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plaine restera à l'Empire Ottoman, à condition qui si les Tures viennent à bout de détourner toutes les eaux de la Czerna, de manière à les conduire derrière & attenant le vieux Orsova, alors le vieux Orsova, devenu contigu à ladite plaine, sans y comprendre son territoire, appartiendra à la Porte Ottomanne, bien entendu qu'elle ne pourra jamais le fortifier. On accorde à la Porte Ottomanne, le terme d'une année pour détourner les eaux de la Czerna, après lequel terme expiré, elle perdra tous ses droits sur le vieux Orsova, qui restera à l'Empereur des Romains. Les fortifications de Méhadia, qui, suivant les limites qu'on vient d'établir, doivent appartenir à l'Empereur, scront incessamment démolies par les Turcs, & ne seront point rétablies à l'avenir par les Impériaux. Les fortifications le long du Danube & de la Save, dont la démolition a été stipulée, ne seront point rétablies par les Impériaux, à qui les lieux doivent appartenir.

VI. La démolition des places, qui a déja été commencé, ainsi qu'il en a été convenu dans les susdits articles, sera continuée sans interruption, pour être achevée le plutôt possible. En attendant, conformément à la permission spéciale qui a été donnée, le très-honoré Bacha, Séraskier de Romélie, avec cinq cents hommes seulement, sc tiendra dans l'endroit de la Ville de Belgrade, qui à été désigné; & suivant la stipulation expresse qui a été faite dans la conclusion des articles préliminaires, il ne sera permis qu'au seul Bacha, aux Officiers qui sont auprès de lui, & point à d'autres, de passer les barrières qui feront la séparation de leur quartier, si ce n'est après que toutes les fortifications de la Ville auront été démolies. La même règle s'observera pour la démolition du Château de Belgrade, que les Soldats Ottomans n'occuperont, que lorsque toutes les fortifications qui doivent être détruites, seront renversées & évacuées.

"Et, comme de part & d'autre, il a été statué, qu'à compter du jour de la signature des Préliminaires, toutes les hostilités cesseront ainsi que les contributions, il est nécessaire qu'on envoye des ordres, s'ils n'ont pas déjà été envoyés, pour que tous les Esclaves faits depuis le jour de ladite signature, soient rendus sans rançon. Les troupes Ottomannes qui sont répandues dans le Bannat de Témeswar, excepté celles qui seront employées à la démolition de Méhadia, en sortiront incessamment; & ces dernières partiront immédiatement après la démolition faite, en évitant, les unes & les autres, de faire aucun tort ou insulte aux sujets de Sa Majesté Impériale."

VII. Dans les endroits où les rives du Danube & de la Save sont, d'une côté, à l'Empereur des Romains, & de l'autre, à la Porte Ottomanne, le cours des eaux sera commun aux deux nations, soit pour toutes sortes des pêches, soit pour l'abreuvement des bestiaux & autres usages nécessaires, pourvu cependant que les sujets respectifs qui iront à la pêche, ne passent pas la moitié du fleuve. Les moulins,

où ils ne pourront pas nuire à la navigation, seront placés du consentement mutuel des Gouverneurs des lieux. Pour la commodité commune, il sera libre aux sujets des deux nations, de remorquer leurs bateaux contre le courant sur la rive opposée, sans opposition & sans frais, lorsqu'ils ne pourront le faire sur la rive qui leur appartient. Et si, dans les lits du Danube & de la Save, il vient à se former des Isles, ou s'il y en a de toutes formées, elles appartiendront à celle des Parties contractantes dont elles avoisineront davantage la rive; ce qui sera mesuré par les Commissaires nommés conformément à l'Article ci-après pour le Règlement des limites, dans le terme qui y est stipulé. Et pour l'habitation commode des Habitans, il leur sera permis de part & d'autre de bâtir des Villages dans les derniers confins, partout où ils voudront, sans empêchement & sans exception quelconques.

VIII. Tous les Boyars ou autres de condition inférieure, Valaques ou Moldaves, ou autres sujets de l'Empire Ottoman, de quelque grade et dignité qu'ils soient, qui pendant la guerre ont pris parti pour l'Empereur des Romains, en vertu de cette paix et du parfait oubli du passé qui y est stipulé, pourront retourner s'ils veulent dans leurs maisons, y demeurer & jouir paisiblement comme tous autres de leurs habitations, biens & terres. Il sera également accordé une générale Amnistie à tous les sujets de part & d'autre, qui pendant la guerre se sont retirés de l'obéissance de leur Souverain légitime, pour passer dans le parti opposé; il leur sera permis de retourner dans leurs anciennes demeures. Principalement les sujets de la Servie & du Bannat, qui pendant la guerre ont suivi le parti, ou de l'Empereur des Romains ou de la Porte Ottomanne, seront affranchis de toute peine, & pour la vie & pour les biens.

