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assigné, est, à la vérité, compétent; mais lorsque le défendeur a droit, par privilége, de plaider devant un autre juge (1).

Par exemple, si un docteur régent est assigné devant le juge de la justice de Sainte-Croix, où il a son domicile, quoique ce juge soit compétent, puisque ce docteur, ayant son domicile dans son territoire, est son justiciable, néanmoins le docteur peut demander le renvoi de la cause devant le juge conservateur des priviléges de l'Université, parce qu'il a droit, par sa qualité, de plaider devant ce juge.

3° Pour cause de litispendance (1).

Lorsqu'il y a un procès pendant entre les mêmes personnes, pour même chose, et pour même cause, dans une autre juridiction que celle où le défendeur est assigné, le défendeur peut demander son renvoi dans la juridiction où il y a procès pour le même fait.

L'ordonnance, tit. 6, art. 3, ordonne de juger sommairement et à l'audience les déclinatoires (3).

On peut les juger par délibérés, sur le bureau; car, comme l'observèrent MM. du Parlement, contre le projet qui défendait les délibérés, les jugements sur délibérés sont censés jugés à l'audience, et s'y prononcent (").

Il est aussi défendu aux juges de réserver les déclinatoires, et de les joindre au principal même, ibid (*).

§ II. De l'incompétence.

46. L'incompétence résulte, ou de la matière qui fait l'objet de la demande ratione materiæ, on de la qualité de la personne assignée, ratione personæ (6).

Il y a incompétence, ratione materiæ, non-seulement lorsque la demande est donnée devant un juge d'attribution, sur quelque matière qui ne lui est point attribuée, mais même lorsqu'elle est donnée devant le juge ordinaire, sur une matière qui, suivant les ordonnances et édits, a été distraite de la juridiction ordinaire, et attribuée à quelque juge d'attribution, comme si on formait une demande devant le juge ordinaire, sur une matière d'eaux et forêts, ou sur une matière consulaire.

Il y a incompétence, ratione persona, lorsque la personne n'est pas justiciable du juge devant qui elle est assignée, putà parce qu'elle demeure hors l'étendue du territoire de ce juge.

Nous appelons territoire du juge, le territoire dans lequel il y a une juridiction de première instance; les personnes qui demeurent dans un territoire dans lequel le juge n'a pas juridiction de première instance, quoiqu'il ait ju

Tous ces priviléges de juridiction, à raison de la personne, sont aujourd'hui abolis.

(2) V. art. 171, C. proc.

Art. 171 : « S'il a été formé précé« demment, en un autre tribunal, une « demande pour le même objet, ou si <«< la contestation est connexe à une « cause déjà pendante en un autre tribunal, le renvoi pourra être deman« dé et ordonné. »

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(3) V. art. 172, C. proc.

(4) En toute cause, les juges sont libres de se retirer à la chambre du conseil pour délibérer sur le vu des pièces.

(5) Cette défense se trouve repro-. duite par la disposition finale de l'art. 172,C.proc.précité.V.ci-dessus, note 3. Mais il est une circonstance dans laquelle la demande en renvoi se trouve nécessairement jointe au principal par la force mème des choses, lorsque l'exception d'incompétence, ratione

Art. 172 « Toute demande en ren-materiæ, est proposée après l'instruc

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tion du fond.

(6) V. art. 168 à 170, C. proc., cidessus, p. 24, note 5.

ridiction d'appel, ne sont pas proprement ses justiciables: ce juge est incompétent pour connaître de leurs causes en première instance. Par exemple, si un habitant de Gien était assigné en première instance au Présidial d'Orléans, le Présidial d'Orléans serait incompétent, quoique le bailliage de Gien soit dans son ressort; car il n'est que dans le ressort d'appel.

Il en est autrement des personnes qui demeurent dans les territoires de seigneurs; ces personnes sont vraies justiciables du juge royal où ces justices ressortissent.

Il y a plus quand même ces justices par privilége (1) ressortiraient nûment au Parlement, les justiciables de ces justices sont censés être aussi véritablement justiciables des bailliages ou sénéchaussées royales, dans l'étendue desquelles ces justices sont situées; la raison est que ces justiciables étant sujets du roi, doivent reconnaître une juridiction royale à laquelle ils soient soumis.

Le juge royal n'est donc point incompétent pour connaître des causes des justiciables des seigneurs domiciliés dans l'étendue de son territoire, il est leur juge naturel et de droit commun; le juge du seigneur n'est juge de ces personnes que par privilége accordé au seigneur par la concession de la justice; c'est pourquoi tant que le seigneur n'use pas de son privilége, tant qu'il ne réclame pas la cause, le juge royal peuten connaître et le justiciable du seigneur ne peut proposer aucune incompétence, parce qu'il est vraiment justiciable du juge royal. Déclaration du mois de juin 1559, art. 1er, et 17 mai 1574.

