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tion de la fermeture de la chasse à tir et de la chasse à courre présente le plus de difficultés. Il y avait deux modes différents de chasse générale; la loi de 1874 autorise deux ouvertures ou deux clôtures différentes de ces deux chasses générales, et alors se pose la question de savoir ce qu'il en sera du colportage pendant la clôture de l'un ou l'autre de ces modes de chasse généraux. L'article 4 interdisant le colportage du gibier pendant le temps où la chasse n'est pas permise, sans distinguer entre les deux modes de chasse, s'ensuivra-t-il que le colportage sera interdit dès la première fermeture de chasse, ou bien qu'il ne sera interdit que lors de la dernière fermeture?

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Trois systèmes se sont produits sur ce point.

D'après le premier, du jour où la chasse à tir a été close, tout colportage de gibier est défendu. C'est le système soutenu par la Gazette des Tribunaux (1), qui enseigne que la fermeture de la chasse à tir est la fermeture générale.

Selon le second système, le colportage de tout gibier est et demeure autorisé jusqu'au dernier jour du dernier mode général de chasse, c'est-à-dire jusqu'à la clôture de la chasse à courre.

C'est ainsi que le journal le Droit (2) déclare « qu'aux termes du paragraphe 1er de l'article 9 de la loi du 3 mai 1844, modifié par la loi du 22 janvier 1874, ce n'est que lorsque la chasse est ouverte qu'il est permis de chasser à tir ou à courre suivant les distinctions établies par les arrêtés préfectoraux, et qu'il suit de là que la chasse se trouvant autorisée à courre par arrêté préfectoral jusqu'à telle date, la chasse devait nécessairement être ouverte jusqu'à cette époque, et que le marchand de gibier pouvait jusqu'à cette même date vendre toute espèce de gibier ».

La conséquence en serait nécessairement que pendant la chasse à courre, le colportage du gibier serait autorisé, sauf l'application du droit commun en matière de complicité pour le colportage du gibier tué avec une arme à feu.

Le troisième système, enfin, enseigne que tout colportage de gibier tué dans ce qu'on appelle la chasse à courre proprement dite serait autorisé comme conséquence de l'ouverture de ce mode de chasse ;

1. Numéro du 22 avril 1888. 2. Numéro du 21 avril 1888.

mais qu'il s'agirait seulement du colportage du gibier pris dans les véritables chasses à courre (1).

Deux décisions de justice sont intervenues sur la question, l'une du tribunal de Neufchâtel-en-Braye le 13 avril 1888 (-), l'autre du même tribunal le 24 mai 1889 (3).

Dans le premier jugement, il s'agissait d'une perdrix antérieurement blessée, prise à la main après la fermeture de la chasse à tir : le tribunal a acquitté, en déclarant que le colportage de tout gibier était permis jusqu'à la fermeture du dernier mode général de chasse (4).

Dans le second jugement, il s'agissait du colportage d'un gigot de chevreuil avant la clôture de la chasse à courre, mais après la clôture de la chasse à tir; le tribunal a acquitté en disant que c'était à la partie poursuivante à faire la preuve que le gibier colporté avait été tué irrégulièrement.

Mais il faut alors se demander comment les préfets doivent libeller leurs arrêtés, et puis voir comment en fait ils les formulent.

Les préfets opèrent de deux façons différentes, en matière de fermetures de chasse; les uns ferment la chasse en général, et puis exceptent la chasse à courre, ce qui ne peut s'entendre que de la chasse à courre proprement dite, ou chasse à cheval avec équipage (5); les autres ferment la chasse à tir, en laissant ouverte la chasse à courre (6).

D'autres préfets, tout en fermant la chasse à tir, ne laissent ouverte la chasse à courre que pour telles ou telles espèces de gibier, appliquant ainsi la loi du 16 février 1898 (7).

1. Chenu, Chasse et procès, p. 70; Leblond, no 50.

2. Pand. fr., 1888, 2, 241.

3. Droit, 11 juin 1889.

4. Dans l'espèce, l'arrêté préfectoral, en vertu duquel la chasse à courre était prolongée après la clôture de la chasse à tir, défendait le colportage du gibier après la clôture de la chasse à tir, ce qui n'importait pas, puisque les préfets n'ont rien à voir en matière de colportage du gibier. Aussi, est-ce à tort que les Pandectes françaises (1888, 2, 241) ont cru pouvoir combattre la décision intervenue en faisant état de la défense de colporter édictée par l'arrêté préfectoral.

5. Préfet de Maine-et-Loire (arr. de clôture du 20 janvier 1902); préfet de la Sarthe (arr. de clôture du 14 janvier 1903).

6. Préfet de la Marne (arr. de clôture du 10 janvier 1903), du Morbihan (14 jan vier 1903), de la Haute-Marne (14 janvier 1903), des Ardennes (7 janvier 1903).

7. Le préfet d'Indre-et-Loire, en fermant la chasse à tir le 25 janvier 1903, spécifie que la chasse à courre restera exceptionnellement ouverte jusqu'au 31 mars 1903 seulement pour les cerfs, biches, chevreuils, loups, renards et sangliers.

Le préfet de la Vendée, dans son arrêté de fermeture du 18 janvier 1902, après avoir spécifié que la chasse à tir serait close le 2 février et la chasse à courre le 30 mars, ajoute : « Après le 2 février 1902, nul ne pourra sans encourir les poursuites prescrites par la loi du 3 mai 1844, vendre, acheter, transporter ou colporter le gibier dont la chasse est interdite. »

Le préfet de la Vendée n'avait rien à édicter relativement au colportage du gibier, mais, comme il avait fermé la chasse à tir et que la chasse à aucun gibier n'était interdite, la conséquence en était bien que le colportage de tout gibier était autorisé jusqu'à la clôture de la chasse à courre.

