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Il n'est pas douteux, dans l'usage, qu'ils le peuvent on pourrait peut-être proposer pour raison de douter, que, selon les lois romaines, le créancier qui vendait, lege pignoris, la chose qui lui était hypothéquée, n'en pouvait être lui-même l'acheteur, parce qu'il répugne que la même personne soit le vendeur et l'acheteur d'une même chose; la réponse est, que parmi nous, ce n'est pas le saisissant qui vend, c'est plutôt la justice qui vend, ou qui force de vendre, celui sur qui la saisie est faite.

§ II. Quand l'adjudication pure et simple est parfaite, et du tiercement par lequel elle peut être détruite.

621. L'adjudication n'était autrefois censée parfaite qu'après la délivrance du décret, c'était la loi générale du royaume; mais aujourd'hui les usages sont différents dans les différents tribunaux; il y en a dans lesquels l'adjudication n'est point censée parfaite, jusqu'à ce que le siége soit levé, et on reçoit les enchères, même après la prononciation, tant que le juge est encore sur son siége (1).

La coutume d'Orléans, art. 476, a adopté cet usage, et elle permet expressément d'enchérir après l'adjudication, le siége tenant.

622. Dans quelques tribunaux, on admet les enchères après l'adjudication pure et simple, jusqu'à ce que l'expédition ait été délivrée.

A Orléans, on n'admet point de simples enchères après que le siége, où l'adjudication pure et simple est faite, s'est levé; mais on admet dans la huitaine l'enchère du tiercement (2).

623. On appelle enchère du tiercement, l'enchère qui est du tiers audessus du prix pour lequel l'héritage a été adjugé; par exemple, si l'héritage a été adjugé à soixante écus, l'enchère de tiercement doit être de vingt écus au-delà; c'est l'exemple que rapporte notre coutume, art. 476 (3).

<< rait le créancier à s'approprier le «gage ou à en disposer sans les for«malités ci-dessus, est nulle. »

(1) L'adjudication est parfaite, sauf le droit de surenchérir aussitôt que, après avoir reçu la dernière enchère, le juge déclare qu'elle est tranchée. V. art. 706, C. proc., p. 275, note 1.

(2) L'enchère du tiercement constitue aujourd'hui la surenchère.

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« avoué, sans néanmoins qu'il soit né«< cessaire de faire cette dénonciation « à la personne ou au domicile de la « partie saisie qui n'aurait pas d'avoué. ((- La dénonciation sera faite par un « simple acte, contenant avenir pour «l'audience qui suivra l'expiration de « la quinzaine, sans autre procédure. L'indication du jour de cette adjudication sera faite de la manière (3) V. art, 708, 709, 710, C. proc. « prescrite par les art. 696 et 699 (V. Art. 708: « Toute personne pourra, «< ci-dessus, p. 261, note 1). Si le << dans les huit jours qui suivront l'ad-« surenchérisseur ne dénonce pas la judication, faire, par le ministère <<< surenchère dans le délai ci-dessus « d'un avoué, une surenchère, pourvu « fixé, le poursuivant ou tout créan« qu'elle soit du sixième au moins du « cier inscrit, ou le saisi, pourra le prix principal de la vente. »> Art. 709: « La surenchère sera faite « au greffe du tribunal qui a pro« noncé l'adjudication: elle contien<< dra constitution d'avoué et ne pour<< ra être rétractée; elle devra être « dénoncée par le surenchérisseur,« ouvert de nouvelles enchères, aux<< dans les trois jours, aux avoués de « l'adjudicataire, du poursuivant, et de «< la partie saisie, si elle a constitué

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faire dans les trois jours qui sui« vront l'expiration de ce délai'; faute « de quoi la surenchère sera nulle « de droit, et sans qu'il soit besoin de « faire prononcer la nullité. »

Art. 710 « Au jour indiqué, il sera

« quelles toute personne pourra con« courir; s'il ne se présente pas d'en« chérisseurs, le surenchérisseur sera

Cette enchère doit être faite dans la huitaine, après le jour de l'adjudication; par exemple, si l'adjudication a été faite le 1er mars, il est encore temps de la faire le 9 mars, qui est le jour auquel expire la huitaine d'après l'adjudication passé ce temps, on n'y est plus reçu. Même article.

:

L'enchérisseur qui a fait le tiercement doit signifier son enchère à l'adjudicataire, au saisissant et au saisi, avec avenir au procureur du siége auquel cette enchère doit se publier; et après la publication, l'héritage est de nouveau crié et adjugé au même siége.

Après l'adjudication faite sur ce tiercement, on ne reçoit plus aucune autre enchère, à quelque somme qu'elle soit portée. Coutume d'Orléans, art. 476 (1).