On ne peut demander le renvoi de la cause devant le juge du seigneur, tant que le seigneur ne le demande point, parce que la concession de la justice au seigneur étant un privilége accordé au seigneur plutôt qu'à ses justiciables, ce n'est qué le seigneur qui est reçu à le réclamer, et non le justiciable, qui, en le réclamant, exciperait du droit d'autrui. Bacquet, Traité des Droits de Juslice, chap. 9.

47. II y a des personnes qui, à raison de leur qualité, ne sont pas justiciables du siége dans le territoire duquel elles demeurent: tels sont les nobles (*) qui, quoique demeurant dans l'étendue d'une prévôté royale, ne sont point justiciables du prévôt, mais du bailli. Le prévôt est absolument incompétent pour ces personnes, et lorsque les causes de ces personnes y sont portées, il doit les renvoyer devant le bailli, quand même le renvoi ne serait pas demandé (Ordonnance de 1667, tit. 6, art. 1er). Car ce n'est pas seulement par un privilégé accordé aux nobles, et dont ils seraient les maîtres de ne pas user, que le prévôt n'en peut connaître, mais parce que, dans la distribution de la juridiction qui a été faite entre les prévôts et les baillis royaux, par l'édit de Cremieu, les causes des nobles ont été attribuées aux baillis; c'est pourquoi le bailli pourrait lui-même demander que le prévôt lui renvoyât la cause (*), quand même la partie ne le demanderait pas.

48. A l'égard des nobles qui demeurent dans les territoires des seigneurs, ils sont, comme les autres, justiciables tant du juge du seigneur que du juge royal, ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Les personnes qui ne sont pas justiciables d'un juge, et qui sont demeurantes dans son territoire, peuvent le devenir par plusieurs causes (*): 1o à raison

(1) Ces justices par privilége sont ( personnellement intervenir pour reabolies. vendiquer la cause de sa compétence, qui aurait été portée devant un juge incompétent.

(*) Les nobles n'ont plus droit à réclamer le privilége de juridiction.

(2) Jamais le juge n'a l'action direc- (*) Les règles générales de la comte, il faut qu'il soit saisi : le juge com- pétence, soit à raison des personnes, pétent ne pourrait plus aujourd'hui | soit à raison de la matière, qui font

de la matière qui fait l'objet de la demande; par exemple, dans les actions réelles (1), il est en la faculté du demandeur d'assigner, ou devant le juge du domicile du défendeur, ou devant celui du lieu où l'héritage qui fait le sujet de la contestation est situé. L. fin., God. Ubi in rem actio exerceri debeat.

Les complaintes, pour les possessoires d'un bénéfice (*), se portent devant le juge royal du lieu où est le bénéfice.

Observez que tout juge est compétent pour la reconnaissance d'une promesse (*), sauf le renvoi pour le principal ainsi, un débiteur peut être assigné pour cette reconnaissance par-devant le juge du lieu où il est trouvé, quoique ce ne soit pas celui de son domicile.

Un ecclésiastique (*) peut de même être assigné pour la même cause par-devant le juge laïque, et il ne peut demander son renvoi devant l'official que pour le principal.

2° Une personne qui n'est pas personnellement justiciable d'un juge, le devient, à raison de la garantie (5) qu'on prétend qu'elle doit prêter à une partie

l'objet de la demande sont déterminées | « gieux, » ce qui ne laisse plus au depar l'art. 59, C. proc.

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mandeur l'option qui lui était accordée sous l'ancienne législation.

(2) Ces actions n'ont plus lieu. (3) Ce principe n'est plus aduis. L'action en reconnaissance d'une promesse est une action personnelle qui doit être portée devant le tribunal du domicile du défendeur. Il y a de même lieu à renvoi par-devant le juge ordinaire, lorsque la demande se trouve portée par voie d'exception, soit devant le juge de paix, soit devant le tri

Art. 14 : « Lorsqu'une des parties « déclarera vouloir s'inscrire en faux, « déniera l'écriture, ou déclarera ne << pas la reconnaître, le juge (de paix) « lui en donnera acte: il parafera la << pièce, et renverra la cause devant les « juges qui doivent en connaître. »

