait de faire enquête, comme dans la complainte possessoire.

Cette opposition, en ce cas, équipolle à une complainte.

Ces oppositions retardent l'appointement à décréter, ou congé d'adjuger, auquel le juge doit surseoir, jusqu'à ce qu'il ait statué sur ces oppositions. Edit de 1551, art. 6.

S'il y avait un procès pendant, dans une autre juridiction, sur le décret auquel l'opposant a formé son opposition, le juge devrait fixer un temps dans lequel les parties seraient tenues de faire juger le procès dans la dernière juridiction, et, faute de le faire juger dans ce délai, le procès doit être évoqué devant le juge où se poursuit la saisie réelle, et où a été formée l'opposition, Edit de 1551, art. 16.

Il n'est pas douteux que ces oppositions ne peuvent se former après l'adjudication; en quoi elles diffèrent des oppositions à fin de conserver, qui peuvent se former après l'adjudication, jusqu'à ce que le décret soit levé et scellé; c'est la différence qu'établit entre elles la coutume de Paris, art. 354.

592. C'est une question si ces oppositions peuvent se former après l'appointement à décréter.

Il semble qu'elles pourraient être formées, même après ce temps, pourvu que ce soit avant l'adjudication; car il n'y a que l'adjudication qui, en attribuant à l'adjudicataire un droit de propriété des héritages, franc et quitte de toutes charges et droits, non compris dans l'affiche, purge et éteint le droit de propriété, et autres droits réels qui appartiennent à des tiers dans ces héritages; ceux qui les avaient n'en étaient donc point dépouillés avant l'adjudication; il semble donc qu'ils peuvent jusqu'à ce temps les réclamer, en ormant une opposition; l'art. 6 de l'édit de 1551 n'a rien de contraire. Il est vrai qu'il suppose que ses oppositions doivent se juger avant l'appointement à décréter; mais cela doit s'entendre de celles qui ont été formées avant cet appointement; et cela n'emporte point une défense de les former après : enfin, la coutume de Paris, art. 354, dit seulement qu'elles doivent se former avant l'adjudication, et ne défend point de les recevoir après l'appointement.

Nonobstant ces raisons, ces oppositions ne sont pas reçues, après le congé d'adjuger, aux saisies réelles qui se poursuivent au Parlement, soit que les saisies y aient été portées directement, soit qu'elles y aient été évoquées ou renvoyées en d'autres siéges; c'est la disposition du règlement de la Cour, de 1598, art. 4 et 6,

La raison est afin d'encourager les enchérisseurs, qui enchériront plus librement lorsqu'ils seront assurés de n'avoir à craindre aucune contestation de la part des opposants.

593. Au reste, ce règlement ne concerne que les saisies réelles pendantes au Parlement; il fait même expressément mention des différents usages des autres juridictions, car il est dit à la fin de cet article, sans déroger, pour ce qui se décrète devant les juges ordinaires, à ce qu'ils ont accoutumé garder suivant la coutume des lieux; aussi, au Châtelet de Paris, l'usage est de re

charges, la clause de style « que l'im- [ actives et passives » ‚ce qui réserve les meuble est vendu avec les charges droits de tous.

cevoir les oppositions à fin de distraire, et à fin de charge, même après le congé d'adjuger, jusqu'à l'adjudication, suivant l'art. 354 de la coutume de Paris, ainsi que l'atteste d'Héricourt, chap. 9, somm. 4. Voy. l'acte de notoriété du 21 mars 1725, dans le Recueil de Denizart.

Au Châtelet d'Orléans, on suit l'usage du Parlement, et ces oppositions n'y sont point reçues après le congé d'adjuger, comme l'attestent les notes sur la coutume, Edition de 1711.

La jurisprudence a établi une exception à l'égard de l'Eglise et des mineurs, et reçoit, après le congé d'adjuger, leur opposition à fin de distraire, et à fin de charge, en refondant les dépens, pourvu qu'ils se présentent avant l'adjudication. Voy. l'arrêt du 23 mars 1709, au 5 tome du Journal des Audiences.

594. Les oppositions, à fin de distraire ou de charge, qui sont formées après le congé d'adjuger, dans les juridictions où elles ne sont pas reçues après ce temps, même celles qui sont formées après l'adjudication, avant que le décret soit scellé et délivré, sont converties en oppositions à fin de conserver, et les opposants sont colloqués sur le prix de l'héritage saisi, pour la somme à laquelle on estime la valeur du droit qui leur appartient dans l'héritage.

ART. VIII. — De plusieurs espèces d'incidents qui arrivent pendant le cours de la saisie réelle.

§ Ier. De la contestation sur la préférence entre deux suisissants. 595. Suivant la maxime du droit français, Saisie sur saisie ne vaut, il ne peut y avoir qu'une saisie réelle du même héritage qui subsiste : c'est pourquoi, lorsque deux saisissants ont, par différentes saisies, saisi réellement les mêmes héritages, il ne peut y avoir que l'une des deux saisies qui doive tenir; l'autre doit être convertie en opposition (1).

Lorsqu'il y a contestation entre deux saisissants sur celle des saisies qui doit prévaloir, la règle ordinaire est que c'est celle qui a été enregistrée la première qui doit subsister, l'autre ne doit pas même être enregistrée, quand même elle serait antérieure en date à celle qui a été enregistrée, et elle doit être con

(1) V. art. art. 719, 720 et 721, C. proc.

