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CHRONIQUE

I.

CHRONIQUE D'ALLEMAGNE

Prusse.

Fondation Julius Baron à Breslau. Le Code civil allemand fixe dans le titre II du livre premier la condition juridique des associations et des fondations. Les articles 80 et suivants portent que les fondations peuvent se faire soit par acte entre vifs, soit par testament. Dans l'un et dans l'autre cas, la fondation ne peut être investie de la capacité de personne juridique qu'avec l'autorisation de l'État confédéré dans le ressort duquel elle doit avoir son siège. Au surplus, un très grand nombre de règles, édictées pour l'administration des associations pourvues de la capacité juridique, ont été étendues aux fondations, toutes les fois que ces règles n'ont pas été fixées par l'acte de fondation. A ce point de vue, le droit prussien laisse aux fondateurs la plus grande liberté pour organiser les œuvres qu'ils désirent perpétuer après leur mort. Un exemple récent permettra de se rendre compte de la pratique de l'administration sur ce point, il nous suffira de rappeler l'histoire récente de la fondation Julius Baron.

Le 9 juin 1898, mourait à Bonn M. Julius Baron, professeur ordinaire de droit romain à l'université de cette ville. Par son testament, en date du 12 août 1884, il instituait pour légataire universel, en première ligne, la ville de Berlin, en seconde ligne, et à défaut de la première instituée, la ville de Breslau, enfin, à défaut, sa ville natale, Testemberg.

Le legs était fait aux clauses et conditions suivantes :

1o Le bénéficiaire de la libéralité devra appliquer le produit de la succession à l'entretien d'enfants pauvres, orphelins ou abandonnés, qui seront à la charge de l'assistance publique, mais à la condition que la nourriture de ces enfants soit distribuée conformé

ment aux règles du régime végétarien. Le testateur déclare que sous le nom de régime végétarien, il entend la proscription de toutenourriture provenant de la chair des animaux vivants, viande, poisson, etc., et l'usage exclusif des légumes et des produits des animaux vivants, lait, beurre, fromage, ceufs, etc. En conséquence, le legs universel sera caduc si, dans les trois ans à partir du jour où le légataire aura été mis en possession de l'hérédité, celui-ci n'a pas organisé un asile où seront reçus et hospitalisés les enfants d'après ledit régime et, d'autre part, si, la fondation établie, on y traite les enfants d'après un régime autre que celui prévu par le

testa teur;

2° La fondation sera soumise aux principes juridiques et aux règles légales admis pour l'administration du patrimoine des mi

neurs;

3o Sous aucun prétexte, le produit de la succession ne pourra être attribué à la commune, il constituera un fonds spécial administré par un comité de direction indépendant de l'administration municipale, sans qu'aucune ressource en provenant puisse se confondre avec les recettes propres de la commune et alimenter le budget de la ville. Le conseil de direction (Kuratorium) sera composé et nommé comme il sera dit ci-après;

4o Le produit de la succession, tel qu'il se composera à la mort du testateur, et les intérêts et arrérages des sommes qui seront perçues jusqu'à l'organisation de la fondation constitueront un fonds inaliénable; les intérêts seuls de ce fonds seront appliqués à l'entretien des orphelins, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus;

5° L'administration de la fondation sera confiée à un conseil de direction (Kuratorium), composé de trois membres. Le premier qui exercera les fonctions de président sera le président de la commission du conseil municipal qui a dans ses attributions l'administration et la tutelle des orphelins de l'assistance publique; le second sera un conseiller municipal élu par ses collègues; le troisième sera choisi par le conseil municipal parmi les citoyens de la commune s'occupant des questions d'assistance infantile. Pour la constitution du Kuratorium, on devra, autant que possible, choisir des partisans du régime végétarien, mais ce n'est qu'un vou du testateur; toutefois, il déclare formellement, qu'à peine de nullité de la fondation, aucun médecin ne pourra faire partie du comité de direction;

6o La surveillance du Kuratorium sera exercée par de la ville, et par l'autorité administrative supérieure ;

le Magistrat

7° Le Kuratorium statuera sur les admissions à l'asile des enfants, sans se préoccuper de distinctions de religion; il veillera à ce que les revenus de la fondation soient appliqués rigoureusement à l'éducation intellectuelle et à l'alimentation physique des orphelins, d'après le système exposé plus haut;

8° Le comité de direction établira chaque année son budget, qui sera communiqué au conseil municipal et publié dans la feuille d'annonces judiciaires et légales de la localité ;

9° Pour le fonctionnement intérieur de l'asile, le testateur se borne à émettre deux vœux d'une part, il conviendra de créer un établissement spécial pour y hospitaliser les orphelins, et on ne devra pas y recevoir des enfants étrangers; d'autre part, cet établissement devra contenir un service hydrothérapique pour les enfants recueillis ;

10° Enfin, le légataire universel devra se mettre en instance pour obtenir l'autorisation du gouvernement, conformément aux dispositions de la loi prussienne du 23 février 1870. Il fera, d'autre part, toutes diligences pour organiser l'orphelinat, et en assurer le fonctionnement.