IX. Tous les priviléges qui ont été accordés pour les Religieux & pour l'exercice de la Religion Chrétienne selon le Rit de l'Eglise Catholique Romaine, par les Prédécesseurs du très-glorieux Empereur des Romains dans ses Royaumes, soit par les précédentes Capitulations sacrées, soit par d'autres signes Impériaux, soit par Edits et Mandements spéciaux, tant avant la paix de Passarowitz que depuis, tous ces priviléges, & spécialement ceux qui, à la réquisition du trèsauguste Empereur des Romains, ont été accordés aux Religieux de l'ordre de la Très-Sainte Trinité de la Rédemption des Captifs, le Sérénissime Empereur des Ottomans les confirmera, pour être observés à l'avenir, en sorte que les susdits Religieux puissent librement réparer & rétablir leurs Eglises, exercer leurs fonctions anciennement accoutumées, & qu'il ne soit permis à personne contre les susdites Capitulations & Loix, de molester, ou par insulte ou par exaction d'argent, lesdits Religieux & autres, de quelque Ordre & condition qu'ils soient; mais qu'ils jouissent de la protection Impériale accoutumée. De plus il sera permis à l'Ambassadeur du très-auguste &

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très-puissant Empereur des Romains près la Porte Ottomanne, d'exposer ce qui lui sera commis par rapport à la Religion, & aux lieux que les Chrétiens visitent dans la Sainte Cité de Jérusalem & dans les autres endroits où lesdits Religieux ont des Eglises, & de faire à cet égard toutes les instances convenables.

X. Les Esclaves publics faits de part & d'autre, pendant cette guerre & la précédente, & qui sont encore détenus dans les prisons publiques, en considération de cette paix, pourront espérer leur délivrance, & ne pourront plus long-temps être laissés dans les misères de la captivité, sans lésion de la clémence impériale, de la générosité et des bonnes coutumes; mais suivant l'usage ancien, tous ces Captifs, à compter du jour de ce traité, seront de part & d'autre remis en liberté dans l'espace de deux mois. Pour les autres qui sont au pouvoir des Particuliers ou des Tartares, il leur sera libre, pourvu qu'ils professent la Religion Chrétienne, d'obtenir leur liberté moyennant une rançon honnête & médiocre autant que faire se pourra. Que si on ne peut faire une honnête convention avec le maître du Captif, les Juges des lieux feront la composition; que si on ne peut y parvenir encore par cette voie, les Captifs seront délivrés en prouvant par témoignage ou par serment qu'ils ont payé leur rançon ; & les maîtres du Captif ne pourront s'opposer à son rachat par avidité d'un plus grand gain.

Lorsque l'Ambassadeur de la Porte, qui doit être envoyé à la Cour de Sa Majesté Impériale, voudra s'employer à la délivrance des Captifs Ottomans, les Ministres & les Officiers de l'Empereur des Romains le seconderont, pourvu que ces Captifs persistent dans la Religion Mahométane; & si, de la part de l'Empire Ottoman, on n'envoyait personne, soit avant, soit après ladite ambassade, pour racheter les Captifs, il sera de la probité des Gouverneurs Impériaux, de contraindre les maîtres à relâcher les Captifs Ottomans, d'après la preuve que leur rançon a été payée, & de les faire conduire sur les frontières: & afin que cette sainte œuvre soit effectuée de part & d'autre avec une égale piété, jusqu'à ce que les Captifs soient respectivement délivrés en la manière ci-dessus, il sera employé de bons offices réciproques, pour que ces malheureux soient traités avec humanité.

XI. Les Marchands des deux nations exerceront librement, sûrement & paisiblement le Commerce, dans les Etats des deux Empires. L'entrée & la sortie libre dans les Royaumes & Provinces de l'Empire Ottoman, sera accordée à tous les Sujets & Marchands, Sujets des Provinces soumises à l'Empereur des Romains, de quelque nation qu'ils soient, par terre & par mer sur leurs propres vaisseaux; à la manière usitée jusqu'à présent, avec le pavillon et les LettresPatentes de Sa Majesté Impériale. L'achat et la vente leur sera

libre, en payant les droits qu'on a payés jusqu'à présent: il ne seront point molestés, mais au contraire protégés, en sorte que la faveur dont ont joui jusqu'à présent dans les Etats de l'Empire Ottoman, les autres Chrétiens exempts de tribut, les nations même les plus amies, & principalement les François, les Anglois & les Hollandois, soit censée accordée aux Marchands Sujets de l'Empereur des Romains, afin qu'ils puissent jouir des mêmes sûretés & avantages. De même les Sujets & Marchands de l'Empire Ottoman, lorsqu'ils entreront sur les terres du très-auguste Empereur des Romains ne seront pas traités d'une manière différente; & lorsqu'ils y exerceront le Commerce, ils seront constamment protégés & défendus.