624. Ces différents usages donnent lieu à la question de savoir, lequel, de celui du lieu où l'héritage est situé, ou de celui où le décret de l'héritage se poursuit, doit être suivi ?

Je pense que c'est l'usage du lieu où le décret se poursuit: il est certain que c'est cet usage qui décide de l'admission, ou de l'exclusion des oppositions à fin de distraire et de charge après le congé d'adjuger; et c'est ce qui a été jugé in terminis, par arrêt du 21 avril 1760, rapporté par Denizart, vo Enchère, nos 10 et 11, pour la terre de Sedage, en Auvergne, dont l'adjudication avait été faite aux requêtes du palais.

Il y a même raison pour suivre cet usage du siége sur l'admission ou l'exclusion des enchères, après l'adjudication pure et simple: ces choses font partie du style de chaque juridiction, et c'est un principe certain, « qu'en fait de style qu'on peut appeler litis ordinatio, c'est la coutume du lieu où l'acte se passe qui doit décider ».

§ III. De l'expédition des lettres d'adjudication ou décret.

625. L'adjudication étant prononcée, et n'étant survenu aucune enchère de tiercement (2), le greffier doit en faire, pour l'adjudicataire, une expédition qu'on appelle la grosse du décret (").

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⚫ déclaré adjudicataire : en cas de folle << enchère, il sera tenu par corps de la « différence entre son prix et celui de « la vente. Lorsqu'une seconde ad<< judication aura eu lieu, après la sur« enchère ci-dessus, aucune autre sur« enchère des mêmes biens ne pourra « être reçue. »

(') Surenchère après surenchère ne vaut. V. art. 710, § 2, précité.

(*) La grosse du jugement d'adjudication doit être délivreé à l'adjudicataire sans qu'il soit nécessaire d'attendre l'échéance des délais accordés pour la surenchère.

(3) V. art. 712 et 713, C. proc. Art. 712: « Le jugement d'adjudication ne sera autre que la copie du «< cahier des charges rédigé ainsi qu'il « est dit en l'art. 690 (contenant << toutes les conditions de la vente), il << sera revêtu de l'intitulé des juge«ments et du mandement qui les ter

« mine, avec injonction à la partie sai« sie de délaisser la possession aussi« tôt après la signification du juge«<ment, sous peine d'y être contrainte « par corps. »

Art. 713: « Le jugement d'adjudi<«< cation ne sera délivré à l'adjudica<< taire qu'à la charge, par lui, de rap«porter au greffier quittance des frais << ordinaires de poursuite, et la preuve « qu'il a satisfait aux conditions du « cahier des charges qui doivent être « exécutées avant cette délivrance. La « quittance et les pièces justificatives <<< demeureront annexées à la minute « du jugement, et seront copiées à la « suite de l'adjudication. Faute par l'ad« judicataire de faire ces justifications « dans les vingt jours de l'adjudication, il y sera contraint par la voie de la « folle enchère, ainsi qu'il sera dit ciaprès, sans préjudice des autres voies « de droit. »>

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Elle doit contenir une mention de la dette pour laquelle la saisie réelle a été poursuivie, et un détail sommaire de toute la procédure de la saisie réelle jusqu'à l'adjudication, à l'effet de quoi, le procureur du saisissant remet au greffier toutes les procédures. Cette expédition doit être envoyée chez le scelleur, pendant vingt-quatre heures, pendant lequel temps on peut encore former des oppositions afin de conserver; ce temps passé, la grosse peut être scellée et délivrée à l'adjudicataire.

Aujourd'hui on n'appose plus de sceau; on se contente de faire mention sur la grosse que l'acte a été scellé, et du reçu des droits.

Observez aussi que le procureur de l'adjudicataire doit remettre au greffe la quittance du receveur des consignations, du prix que l'adjudicataire a dû consigner; le greffier la garde comme minute du décret, et la transcrit au bas de la grosse du même décret. Edit de février 1689, art. 30.

Il est expressément défendu aux greffiers, par le même article, de délivrer les décrets, soit en entier, soit par extrait, que la quittance de consignation ne leur ait été remise.

§ IV. Des obligations du procureur qui s'est rendu adjudicataire pour la partie.

626. L'obligation du procureur qui s'est rendu adjudicataire pour sa partie, consiste à faire, dans la huitaine de l'adjudication, la déclaration de la personne pour qui il s'est rendu adjudicataire (1). Règlement du 29 août 1678.

Cette déclaration se fait au greffe et doit contenir le nom, les qualités et la demeure de la personne pour qui il s'est rendu adjudicataire. Le procureur, faute d'avoir fait cette déclaration, peut être poursuivi pour le paiement, comme s'il était adjudicataire en son propre nom.