« ample que la première, elle sera <«< transcrite pour les objets non comArt. 719 : « Si deux saisissants ont « pris dans la première saisie, et le << fait transcrire deux saisies de biens « second saisissant sera tenu de dé« différents, poursuivies devant le <«< noncer la saisie au premier saisis«< même tribunal, elles seront réunies « sant, qui poursuivra sur les deux, si << sur la requête de la partie la plus di- « elles sont au même état; sinon, il «ligente, et seront continuées par le « surseoira à la première et suivra sur << premier saisissant. La jonction sera << la deuxième jusqu'à ce qu'elle soit << ordonnée, encore que l'une des sai-« au même degré elles seront alors << sies soit plus ample que l'autre ; mais «< réunies en une seule poursuite, qui «< elle ne pourra, en aucun cas, être « sera portée devant le tribunal de la « demandée après le dépôt du cahier première saisie. >> << des charges: en cas de concurrence, <«< la poursuite appartiendra à l'avoué • porteur du titre le plus ancien; et si les << titres sont de la même date, à l'avoué << le plus ancien. >>

Art. 720: « Si une seconde saisie, << présentée à la transcription, est plus

[ocr errors]

:

Art. 721 « Faute par le premier << saisissant d'avoir poursuivi sur la se«< conde saisie à lui dénoncée, confor << mément à l'article ci-dessus, le se«<cond saisissant pourra, par un sim«ple acte, demander la subroga«< tion, »

vertie en opposition à celle faite par celui qui a été le plus diligent à faire enregistrer la sienne, comme nous l'avons vu ci-dessus, art. 4.

596. Cette règle recoit exception lorsque la seconde saisie se trouve plus ample que celle qui a été enregistrée la première, c'est-à-dire, lorsque, outre les héritages compris dans la première saisie, elle en comprend encore d'autres i en ce cas, l'usage est de faire prévaloir la seconde, et de convertir en opposition à cette saisie celle qui a été enregistrée la première; cela se fait pour éviter la multiplicité des frais que causeraient deux différentes saisies, l'une des héritages compris dans la première, et l'autre de ceux qui n'étant pas compris dans la première le sont dans la seconde.

Néanmoins, s'il y a quelque lieu de soupçonner de l'intelligence entre la partie saisie et le second saisissant, on ne lui donne point la préférence, mais on ordonne que le procureur du premier saisissant aura la poursuite des deux saisies, en remboursant au second les frais de la seconde, qui n'en fait plus qu'une avec la première. Arrêt du 7 septembre 1713, cité par d'Héricourt, chap. 6, somm. 23.

§ II. De la demande en subrogation à la saisie.

59. Lorsque le saisissant a donné mainlevée de la saisie, un créancier opposant peut demander à y être subrogé (1).

Quoiqu'il ne soit pas nécessaire d'avoir un titre exécutoire pour être opposant, je pense qu'il en faut un pour obtenir cette subrogation; la raison est que l'opposant, par cette saisie, est réputé le saisissant, et ne peut l'être sans un titre exécutoire (2).

Entre plusieurs créanciers opposants qui demanderaient cette subrogation, c'est celui qui a été plus diligent à la demander qui doit être préféré.

En égalité de diligence on doit préférer celui qui a plus d'intérêt à la poursuite, tel qu'est celui qui a l'hypothèque la plus privilégiée et la plus ancienne, ou qui est créancier d'une somme plus considérable.

Cette subrogation peut être demandée, non-seulement lorsque le saisissant a donné mainlevée de la saisie, mais même lorsqu'il est en demeure de la poursuivre, soit que ce soit par collusion, soit par négligence, ou faute d'argent.

Le procureur d'un créancier opposant doit avoir un pouvoir spécial de sa partie pour demander cette subrogation (3); car, de ce qu'un créancier fait une opposition, il ne s'ensuit pas qu'il veuille s'engager dans la poursuite coûtteuse d'une saisie. D'Héricourt dit qu'on peut désavouer un procureur faute

[ocr errors]

(1) V. art. 722, C. proc.

:

à subrogation; la saisie se trouve Art. 722 « La subrogation pourra éteinte, et les creanciers opposants " être également demandée s'il y a doivent procéder à nouveau par voie collusion, fraude ou négligence, sous de commandement et de saisie nou« la réserve, en cas de collusion ou velle; mais lorsque la subrogation est fraude, des dommages-intérêts en-demandée pour collusion, fraude ou « vers qui il appartiendra.-Il y a né-négligence, la saisie subsiste, et tout gligence lorsque le poursuivant n'a créancier apparent, quelle que soit la "pas rempli une formalité ou n'a pas nature de son titre, a droit de deman« fait un acte de procédure dans les der la subrogation. « délais prescrits. »

(*) Il y aurait à distinguer; cette solution devrait être suivie, si, comme le suppose Pothier, le saisissant a donné mainlevée de la saisie, et même, dans ce cas, on peut dire qu'il n'y a pas lieu

(3) Ce pouvoir spécial n'est plus nécessaire, ou du moins l'avoué n'est pas tenu d'en justifier, mais il est certain qu'il ne peut pas introduire cette demande sans en avoir reçu le mandat de sa partie.

« PreviousContinue »