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tout récemment ses derniers chefs laïques convertis par Léon XIII, représenté seulement par une poignée de paysans dont les ancêtres ont obéi à un sentiment qu'il faut respecter jusque dans ses plus graves erreurs la fidélité au malheur et à l'exil.

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Propositions du Premier consul relatives aux biens d'Église qui étaient devenus biens nationaux. - Origine et raison d'être de la propriété ecclésiastique. Injustice et conséquences funestes de la spoliation. - Dispositions conciliantes de Rome. - Utilité d'une entente future. Un capitole bien gardé. Réduction du nombre des évêchés. Les petites villes épiscopales D'un excès à l'autre. Évêchés non concorda

d'autrefois.

taires.

La nomination aux évêchés.

Condition absolue mise par Rome au droit de patronage. La promesse de fidélité. Les quatre premiers projets. Le cinquième, œuvre du Premier consul, amène la reprise des relations diplomatiques avec Rome et la nomination de Cacault. La diplomatie française à Rome depuis un siècle.

La seconde note présentée à Spina par Bernier concernait les biens ecclésiastiques et développait une idée déjà exprimée par Bonaparte au cardinal Marti

niana.

« Paris, 24 brumaire an IX (12 novembre 1800).

« L'immensité des sacrifices que la France a faits pendant la Révolution est connue de toute l'Europe. Il n'est pas une classe, pas une portion de citoyens quelconques qui n'ait été frappée toutes ont subi cette nécessité, souvent fatale, qui fait des besoins. de l'État la première de toutes les lois, toutes ont

fait à la patrie l'offrande indispensable de leurs bras ou de leurs facultés.

« Dans ces moments de crise, il était impossible que le clergé français ne ressentit pas le malheur des circonstances et ne fût pas forcé par le torrent révolutionnaire à se soumettre à tous les sacrifices qu'elles lui commandaient. Ses biens immenses sont devenus l'hypothèque des créanciers de l'État. Les lois et la constitution l'en ont également privé. Cette expropriation, nécessitée par les besoins de l'État, est maintenant consommée. Ces biens ont passé des mains des possesseurs ou titulaires dans celles des acquéreurs. La loi donne à ceux-ci un titre et le gouvernement une garantie. Ce titre, cette garantie, reposent essentiellement sur la foi publique : vouloir les altérer ou les enfreindre, ce serait ouvrir la porte à de nouveaux troubles et appeler contre l'Église le mécontentement et la haine d'une partie des Fran

çais.

« Cette effrayante idée, Monseigneur, doit être la mesure du jugement que portera l'Église sur ces sortes d'acquisitions. La nécessité les commande, le besoin les exige, la loi de l'État les approuve, la constitution les garantit. Le bien de la paix, le repos de l'État, le rétablissement de la religion au milieu de nous, en un mot la réunion de la France avec l'Église de Rome dépendent essentiellement de la conservation de ces acquisitions. Ces motifs sont trop puissants pour ne pas faire sur l'esprit et le cœur de Sa Sainteté la plus vive impression.

« Nous lui proposons donc, par votre organe, Monseigneur, d'adopter, comme principe fondamen

tal de toute réunion, que les acquisitions des biens ecclésiastiques dits nationaux, seront maintenues et ratifiées par l'Église, au nom de laquelle le SaintSiège ordonnera, tant aux ecclésiastiques qu'aux fidèles, de ne troubler en aucune manière les possesseurs actuels de ces mêmes biens et de regarder l'acquisition qu'ils ez ont faite comme un titre legal. »

Pour comprendre l'étendue du sacrifice demandé à l'Église, il faut se rappeler quelques notions essentielles qu'ignorent la plupart des écrivains qui ont traité cette question et dont l'opinion peut se résumer ainsi Avant la Révolution, l'Église de France était fort riche, beaucoup plus qu'il ne fallait pour subvenir aux besoins du culte; cette richesse scandaleuse et mal répartie nuisait au pays, et l'Assemblée constituante a bien fait de la supprimer, en se chargeant de pourvoir à ce service du culte dont ces. richesses formaient la rétribution abusive. Tel est le lieu commun qui figure dans presque tous les manuels d'histoire. Cette manière de voir est trop sommaire pour être juste et il convient de la rectifier.

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Trois grands propriétaires âgés de plus de mille ans se partageaient les biens de l'Église en France : le couvent, le chapitre, la cure. Or le plus riche des trois n'était nullement chargé de pourvoir aux besoins du culte dans le sens où l'on entend ces mots, et la propriété monastique reposait sur un dogme qui la rendait, en principe, légitime et sacrée aux yeux des fidèles. Tous les catholiques, en effet, reconnaissent

'J'ai développé ces idées plus longuement dans un chapitre de mon livre sur l'Ancien Régime en Lorraine.

qu'ils appartiennent à une immense famille dont Jésus-Christ est le chef et dont les biens spirituels peuvent se communiquer d'un membre à l'autre. Ils croient à la vertu des intercessions mutuelles, des expiations de l'innocent pour le coupable et pensent que la prière du juste peut aller, jusqu'au delà de la tombe, soulager et délivrer les âmes qui n'ont pas été trouvées assez pures pour entrer immédiatement en possession de la récompense éternelle. Les rois, les grands seigneurs, les grandes dames et les bourgeois d'autrefois qui ont fondé des couvents, étaient donc convaincus qu'ils faisaient une œuvre méritoire, utile à eux-mêmes et à toute la société chrétienne, en élevant à Dieu des sanctuaires où sa louange retentirait nuit et jour, en assurant aux moines, par des donations, le loisir de la psalmodie sainte et des exercices spirituels, et en obtenant ainsi leur intercession pour cette vie et pour l'autre. Reposer après la mort sous les voûtes consacrées par tant de prières et de sacrifices était leur ambition suprême. Voilà pourquoi nous admirons encore tout un peuple de marbre et de bronze couché sur ces tombeaux qui intéressent à un si haut point notre art national et notre histoire.

Les ordres actifs et les congrégations récentes, surtout vouées à la charité, ont profité comme les contemplatifs de cette croyance au dogme de la communion des saints qui leur assure la persistante générosité des fidèles. C'est là un instinct profond de l'âme chrétienne qui inspirera toujours des donations pieuses et tendra à reformer le « milliard », longtemps après que le temps aura flétri les lauriers de ceux qui l'ont attaqué.

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