Le procureur, après avoir fait cette déclaration, en rapportant la procuration spéciale de la personne pour qui il s'est rendu adjudicataire, ou sa ratification, est déchargé de toutes ses obligations et ne peut être recherché pour la représenter, ni encore moins pour la faire payer; c'est ce qui a été jugé par un arrêt du 14 janvier 1687, rapporté par d'Héricourt, chap. 10, somm. 22.

Il faut en excepter le cas où un procureur se serait rendu adjudicataire pour une personne notoirement insolvable, et dont il ne pouvait ignorer l'insolvabilité, ou pour une personne incapable d'acquérir, tels que sont, depuis l'édit de 1749, les gens de mainmorte, telle qu'est une femme non autorisée de son mari; auxquels cas, il pourrait être poursuivi en son nom (*).

Mais si la solvabilité de la personne pour laquelle le procureur s'est rendu adjudicataire, est apparente, c'est sur elle seule qu'on peut poursuivre la folle enchère (3); on trouve deux arrêts récents dans Denizart, vo Enchère, no 6, qui ont déchargé en pareil cas le procureur; le premier est du 9 mai 1730, en faveur de M. Thourette, procureur au Parlement, et le dernier du 26 janvier 1770, en faveur de Me Dulion, procureur au Châtelet.

(1) V. art. 707, C. proc., ci-dessus, l'adjudicataire déclaré, sauf à mettre p. 279, note 5. l'avoué en cause pour obtenir contre (2) « A peine de nullité de l'adjudi-lui des dommages-intérêts; mais au<«<cation ou de la surenchère, et de a dommages-intérêts » porte le 1erparagraphe de l'art. 711. V. p. 276, note 3. (3) Dans tous les cas, la folle enchère ne peut être poursuivie que sur l

cune condamnation ne peut être prononcée contre lui, si, ayant agi de bonne foi, il a été lui-même trompé, en sorte qu'aucune faute ou imprudence ne lui est imputable.

SV. De la consignation que doit faire l'adjudicataire.

627. L'adjudicataire est obligé de consigner, dans la huitaine, le prix de l'adjudication ('), et cette consignation doit se faire entre les mains du receveur des consignations, à moins que, lors de l'adjudication, il n'y eût aucune opposition ou saisie subsistante (édit de février 1689, art. 12); car, en ce cas, l'adjudicataire ne doit pas consigner entre les mains du receveur des consignations, mais il peut payer le prix de son adjudication au saisissant, ou à telle autre personne que le juge ordonnera de payer.

Quoique l'adjudicataire soit créancier, il ne laisse pas de devoir consigner tout le prix, sauf à retirer, après l'ordre fait, la somme pour laquelle il sera colloqué.

Si l'adjudication était faite sous la condition qu'il retiendrait le prix, ou une partie, pour sûreté de quelque douaire, substitution, etc., il ne serait pas obligé de consigner, mais les droits n'en seraient pas moins dus, en ce cas, au receveur des consignations. Edit de 1689, art. 13.

Observez qu'il est d'usage au Châtelet de Paris, que, s'il a été fait une délégation du prix, et qu'elle ne soit point contestée, non-seulement il n'y a point lieu à la consignation, mais encore il n'est dû aucun droit, suivant un acte de notoriété du 17 mai 1697.

En Provence, il n'est dû aucun droit de consignation sur le prix des immeubles vendus, en conséquence de l'abandonnement de ces mêmes biens, fait par un débiteur à ses créanciers, par contrat homologué en justice. Arrêt du Parlement de Provence du 23 mai 1724.

628. Cette consignation libère l'adjudicataire du prix de son adjudication; car une consignation équipolle entièrement au paiement, suivant ce principe de droit Obligatione totius debitæ pecuniæ solemniter factâ, liberationem contingere manifestum est. L. 9, Cod. de Solut.

629. Le saisi est-il pareillement libéré jusqu'à due concurrence envers ses créanciers, en telle sorte que, de cette consignation, les intérêts cessent de courir contre lui, des sommes pour lesquelles ses créanciers se trouveraient par la suite utilement colloqués à l'ordre, et que les espèces consignées soient dès lors aux risques de ses créanciers (2)?

Cette question dépend entièrement de la manière dont se fait le paiement, c'est-à-dire, si le receveur des consignations reçoit cet argent au nom du saisi, et pour le saisi, ou s'il le reçoit au nom et pour les créanciers, tant saisissants qu'opposants. S'il le reçoit au nom des créanciers, ceux-ci sont dès lors payés jusqu'à due concurrence, et par conséquent le saisi est entièrement libéré; si, au contraire, il le reçoit pour le saisi, à la charge de payer ensuite aux créanciers, à sa décharge, lorsque l'ordre sera fait, le saisi n'est point libéré, jusqu'à ce que les créanciers, après l'ordre fait, aient reçu leur collo

cation.