L'administrateur de la succession a notifié à la ville de Berlin le testament qui l'instituait légataire universelle, mais, après de longs débats, le conseil municipal de la capitale prit, le 8 septembre 1898, par 53 voix contre 48, une délibération, aux termes de laquelle il répudiait le legs. Dans ces conditions, la ville de Breslau se trouvait par l'effet de la substitution vulgaire insérée dans le testament, instituée légataire universelle. Le 7 février 1899, le Magistrat de Breslau invita le conseil municipal à faire connaître sa décision. Après une vive discussion sur le point de savoir s'il convenait d'accepter une libéralité qui, d'après les adversaires du régime végétarien, était de nature à imposer à la ville une organisation susceptible de causer un préjudice à la santé des enfants, l'assemblée a accepté en définitive le legs par une délibération du 9 mars 1899, prise par 76 voix contre 4.

La ville de Breslau s'est alors mise en instance en vue d'obtenir du roi l'autorisation d'accepter la libéralité. De toutes parts surgi

rent des oppositions émanant des parents exhérédés. Finalem un rescrit du 5 février 1902, contresigné par les ministres de l'interieur et de l'instruction publique, a accordé l'autorisation sollicitée. Ce rescrit est ainsi rédigé : « Sur la demande présentée par la ville de Breslau, j'accorde à cette ville l'autorisation d'accepter la libéralité qui lui a été faite par l'acte de dernière volonté du professeur Julius Baron, en vertu d'un testament du 12 août 1884, et consistant dans la totalité de sa succession s'élevant à un capital net de 476 552 marks, à la condition de fonder un asile d'enfants abandonnés, qui seront élevés d'après les principes du système végétarien. » Le rescrit attribue à vingt-sept parents du testateur, disséminés sur tout le territoire allemand et même à l'étranger, des indemnités qui seront payées par la ville de Breslau, avec intérêts à 5 % du 1er juillet 1898, date de la mort du testateur, au 31 décembre 1899, et à 4 % du 1er janvier 1900 jusqu'à la date du payement. Le total de ces indemnités s'élève à 33 080 marks: la plus forte est de 3 500 marcs, la plus faible, de 1 000 marks.

Une fois l'autorisation accordée, la légataire universelle s'est préoccupée d'organiser la fondation. Au commencement de juin 1902, il a été procédé à la nomination du Kuratorium composé d'un président, qui est le conseiller municipal président du bureau des pauvres, du greffier en chef du tribunal civil de Breslau, végétarien convaincu, et d'un conseiller municipal. Le Kuratorium a arrêté, d'accord avec la ville, le chiffre du capital de la fondation, qui s'élevait à cette date en titres, valeurs et argent comptant à 591 600 marks.

En outre, le Kuratorium a loué pour dix ans à la ville de Breslau, moyennant un prix de 2 750 marks par an, un immeuble qui a reçu les appropriations nécessaires pour répondre au but de la fondation. L'établissement a été ouvert le 3 janvier 1905. Depuis cette époque jusqu'au 31 mars suivant, il a été admis 24 enfants, 13 garçons et 11 filles. Les garçons ont de deux à neuf ans, les filles de trois à dix ans.

L'alimentation des enfants, ainsi que celle du personnel attaché à l'établissement, inspecteur, domestiques, femmes de chambre, est conforme au régime végétarien. A cet effet, le règlement intérieur a établi une série de menus uniquement composés de pain, de

beurre, de légumes, d'oeufs, etc. Voici la composition d'une série de menus établis pour une journée choisie à titre d'exemple : Premier déjeuner. Café au lait et pain blanc. 8 grammes de café, 10 grammes de sucre, 2 décilitres de lait.

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Deuxième déjeuner. - Pour les enfants en âge scolaire : 75 grammes de pain et 10 grammes de beurre.

Dîner.

Souper.

Soupe aux pois avec pain grillé, riz aux tomates.

Tartines de beurre et fromage blanc. La portion comprend 75 grammes de pain, 10 grammes de beurre, 25 grammes de fromage.

Le personnel est soumis au même régime, avec augmentation du poids des portions.

Le budget de la fondation pour le premier exercice se décompose comme suit :

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Il est à remarquer que, si le budget se solde en déficit, cette particularité tient uniquement à ce qu'il a dù supporter pour le premier exercice des dépenses extraordinaires résultant de la construction et de l'appropriation de l'immeuble. Ces dépenses une fois payées, les revenus de la fondation pourront largement suffire à la dépense normale résultant du fonctionnement de l'établissement. Observons, en terminant, que la dotation a été constituée en titres de premier ordre, rapportant plus de 3,50 %, et provenant soit

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