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cathédrale qui se rattache, abstraction faite du Collège des Chanoines, à la véritable Communauté propriétaire.

73. — C'est donc la Société essentielle, sous ses formes et appellations variées, qui est propriétaire de tous les établissements publics; c'est à elle, c'est au « Public » qu'on donne, quand on fonde. Il n'importe en rien que le Fondateur l'ait dit expressément ou ait omis de le dire, qu'il ait nommé comme donataire un établissement préexistant ou la Fondation elle-même, ou qu'il ait simplement dit : je donne pour fonder, je fonde (1): le fond du Droit ne varie pas.

Le Fondateur donne à un Établissement préexistant (2): celui-ci recueille comme organe du Public; c'est une administration qui en organise une autre.

Le Fondateur peut encore donner (ou léguer) à des particuliers qu'il charge d'exécuter ses volontés; Léon et Justinien ont précisément et spécialement créé pour cet objet les Exécuteurs testamentaires, et c'est du Droit public que l'institution a passé dans le Droit privé (3). Ces Exécuteurs sont des donataires ou légataires, mais s'ils recueillent l'émolument, c'est à charge de l'employer à la fondation; cette clause, dit Daguesseau, était générale et de style dans les testaments du Moyen Age, « en sorte qu'il y a deux titres de fondation, le testament, les statuts faits par les Exécuteurs testamentaires (4) » ; ainsi fut fondé en 1420 le Collège de La Marche; ainsi se fondèrent généralement les collèges de l'Université de Paris (5);

1. C'est bien ainsi qu'avait procédé Michel Mahieu, sans dire qu'il donnait soit à sa fondation, soit au Public, supra, n° 66.

2. Supra, no 50 et note 3.

3. L. 15, C. 1,-2 ; l. 28, § 1, C. 1, 3; Nov. 131, cap. 18; Nov. 131, cap. 10 et 11; 1. 46, § 3, C. 1, 3; Raguelli Commentarius ad Constitutiones et Decisiones Justiniani quæ XII libris Codicis continentur, et ad priores titulos libri VIII Codicis, Paris, 1610, p. 33.

A grand renfort d'érudition allemande, M. Geouffre de La Pradelle, Des Fondations, op. cit., p. 132, prétend établir l'origine germanique de l'Exécution testamentaire ignorée du Droit romain; cependant nos anciens Auteurs, ceux du Droit écrit comme ceux du Droit coutumier en trouvent l'origine, « l'invention dans la loi romaine ou Canonique », Étienne Pasquier, Interprétation des Institutes, op. cit., chap. 125,- Delalande, Coutume d'Orléans, op. cit., art. 230, p. 627, — Ragueau, loc. cit.; Voir dans Ducange, Glossarium, op. cit., articles Spondarii ad Pias Causas et Gadiator, les testaments et chartres des Seigneurs des Pays de Droit écrit aux treizième et quatorzième siècles.

4. Supra, no 4 et note 11; Comp. Felibien et Lobineau, Histoire de Paris, op. cit., p. 805.

5. Collèges de Navarre, du Mans, Mignon, Des Grassins, d'Harcour, de Bourgogne, de Séez, de Bayeux; Acte de fondation, en 1348, du Collège de Cambrai, par

Cette pratique dure aussi longtemps que l'Ancien Droit: le Moyen Age la transmet à la Société du xví° siècle (6), et la Déclaration du 9 juillet 1738, les arrêts du conseil des 30 décembre 1738 et 23 juin 1739 la constatent en mentionnant «< ceux qui sont chargés de l'exécution ou administration des fondations (7) » ; tantôt ces Exécuteurs de la fondation sont légataires: ainsi Guillaume de La Marche, en fondant son collège, nomme des Exécuteurs testamentaires, « et il déclare qu'il se dessaisit entre leurs mains de tous ses effets; il les en rend maîtres, propriétaires ou plutôt dispensateurs absolus... (8) » ; tantôt ils sont donataires, et leur acceptation suffit pour parfaire la donation; Bernard de Sainte-Thérèse emploie ce procédé pour fonder le séminaire des Missions Étrangères: Par contrat du 16 mars 1663 il donne aux sieurs de Morangis et de Garibat acceptans ladite donation à l'effet de l'accomplissement d'icelle, et ceux-ci, la fondation une fois réalisée, transmettent tout ce qu'ils ont reçu aux Directeurs ou Représentants du Séminaire (9).