Art. 59. «En matière personnelle, « le défendeur sera assigné devant le « tribunal de son domicile; s'il n'a pas « de domicile, devant le tribunal de sa résidence;-S'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domi«cile de l'un d'eux, au choix du de<< mandeur; - En matière réelle, de<< vant le tribunal de la situation de l'objet litigieux; -En matière mixte, « devant le juge de la situation, ou « devant le juge du domicile du défen-bunal de commerce. Art. 14 et 427,C.pr. deur;- En matière de société, tant qu'elle existe, devant le juge du lieu « où elle est établie;- En matière de « succession: 1° sur les demandes entre héritiers, jusqu'au partage inclusi«<vement; 2° sur les demandes qui se<< raient intentées par des créanciers « du défunt, avant le partage; 3' sur «<les demandes relatives à l'exécution « des dispositions à cause de mort, jus"qu'au jugement définitif, devant le « tribunal du lieu où la succession est Ouverte; En matière de faillite, de«vant le juge du domicile du failli; «En matière de garantie, devant le juge où la demande originaire sera « pendante; Enfin, en cas d'élection « de domicile pour l'exécution d'un " acte, devant le tribunal du domicile « élu, ou devant le tribunal du domi«cile réel du défendeur, conformé«ment à l'art. 111, C. civ. »

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() V.art. 59, §3: «En matière réelle, « le défendeur sera assigné devant le « tribunal de la situation de l'objet liti

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Art. 427 « Si une pièce produite « est méconnue, déniée ou arguée « de faux, et que la partie persiste à « s'en servir, le tribunal (de commerce) « renverra devant les juges qui doi« vent en connaître, et il sera sursis << au jugement de la demande princi« pale. Néanmoins, si la pièce n'est << relative qu'à un des chefs de la de« mande, il pourra être passé outré au << jugement des autres chefs. »

(4) Il en est des priviléges ecclésiastiques comme des priviléges de la noblesse, ils ont tous été supprimés.

(5) V. art. 59. § 8, « En matière de « garantie, le défendeur sera assigné << devant le siége où la demande origi« naire sera pendante. »

sur la demande en revendication formée contre cette partie devant son juge; (lit. 8, art. 8); car la garantie oblige de défendre celui à qui on la doit, devant quelque juge que ce soit.

3° Une personne, qui n'est pas personnellement justiciable d'un juge, peut le devenir, à cause du privilége du demandeur (1) qui a droit de l'y traduire.

III. Des appellations de déni de renvoi et d'incompétence.

49. Il y a lieu à l'appellation de déni de renvoi et d'incompétence (1), lorsque le défendeur ayant, à limine litis, proposé une exception déclinatoire pour quelqu'une des trois causes rapportées au § premier, en a été débouté par le juge.

Il y a lieu à l'appel d'incompétence, lorsqu'un juge a jugé une cause qui n'était pas de sa compétence, quoique le renvoi de la cause ne lui ait pas été demandé; car il y a cette différence entre l'incompétence et les autres causes qui donnent lieu aux exceptions déclinatoires, que, pour celles-ci, il n'est obligé de renvoyer la cause que lorsqu'il en est requis, au lieu qu'il doit luimême, et sans aucune réquisition, renvoyer les causes qui ne sont pas de sa compétence (3) devant les juges qui en doivent connaître.

Le défendeur, qui s'est laissé condamner par défaut, sans avoir requis le renvoi pour cause d'incompétence, peut donc interjeter cet appel d'incompétence (*).

Que s'il avait contesté au fond, ayant reconnu lui-même la compétence de ce juge, il ne pourrait être recevable en cet appel (3).

50. Les appellations de déni de renvoi et d'incompétence, se portent directement au Parlement (6), quoique le juge qui a dénié le renvoi, ou qui a connu incompétemment, ne ressortisse pas nûment au Parlement; cela avait été jugé par plusieurs arrêts, dès avant l'ordonnance de 1737, qui porte, tit. 2, art. 21 : « Voulons que l'appel de toutes sentences déclinatoires soient por«tées immédiatement à nos Cours, etc. »>

Ces appellations doivent être vidées incessamment au parquet des gens du roi du Parlement, qui donnent leurs avis (7), après avoir entendu les avocats

(1) Le demandeur n'a plus le privilége d'attirer à soi la juridiction; toutefois, ce privilége subsiste dans certaines limites à l'égard de certaines matières, spécialement en matière de succession et en matière de faillite. V. art. 59, § 6 et 7, ci-dessus, p. 26, note 4. Mais ce privilége n'a aucun rapport avec celui dont Pothier fait ici mention, et qui était un privilége attaché, non à la chose, mais à la personne. (*) Les appels contre les jugements | qui rejettent des exceptions ne présentent rien de particulier.

(5) Il ne serait pas recevable si l'exception était tirée de l'incompétence à raison de la personne, mais l'appel est toujours recevable, malgré les défenses au fond, si l'exception est fondée sur l'incompétence à raison de la matière qui peut être présentée en tout état de cause. V. art. 170, C. proc. ci-dessus, p. 24, note 5.

