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absolument à ces échanges de vues, et le délégué répondra avec la plus grande réserve aux questions qui pourraient lui être posées.

S'il lui est interdit d'entrer en relations avec les évêques jureurs et apostats, il y en a un pourtant qu'il ne saurait se dispenser de voir et avec lequel il sera probablement forcé de traiter : l'évêque d'Autun. Refuser d'entrer en relations avec lui, ce serait le pousser à bout et indisposer le Premier consul. D'ailleurs, il vaut peut-être mieux traiter avec un évêque même apostat qu'avec un philosophe incrédule. Si l'évêque d'Autun a rompu avec les maximes et avec les lois de l'Église, du moins, il les connaît: elles sont restées dans son esprit, sinon dans son cœur, et il ne niera point qu'elles soient la base même de la religion. Il ne faudra pas discuter avec lui sur sa conduite privée, mais seulement sur les affaires générales de l'Église et, s'il parle de se réconcilier, lui déclarer que la chose regarde le Souverain Pontife seul.

Il y a beaucoup de prêtres et de laïques fidèles qui recourront au délégué. Il évitera de donner ombrage au gouvernement en en recevant un grand nombre à la fois, mais il ne sera pas assez timide pour les repousser. Un délégué du Saint-Siège doit s'inspirer de la paternelle charité du chef suprême de l'Eglise et porter secours à tant d'âmes qui, abandonnées de leurs pasteurs, recourront à lui dans leurs besoins spirituels 1.

Spina avait reçu des pouvoirs étendus pour l'absolution des cas réservés, la concession des chapelles privées et la réhabilitation des mariages. Il est impossible de se faire une idée du nombre et de la

Jusqu'à présent, le gouvernement français ne s'est pas plaint que le Saint-Père ait reconnu Louis XVIII. S'il continue à se taire, tant mieux; s'il se plaint, Mgr Spina pourra raconter franchement comment la chose s'est passée. Pendant que Pie VI était en France, Louis XVIII, en l'absence du Saint-Père, écrivit au cardinal doyen du sacré collège, à Padoue, pour lui faire part officiellement du mariage de sa nièce, Madame Royale, avec son cousin, le duc d'Angoulême. Le doyen, dans sa réponse, donna au prince le titre de « Roi très chrétien ». A la mort de Pie VI, quand il s'agit de faire part, le même cardinal, fidèle à ce précédent, engagea le Sacré Collège à écrire à Louis XVIII avec le même titre. Lorsque le nouveau Pape fut élu, et qu'il annonça son élévation aux souverains, il n'entrevit pas, au milieu des soucis et de l'accablement de cette première journée, la possibilité de révoquer la reconnaissance faite par le Sacré Collège et de laisser le prince de côté. Il lui écrivit donc aussi. Il n'y a pas à revenir sur ce fait et le Saint-Père ne le contestera jamais. D'ailleurs, le roi de Prusse, le tsar de Russie et l'Empereur ne reconnaissaient-ils pas le titre de roi à Stanislas, le feu roi de Pologne, qui était retiré à Grodno, comme Louis XVIII à Mittau? Mgr Spina se servira de ces renseignements et, à l'occasion, insinuera ces explications comme étant ses idées personnelles pour dissiper toute mauvaise impression.

II importe aussi que la négociation ne compro

variété des cas de conscience que Rome eut à traiter dès qu'elle put communiquer avec les fidèles de France. La casuistique du Concordat donnerait lieu à un travail très intéressant.

mette pas le Saint-Siège avec les puissances qui pourraient en prendre ombrage. Le marquis de Labrador, arrivé récemment à Rome, annonce que le gouvernement français donnera beaucoup d'éclat à la mission du délégué et songe à envoyer un ambassadeur à Rome. Cette démarche serait prématurée et il faut tâcher qu'elle soit différée.