La loi de 1844 prévoyait une seule clôture de chasse pour les deux modes généraux de chasse; la loi de 1874 autorise une clôture particulière pour chacun de ces modes généraux, et néglige d'en prévoir les conséquences au point de vue du colportage du gibier, qui est autorisé par l'article 4 pendant le temps où la chasse est ouverte, sauf bien entendu l'application du droit commun en matière de complicité relativement au colportage du gibier pris irrégulièrement.

Comment appliquer l'article 4, qui ne distingue pas, en présence de l'article 3, qui distingue? Tant qu'il y a un mode de chasse général permis, le colportage est autorisé, dit avec raison le journal le Droit. C'est là un des dangers d'improviser des lois, comme on l'a fait pour celle du 22 janvier 1874, et de modifier une disposition particulière d'une loi sans se préoccuper de faire concorder ce changement avec les autres dispositions de la loi que l'on modifie.

Comme l'a dit très justement, en 1898, la Revue forestière, la loi du 3 mai 1844 date d'une époque où l'on savait encore faire des lois générales.

Depuis la loi du 16 février 1898, il est de toute évidence que, quand un préfet ferme par anticipation la chasse au lièvre et à la perdrix par exemple, toute chasse à tir ou à courre du lièvre et de la perdrix est interdite, et conséquemment tout colportage (').

Il apparaît bien que le législateur de 1874 a commis une faute en ne faisant pas de la chasse à courre une chasse spéciale, ne s'ap

1. Le lièvre ne se chasse pas beaucoup courre, et c'est une fort sage mesure de fermer par anticipation toute chasse au lièvre dont la disparition s'ascentue chaque jour. (Voir Gazette des Tribunaux, 31 décembre 1904.)

pliquant qu'au gibier à poil d'abord, et même uniquement à la grosse bête, et devant être réglementée par les préfets dans leurs arrêtés permanents, non point en vertu de l'article 3, mais en vertu de l'article 9 de la loi de 1844; le colportage du gibier dont la chasse à courre eût été autorisée en eût été la conséquence, comme quand il s'agit des oiseaux de passage ou du gibier d'eau.

Ne devrait-il pas même en être ainsi de la chasse du lapin qui deviendrait une chasse spéciale pouvant être autorisée pendant une grande partie de l'année ?

On pourrait peut-être se demander si les préfets, en présence de la chasse à courre restant un mode de chasse général par suite d'une lacune dans la loi de 1874, peuvent la considérer et la réglementer comme une chasse spéciale. Quoi qu'il en soit, en présence de la loi telle qu'elle est, le mieux est sans contredit pour les préfets de fermer la chasse en général, et de laisser ouverte la chasse à courre à telle ou telle espèce de gibier pendant une période postérieure à la fermeture générale de la chasse, sans qu'ils aient à se préoccuper du colportage du gibier pris à courre, comme l'a fait à tort dans son arrêté précité le préfet de la Sarthe.

Ces dernières considérations nous paraissent devoir entrer en ligne de compte dans le projet d'ensemble des nombreuses modifications que l'on se propose d'apporter à la loi du 3 mai 1844, modifications qu'il importe avant tout de mettre en harmonie avec les différentes parties de la loi tout entière, et non point d'y implanter isolément, comme l'ont été les lois du 22 janvier 1874 et du 16 février 1898, lois toutes de circonstance, improvisées au lendemain de difficultés judiciaires, auxquelles chacune d'elles a voulu couper court en ne se préoccupant que d'une seule question.

G. SOUDÉE,

Avocat à la cour d'appel d'Angers.

(A suivre.)

OCCIDENT ET EXTRÊME-ORIENT

D'APRÈS UN LIVRE RÉCENT (')

(SUITE ET FIN [1].)

II

Forcément, la brève analyse qui précède ne peut donner qu'une notion bien incomplète de l'ensemble de faits et de réflexions qui composent l'ouvrage de M. Courant. Si maintenant nous cherchons à en dégager la pensée directrice, nous arriverons à reconnaître qu'elle consiste à peu près en ceci que l'Européen ne doit pas entreprendre de modifier les bases de la société en Chine, en Corée, au Siam, en Annam, ni dans les autres pays de l'Asie orientale. Cette opinion est exprimée à différentes reprises et sous différentes formes. Il convient ici encore de laisser parler l'auteur: « Les faits qui, depuis plus de deux millénaires, se sont accumulés pour former la civilisation chinoise, sont trop puissants par leur masse pour que, avec nos vues d'hommes qui jettent leurs regards à quinze ou vingt ans en avant, avec notre action intermittente contre celle de la société, qui est continue, avec nos forces européennes appuyées sur quelques points, missions, écoles, chantiers, tribunaux, laboratoires, nous puissions imaginer une pareille déviation (p. III). » Conclusion: appliquons nos efforts en dehors des principes sociaux essentiels. « Les éléments des sciences exactes, les applications techniques, une langue européenne comme instrument d'étude et de relations voilà, avec un dosage différent suivant l'âge et la position sociale, ce que l'on offre aux étudiants de l'Asie orientale, en mettant à part le Japon, que l'on peut à peine compter pour asiatique..... Malgré le succès peu satisfaisant de l'expérience, des théoriciens demandent..... pour les indigènes en général, l'instruc

1. Voir la livraison d'octobre 1905, p. 129.

REVUE D'ADMIN. TOME LXXXIV.

NOV. 1905

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