(Cette obligation n'a plus lieu, à | donne la caisse des consignations (3 moins qu'elle n'ait été imposée par le cahier des charges.

(*) La consignation étant faite sur telle ou telle créance déterminée, ne peut être considérée comme opérant, le paiement, soit total, soit partiel, des créanciers; il est donc fait simplement à la charge du débiteur, qui a seul à souffrir de la perte résultant de la différence d'intérêts, entre l'intérêt que

pour 100), et celui que la créance produit, qui est légalement de 5 pour 100 pour les dettes civiles, et 6 pour 100 pour les commerciales, sauf réduction résultant de la convention; c'est seulement à partir du jour de la délivrance des bordereaux que ces intérêts cessent de courir au profit des créanciers; c'est à partir de ce jour seulement qu'ils sont réputés payés.

630. Cette question dépend encore de savoir qui on doit considérer comme le vendeur de la chose adjugée par décret; si ce sont les créanciers qui vendent, l'acheteur est censé payer à celui qui lui vend, et par conséquent, le prix consigné serait censé reçu au nom des créanciers.

Par le droit romain, c'était le créancier qui était le vendeur du gage, aussi ne pouvait-il en être l'acheteur, par notre droit, ce ne sont point les créanciers, tant saisissants qu'opposants, qui vendent, puisqu'ils peuvent, comme les autres, se rendre adjudicataires; c'est la justice qui vend, ou plutôt c'est le saisi qui est forcé par la justice à vendre; c'est pour lui et en son nom que le juge vend, et par conséquent c'est à lui que le prix doit être réputé payé : ce prix est sous la main de justice, entre les mains du receveur des consignations, jusqu'à ce qu'il ait été réglé par l'ordre à quels créanciers il doit être payé; mais il est, jusqu'à ce temps, le bien du saisi; les créanciers ne sont point payés jusqu'à la distribution; d'où il suit:

1° Que, jusqu'à la distribution, les intérêts des sommes qui en produisent, doivent courir;

2° Que la diminution qui surviendrait, jusqu'à ce temps, sur les espèces, doit être soufferte par le saisi, et que, vice versâ, l'augmentation qui y surviendrait doit être à son profit.

631. Est-il juste, dira-t-on, que le saisi souffre des contestations qui surviennent entre ses créanciers à l'ordre?

Oui, parce que c'est lui qui y donne lieu; car il n'y a lieu à ces contesta. tions, que parce qu'il n'a pas de quoi satisfaire à ses engagements envers chacun de ses créanciers; néanmoins si, par les mauvaises chicanes de quelqu'un de ses créanciers, la distribution était retardée pendant un temps considérable, le saisi qui souffre de ce retard, par les intérêts qui courent contre lui, pourrait prétendre des dommages et intérêts contre ce créancier chica

neur.

632. Observez que, quoique les créanciers ne soient proprement payés, que, lorsqu'après l'ordre et distribution faite, ils ont retiré leur collocation du receveur; néanmoins, dès que la collocation est faite, et toutes les contestations définitivement réglées, comme il ne tient qu'à eux de recevoir et de retirer la somme pour laquelle ils sont colloqués, les intérêts de cette somme cessent de courir, et la perte qui surviendrait depuis sur les espèces, doit être portée par lui; ce sont les effets de la demeure en laquelle sont ces créanciers de recevoir.

Si, au contraire, il survenait une augmentation sur les espèces, je pense que le saisi qui est toujours propriétaire, jusqu'à ce que le créancier ait retiré sa collocation, en doit profiter; car la demeure en laquelle le créancier a été de recevoir, pouvait bien lui nuire, mais ne pouvait pas lui profiter.

S VI. Comment l'adjudicataire est contraint au paiement, et de la réadju dication sur sa folle enchère.

633. Si l'adjudicataire manque de payer, dans la huitaine, le prix de son adjudication, il y peut être contraint par corps, à moins qu'il ne soit de qualité à n'être pas sujet à cette contrainte par corps, comme si c'était une femme, un prêtre, etc., c'est ce qui résulte de l'édit de 1689, qui porte, art. 12, que tous dépositaires seront contraints, comme dépositaires de biens de justice, c'est-à-dire, par les mêmes voies, et par conséquent par corps (1).

(1) L'adjudicataire n'est aujourd'hui | l'adjudicataire, porte l'art. 713, Cod. contraignable par corps qu'après la re- proc. (V. ci-dessus, p. 281, note 3), vente sur folle enchère pour la diffé- de faire (les justifications exigées) dans rence restée à sa charge: « Faute par les vingt jours de l'adjudication, il y

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