Mais ces légataires et donataires ne sont que de simples ministres, et il ne vient à l'idée de personne de se méprendre sur leur fonction réelle (10).

les Exécuteurs testamentaires des Évêques fondateurs: «..... Statuimus, disponimus, fundamus, et ordinamus... collegium seu Congregationem »; de Dainville (1380) : «... Michael de Dainvillà..., hæres et executor defunctorum fratrum nostrorum notum facimus... tam nostro quam executorio dictorum fratrum nostrorum nominibus.... ordinavimus, creavimus, fundavimus, et dotavimus unum Collegium... », Felibien et Lobineau, op. cit., « Histoire », p. 508, 595, 1109, 446, 579, 520, et « Preuves », part. 1, p. 585 et 295, part. 3, p. 688, et part. 1, p. 431 et 506.

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6. Fondations Guillaume Macé, arrêt du 14 avril 1602, Papon, Rec. d'arrests, op. cit., liv. 20, tilt. 6, no 14; - demoiselle Lefebvre, arrêt du 29 avril 1901, Audiences, t. V, liv. 1, chap. 20; Jayet, arrêt du Parlement de Grenoble du 18 juin 1776, Guyot, legs, sect. 5, quest. 2; fondation du College de Villaines-la-Juhel, acte du 20 janvier 1656, Leblanc, Villaines-la-Juhel et la fondation de son College, op. cit., p. 24; Fondation de Herlaimont, testament du 7 juillet 1737, Merlin, Répert., op. cit., « Mainmorte », § 3, no 7; Fondation Fontaine, testament du 7 juillet 1737, Recueil général des arrêts du Conseil d'Etat par Roche et Lebon, Paris, 1839, t. I, p. 193.

7. Merlin, Répert., mainmorte, § 3, no 8; voir en outre, dans Martin Doisy, Diction., op. cit., t. II, p. 137, et dans Denisart, Collection, op. cit., 1786, Compagnie, § 3, no 3. Règlement du Parlement en date du 7 septembre 1785 sur l'adininistration des Fabriques et des Charités « dans les Paroisses où il existe un fonds de charité,... et à l'administration desquelles les fondateurs n'ont pas autrement pourvu ».

8. Supra, note 4.

9. Mémoires du Clergé, op. cit., t. II, « Des Séminaires », no 1, p. 723, Lettres Patentes de juillet 1663.

10. Supra, no 4.

74. - Si le Fondateur a simplement dit: Je fonde, sans nommer aucun établissement, aucun particulier, le soin de recueillir le legs ou la donation incombe à l'Autorité Publique représentée au Moyen Age et au Bas-Empire par l'Évêque (1), puis par « les Gens du Roi (2) » ; au xvia siècle, le Procureur Général a succédé à l'Évêque dans «< la poursuite des legs pieux »; « c'est à luy seul et à ses substituts, dit Le Prestre, auxquels appartient la poursuite et la recherche de l'intérêt public... il est le seul défenseur des droicts du Roy, du Royaume et du Public, comme des Pauvres et des Communautez (3)»; de là, les très nombreux arrêts de Parlements enjoignant à tous Curés, Notaires, personnes publiques, ainsi qu'aux héritiers, exécuteurs testamentaires et à tous autres de l'informer «< afin de prendre soin de faire mettre à exécution les volontés des testateurs (+) » ; il doit «< faire les poursuites nécessaires (5) » ; il surveille, il requiert, en personne ou par ses subordonnés, l'exécution des legs pieux et des fondations (6), dont la délivrance se fait souvent en sa présence (7); il demande lui-même la délivrance, il plaide

1. L. 15, Č. 1, 2; ll. 28, 46, 49, C. 1, 3; Nov. 131, cap. 11 et 12.

...

2. Denisart, Collection., op. cit., 1771, « Gens du Roi », no 1 : « MM. les Avocats et Procureurs Généraux des Cours Souveraines, les Avocats et Procureurs du Roi des justices royales et leurs substituts. »

La Société se sécularise, s'empare de la Cause Pie, substitue des administrations laïques à l'Évèque, Supra, nos 43, 44, 45; Desmaisons, Définitions, op. cit., « Legs pieux », no 16: « Les libertez de l'Eglise Gallicane (art. 25) ne veulent pas que les Evêques ny leurs officiaux puisse connoître de ces matières parce que ce seroit donner atteinte à la juridiction royale »; Voir aussi Bardet, Rec. d'arrêts, op. cit., liv. 1, chap. 104, arrèt du 24 nov. 1622; Brillon, Diction., op. cit., « Legs », p. 66; etc.