Il sera sérieusement enjoint aux Algériens, aux Tunitiens & aux Tripolitains & autres à qui il est nécessaire de l'ordonner, de ne contrevenir désormais en aucune manière aux conditions de paix & aux Capitulations faites séparément.

Les Dulcignotes sur la mer Adriatique, seront également réprimés, ainsi que tous les autres Sujets de l'Empire Ottoman, afin que désormais il s'abstiennent de la Piraterie, d'infester les vaisseaux Marchands & de leur causer du dommage. On leur ôtera leurs barques, frégates & autres navires, & on les empêchera d'en construire d'autres; de manière que toutes les fois que ces brigands auront contrevenu de quelque façon que ce soit aux Capitulations de paix, après les avoir obligés de restituer les prises, de réparer le dommage & de rendre les Captifs, ils soient sévèrement punis, suivant la plus grande rigueur des Loix.

XII. Quant au Commerce de Perse, il a été convenu qu'il sera permis aux Sujets de l'Empereur des Romains, en payant les droits mentionnés dans l'article précédent, d'aller par le Danube & les Etats du Grand-Seigneur, exercer le Commerce en Perse. De même les Marchands Persans, soient qu'ils viennent des Etats de l'Empereur des Romains en Turquie, soient qu'ils passent par la Turquie dans les Etats dudit Empereur des Romains, ne pourront, sans aucun prétexte, être assujettis qu'au seul droit de cinq pour cent, & à l'imposition qu'on nomme Vestie.

XIII. Quoique la présente paix ait été conclue de bon accord, suivant les conditions ci-dessus, cependant, afin que tout ce qui a été promis & accepté concernant les limites, ait son entier effet, il sera nommé de part & d'autre, dans l'espace d'un mois, des Commissaires experts, fidèles & pacifiques: lesquels avec un cortège convenable & tranquille, s'assembleront dans un lieu commode à leur choix, pour, le plutôt que faire se pourra, distinguer & déterminer par des bornes & signes manifestes, les limites désignées dans les Articles précédents, & faire exécuter promptement & soigneusement ce qui a été stipulé de part & d'autre.

XIV. Les limites déterminées par les Commissaires, en conséquence du présent traité, seront, de part & d'autre, saintement et religieusement respectées, ensorte que, sans aucun motif ou prétexte, on ne puisse les étendre, les transporter, les changer; & qu'il ne soit permis à aucune des Parties contractantes, d'exercer ou prétendre aucune jurisdiction ou pouvoir sur le territoire de l'autre, au delà des limites marquées, ou d'obliger les Sujets de l'autre partie à des Actes d'obéissance, à payer aucun tribut quelconque pour le passé ou dans l'avenir, ou les soumettre à toute autre espèce de vexation qu'on pourrait imaginer; mais que toute altercation cesse réciproquement.

XV. Pour éviter toutes les disputes, différends & discordes qui pourroient naître dans la suite, sur les objets concernant les limites, là où il sera besoin d'y remédier, on choisira promptement sur les confins respectifs, des Commissaires en nombre égal, qui ne seront point gens difficultueux, mais graves, honnêtes, prudents, experts & pacifiques. Ils s'assembleront dans un lieu convenable, sans armée, avec une égale suite de personnes pacifiques. Ils écouteront toutes &

chacunes des contestations, les discuteront, les décideront & les accommoderont à l'amiable. Ils établiront en un mot un tel ordre que chaque partie, sans tergiversation ou prétexte, contienne ses Sujets & les oblige sous les plus grièves peines à observer la paix sincèrement & constamment. Que si les contestations étoient de nature à ne pouvoir être terminées par les Commissaires, on en rendra compte aux deux très-puissants Empereurs, afin qu'ils puissent trouver des expédients pour applanir les difficultés & faire cesser les disputes; de manière que ces sortes de contestations soient terminées, autant que faire se pourra, dans un très-court espace de temps; & que l'accommodement ne soit en aucune façon négligé ou tiré en longueur. Et comme dans les précédentes Capitulations, les duels & les mutuelles provocations au combat ont été défendus, à l'avenir ils le seront pareillement; et ceux qui oseront en venir à quelque combat singulier, seront sévèrement châtiés, comme transgresseurs de la paix.

XVI. Les incursions et invasions hostiles, & toute insulte faite clandestinement ou à découvert, les dévastations & dépopulations du territoire de l'un & l'autre Empire, seront expressément et sévèrement défendues. Les transgresseurs du présent Article, quelque part qu'on les prenne, seront aussitôt mis en prison, & punis sans remission selon la gravité du délit, par le Juge du lieu où ils auront été arrêtés. Les choses enlevées seront recherchées avec diligence; & si on les retrouve, ells seront rendues avec toute sorte d'équité à ceux à qui elles appartenoient. Les Capitaines, les Commandants & Gouverneurs des deux parties, auront ordre d'administrer la justice à cet égard sans

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