Quoique toute l'activité du délégué doive être consacrée aux affaires spirituelles et qu'il n'ait pas qualité pour traiter du temporel, il ne manquera pas pourtant de renseigner le Premier consul sur la situation très malheureuse à laquelle la guerre a réduit l'Etat romain, et sur la modération dont le Saint-Père a usé envers ses sujets, dont aucun n'a été poursuivi pour ses opinions politiques. Le gouvernement pontifical manque d'argent et il est accablé de dettes, le peuple manque de pain, le pays est sillonné par des troupes qui l'épuisent, et le Pape gémit sur la perte des territoires qui lui sont nécessaires pour soutenir sa dignité. La paix que l'on annonce comme prochaine entre la maison d'Autriche et la France peut changer tout le système politique de l'Europe. Mgr Spina jugera dans sa prudence, de ce qu'il peut dire et faire dans l'intérêt du Saint-Siège. Qu'il écoute, qu'il voie, qu'il explore, qu'il insinue habilement! Ascolti, vegga, esplori e destramente insinui!

Pendant tout son séjour à Paris, Spina fit de son mieux pour conformer son attitude à ces directions prudentes, et sur deux points importants il fut bientôt dispensé des ménagements que lui prescrivait le cardinal Consalvi. Il s'aperçut, en effet, dès le mois

de décembre 1800, que Louis XVIII ne comptait. guère devant la diplomatie européenne, et le SaintSiège ne craignit plus d'offenser les puissances en traitant avec une république que le Saint-Empire reconnut solennellement au traité de Lunéville. « Dans ce bouleversement universel, écrivait l'archevêque de Corinthe, ce dont on parle le moins, c'est de la maison de Bourbon, et il ne paraît pas qu'aucune puissance songe à la rétablir sur le trône. On ne peut donc que prendre en pitié les menaces faites par le cardinal Maury. Si l'on conclut la paix même avec l'Empereur seul, ce sera pour nous un avantage, et Sa Sainteté sera encouragée à reconnaître le gouvernement français, ce qui est indispensable dans la conclusion d'un traité, même s'il ne regarde que les choses spirituelles'. »

Après toutes ces remarques générales, passons, suivant l'expression de Consalvi, « à la substance de l'affaire » 2.

Le Premier consul, par l'intermédiaire de Martiniana, avait beaucoup demandé, mais fort peu promis. Le Saint-Siège voulait la réciprocité de concessions qui est l'essence même d'une négociation diplomatique, et, avant de stipuler quoi que ce fût, il

« In questo generale sconvolgimento, il meno di cui si parla è della casa di Borbone; e non pare che alcuna potenza prenda ora parte per ristabilirla sul trono. In tal caso non possono che ascoltarsi con compassione le minaccie fatte dal Cardinale Maury. Convengo però che se si facesse una pace anco dal solo Imperatore sarebbe per noi un vantaggio, e sua Santità potrebbe con più coraggio riconoscere il governo francese, il che è indispensabile nella conclusione di un trattato, benchè non riguardi che cose spirituali. - Spina à Consalvi. Paris, 10 décembre 1800. * Premesse queste generali avvertenze si passa ora alla sostanza dell' affare.

avait besoin de savoir authentiquement quelle mesure de protection et de liberté le gouvernement français accorderait à l'Église. Ce que Spina était chargé de solliciter d'abord, c'était une protection efficace pour les catholiques et l'abolition des lois contraires à la religion. « La France est déchirée en cent factions opposées qui sont, pour la plupart incrédules et irréligieuses. Celles qui se disent tolérantes sont les plus intolérantes à l'égard du catholicisme, tandis que l'intolérance des catholiques se borne à ne pas communiquer avec les sectaires dans les choses sacrées et à ne pas les admettre aux sacrements. Leur doctrine n'enseigne que charité. Qui est catholique fuit l'erreur, mais ne hait pas celui qui se trompe, et il souffre la persécution sans se venger du persécuteur. C'est ce que démontre jusqu'à l'évidence l'histoire des premières années de la République. Les catholiques seraient donc exposés à la férocité de leurs ennemis si le gouvernement ne les prenait pas sous sa protection expresse et par un édit public. >>

De plus une partie de la législation française était dirigée contre la discipline de l'Église comme la loi sur le divorce, l'abolition des vœux et des corporations religieuses, la faculté du mariage donnée aux prêtres. Il faudra ou bien que ces lois soient abolies ou bien qu'elles ne soient pas obligatoires pour les catholiques et que les pasteurs puissent user de leur autorité pour empêcher les fidèles de profiter des libertés condamnées par la religion et autorisées par la loi civile.

Cette question se rattache à une autre plus géné

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