3. Questions notables de droit décidées par plusieurs arrė!s de la Cour de Parlement, par Le Prestre, Paris, 1689, Cent. 1, chap. 23.

4. Augeard, Arre's notables, op. cit., t. I, p. 622; Merlin, Répert., op. cit., « Legs », sect. 6; Code de l'Hôpital général, Paris, 1786, p. 111 et 568; Isambert, Anciennes Lois, op. cit., t. XVIII, p. 13; Brillon, Diction. op. cit., « Legs, p. 67, et « Hòpital », p. 624; Journal des Audiences, op. cit., t. II, p. 615, et IV,

P. 213.

5. Reglement du 28 février 1785, dans Guyot et Isambert.

6. Denisart, Collection, op. cit., 1771, « Ecole », § 2, no 2, Fondation Picotté de Belestre, arrêt du 5 septembre 1733; Papon, Arrests notables, op. cit., liv. 20, tit. 6, no 6, arrêt du 4 février 1575, legs Durant ; Bardet, Recueil d'arrêts, op. cit., t. I, liv. 1, chap. 104, fondation Étienne Goust; dans cette derniere espèce, c'est le Procureur fiscal qui demandait l'exécution de la fondation; mais on sait que les fonctions du Procureur fiscal, « officier qui dans les justices seigneuriales stipuloit 'intérêt public et celui du Seigneur », étaient les mèmes que celles du Procureur du Roi dans une justice royale (Denisart, 1771, « Procureur fiscal », n° 1).

7. Journal des Audiences, t. I, liv. 5, chap. 14, legs Gauffre, arrêt du 8 avıl 1647

contre tous héritiers, administrateurs, exécuteurs qui lui « doivent justifier l'emploi des deniers (8) », même si le testateur a ordonné qu'ils ne seroient pas tenus de rendre compte (9). Il assigne d'office (10), parce que « toute fondation appartient au droit public », que « l'autorité du Souverain ou des Magistrats qui le représentent doit intervenir sur tout ce qui a rapport à l'exécution, interprétation, réduction ou commutation de fondations (1) » ; alors il se présente devant le Parlement comme plaideur, comme partie, laissant le siège du ministère public à un Avocat général qui porte la parole pour lui et donne ses conclusions (12).

C'est donc le Magistrat du ministère public qui requerra l'exécution du legs; spécialement, il rendra la donation parfaite par son acceptation; on le voit même accepter concurremment avec le dona

8. J. Audiences, t. V, liv. 1, chap. 20, legs demoiselle Lefebvre, arrêt du 29 avril 1701; Brillon, Diction., op. cit., t. IV, « Legs, Legs aux pauvres », p. 64 : « le 4 février 1652, M. l'Avocat du Roy Du Ménil plaida pour avoir délivrance d'un legs pour les pauvres... » ; Voir aussi p. 72, arrêt du P. de Dijon du 17 mars 1664, et Journal du Palais ou Recueil des principales décisions de tous les Parlemens et Cours Souveraines de France, par Blondeau et Guéret, Paris, 1755, t. I, p. 464, arrêt du 5 déc. 1673.

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9. Denisart, 1771, « Pauvres », no 22, legs Couturier : l'arrêt du 23 mai 1759 ordonne que l'état de cette distribution seroit communiqué à M. le Procureur Général, et M. l'Avocat général a observé qu'il étoit d'usage de communiquer ces sortes de distribution au Ministère Public » ; code de l'Hôpital général, p. 235, fondation Dame Duval, veuve Morand, arrêt du 31 mars 1711; - J. Audiences, t. V, liv. 7, chap. 1, legs Curé de Noay, arrèt du 15 janvier 1707. 10. Denisart, 1789, « Fondations », § 6, no 2: « M. le Procureur Général, instruit que la fondation n'étoit pas exécutée, fait assigner en la Cour le 25 octobre (1745) l'héritière de la demoiselle Rondet et les Curés et Marquiliers » ; - Audiences, legs Curé de Noay, loc. cit., sentence contradictoire entre le Procureur du Roi et l'exécuteur testamentaire, puis arrêt du 15 janvier 1707, t. V, liv. 3, chap. 24, legs Claude Fesset; « Le Procureur du Roi... fait assigner les légataires universels... », Arrêt du 15 décembre 1703; Voir aussi, t. III, liv. 3, chap. 29, legs demoiselle d'Audigné, arrêt du 16 juillet 1670 ; Merlin, Répert., op. cit., « Légataire », § 2, addition au no 18, legs Dalleré, le Procureur Général assigne les héritiers en délivrance, arrêt du 27 août 1783; Voir aussi, fondation Goust, ci-dessus, note 6. 11. Denisart, 1789, « Fondations », § 6, no 6.