(6) Ces appels se portent aujourd'hui devant la juridiction immédiatement supérieure, qui connaît de tous les appels rendus par le même tribunal. Ils sont portés devant le tribunal civil dit (1) Oui, à raison de la matière, de première instance, s'il s'agit d'un Non, à raison de la personne. Dans appel dirigé contre une sentence de tout ce paragraphe Pothier fait confu-juge de paix, et devant la Cour royale sion entre l'incompétence à raison de s'il s'agit d'un appel dirigé contre un la personne et l'incompétence à rai-jugement d'un tribunal civil ou contre son de la matière. un jugement d'un tribunal de commerce.

(*) Soit pour incompétence à raison de la personne, soit pour incompétence à raison de la matière.

(7) Les officiers du ministère public donnent leurs conclusions à l'audience

des parties, sur lequel avis est expédié un arrêt en conformité; lorsque cet avis a été donné par défaut, il y a lieu à l'opposition de l'arrêt. Ordonnance de 1667, tit. 6, art. 4.

Les appellations de déni de renvoi et d'incompétence, n'empêchent pas que le juge dont on a appelé n'instruise le procès jusqu'au jugement définitif, exclusivement (1); mais si, sur cet appel, le juge est déclaré incompétent, toute cette instruction sera déclarée nulle. Arrêt du 6 février 1703, Journal des Audiences.

51. C'est un droit particulier des juges consuls, qu'ils peuvent, nonobstant tout déclinatoire et toutes preuves d'incompétence, passer au jugement définitif des affaires qui sont de leur compétence (). Ordonnance de 1673, tit. 12, art. 13.

Il n'y a que les sentences contradictoires des officiaux, dont on puisse interjeter appel comme d'abus (3), quand ils sont incompétents; et, en ce cas, l'appelant est tenu de payer les dépens faits par lui volontairement, et par l'intimé, devant le juge d'église. C'est le sentiment d'Imbert.

§ IV. Des revendications de cause.

52. Non-seulement la partie assignée peut demander le renvoi, mais les autres personnes qui, pour l'intérêt de leur juridiction, à qui la connaissance de la cause appartient, ont intérêt au renvoi, peuvent le demander, et cette demande de leur part s'appelle revendication de cause (*).

« pour vice de forme, soit pour toute << autre cause, des jugements définitifs.»>

(*) Les tribunaux de commerce ne jouissent plus de ce privilége, au moins, dans la même étendue. V. art. 424 et

après avoir exigé la communication
des pièces. V. art. 83, C. proc. no 3:
« seront communiqués au procureur
« du roi 1o. . . 3o les déclinatoires sur
« incompétence, » mais cette disposi-
tion ne doit s'entendre que des décli-425, C. proc.
natoires fondés sur une incompétence
à raison de la matière, qui seuls inté-
ressent l'ordre public.

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Art. 424 : « Si le tribunal est incompétent à raison de la matière, il ren« verra les parties, encore que le dé(1) Ce n'est plus le juge qui instruit«< clinatoire n'ait pas été proposé.—Le aujourd'hui le procès, ce sont les par- « déclinatoire pour toute autre cause ties elles-mêmes. Elles peuvent pren- « ne pourra être proposé que préaladre, sur l'appel, les conclusions qu'elles «blement à toute autre défense. » réputent utiles à leurs intérêts, elles peuvent donc instruire le fond devant le juge d'appel, encore bien que les premiers juges n'aient prononcé que sur la compétence, sauf au juge d'appel à statuer sur le tout par voie d'évocation conformément à l'art. 473, C. proc.

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Art. 425 « Le même jugement « pourra, en rejetant le déclinatoire, « statuer sur le fond, mais par deux « dispositions distinctes, l'une sur la « compétence, l'autre sur le fond; les « dispositions sur la compétence pour« ront toujours être attaquées par la « voie de l'appel. »

Art. 473: « Lorsqu'il y aura appel (3, Les appels comme d'abus, sont « d'un jugement interlocutoire, si le ouverts aujourd'hui contre certaines jugement est infirmé, et que la ma-entreprises que peuvent faire des ecclé"tière soit disposée à recevoir une « décision définitive, les Cours royales « et autres tribunaux d'appel pourront « statuer en même temps sur le fond « définitivement, par un seul et même * jugement.-Il en sera de même dans « les cas où les Cours royales ou autres « tribunaux d'appel infirmeraient, soit

siastiques, tendant à porter le trouble dans l'Etat ou dans la conscience des citoyens, ils sont déférés au conseil d'Etat en vertu de l'art. 6 de la loi du 18 germinal an 10.

(4) La revendication de cause de la part du juge compétent n'est plus au[jourd'hui admise.

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