12. Guyot, Répert., Legs, sect. 5, quest. 2, arrêt du 31 juillet 1779 réformant sur l'appel du Procureur Général un jugement de la Sénéchaussée d'Angers qui avait rejeté la demande formée par le Procureur du Roi pour l'exécution en nature et non en argent d'une fondation en faveur des pauvres prisonniers ; Serres, Les Institutions du Droit françois, Paris, 1768, liv. 2, tit. 20, § 25, arrêt du Parlement de Toulouse en 1705, entre M. le Procureur général prenant la cause de son Substitut au Sénéchal de Montpellier et l'héritière d'une femme à qui un Curé avait fait un dépôt pour œuvres pics ; · Comp. dans Guyot, Répert., « Institution»,sect. 5, § 1, legs Dussol, arrêt du Parlement de Toulouse du 18 mars 1778, et dans Papon, Recueil d'arrests, op. cit., liv. 20, tilt. 6, no 10, arrêt du Parlement de Paris du 14 mars 1552.

taire, quand le donateur en choisit et en nomme un dans l'acte (13); Daguesseau, dans son Commentaire de l'Édit de 1749, ne fait donc que rappeler et constater un principe de tout temps reconnu et appliqué (+). Observons avec Ferrière que « MM. les Procureurs Généraux et leurs Substituts, quoique protecteurs des mineurs, ne peuvent pas accepter les donations qui leur sont faites (15) » ; mais s'ils acceptent les donations faites au Public, c'est que, suivant l'explication de Merlin, « Public signifie ici l'intérêt public primaire par opposition à l'intérêt public secondaire. Il ne comprend pas les mineurs qui font partie du second (16)

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75. En cette matière, on confond une question de droit et une question de police, la loi civile et la loi administrative: aujourd'hui la Doctrine moderne, dans son effort pour construire la théorie de la Fondation, s'arrête, s'immobilise devant cet obstacle imaginaire: <«< Aucuns biens ne peuvent être transmis qu'à une personne existante, et si c'est à une personne civile, qu'à une personne préalablement reconnue comme telle (1) »; l'obstacle n'existe pas pour l'Ancien Droit, puisque toute fondation se résolvait dans une donation faite au Public: la Fondation, c'est-à-dire le don ou le legs, vaut toujours pour la Loi civile: « la volonté d'un testateur à l'article de la mort suffisait pour cela », dit Merlin, en 1784 (2), résumant tout l'Ancien Droit tel qu'il était constitué jusqu'à l'Édit d'août 1749; et il faut en dire autant de la Communauté ou Association, car le même principe, nécessairement général, s'appliquait, sans qu'il y ait lieu de distinguer, à tout établissement créé en vue de l'utilité publique; Merlin reconnaissait la jurisprudence qui validait le legs fait pour fonder une communauté comme « calquée sur les véritables principes du droit (5) ».

En 1749, des raisons de police, d'économie politique ou de bonne administration (4), retirent aux testateurs la faculté de fonder, soit

13. Brillon, Diction., op. cit., t. II, p. 794, arrêt d'août 1642.

14. Supra, no 57.

15. Corps et Compilation, op. cit., tit. 3, § 1, no 34.

16. Merlin, Répert., op. cit., « Requête civile », § 1, no 15.

1. Beudant, Note sous C. Besançon, 26 mars 1891, D. P., 1893, 2, 2; et Truchy, Des Fondations, op. cit., p. 151: « il s'agit de créer un être fictif; n'est-ce pas, au point de vue philosophique, une œuvre que le législateur seul peut accomplir? ». 2. Guyot, Répert., op. cit., « Chapelle ».

3. Guyot, Répert., op. cit., « Institution », sect. 5, § 1, no 17.

4. Supra, nos 43 à 45, no 48.

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