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nouvel adversaire de la loi demande modestement à présenter quelques observations. M. de Rozière sort d'une grave maladie; le Sénat l'estime, il aime à l'entendre. Quelle bonne voix, d'ailleurs! quelle excellente diction!

La lecture de ce discours fort habile, savamment élaboré dans le silence du cabinet, a été écoutée avec autant de plaisir qu'une conférence de M. Legouvé. Les arguments ne sont pas très neufs, ni très probants; quelques-uns ressemblent même à de petites chicanes de légiste; mais ils sont présentés de façon à inquiéter les hésitants, à affaiblir la portée du projet. Qu'est-ce que ce projet? Ce n'est ni plus ni moins que la reproduction du décret de 1885, sauf sur un point important: la personnalité civile; mais cette personnalité est plus utile aux Facultés, qui la possèdent déjà, qu'elle nc le sera aux futures Universités; et pourquoi la refuser à un groupe de deux, de trois écoles, et ne l'accorder qu'à l'ensemble de quatre Facultés? On parle de rattacher aux Universités d'autres écoles: veut-on porter atteinte à l'autonomie administrative et scientifique de l'École centrale, du Collège de France, du Muséum? L'orateur semble horripilé par un passage du discours de M. Bourgeois, qui avait, dans une certaine mesure, fait honneur à Fustel de Cou

langes de l'introduction de la méthode historique dans l'étude du droit. C'est, selon lui, méconnaître les titres et les services de Laboulaye, de Pardessus et de Giraud, le propre beau-père de M. de Rozière. Est-ce à cette question de détail, assez étrangère au débat, que nous devons l'intervention un peu inattendue du sénateur de la Lozère? Toujours estil que le Sénat a fait une ovation à cet homme excellent, et lorsque, à la fin de son discours, dans une péroraison pathétique, malheureusement omise à l'Officiel, il a affirmé son dévouement à ces nobles études qui ont préservé jadis sa jeunesse des séductions de la capitale, les applaudissements ont éclaté de toutes parts. Un moment le projet de loi a paru immolé à tant de vertu!

Le lendemain, M. Bourgeois n'a pas eu de peine à dissiper les inquiétudes éveillées au sujet de ces écoles spéciales que le projet n'a jamais visées. Il s'est, d'ailleurs, montré disposé à accorder, non pas le titre d'Université, mais la personnalité civile à tous les groupes de Facultés. La clôture de la discussion générale a été prononcée, et M. Bernard, de Besançon, a proposé de substituer au projet un texte nouveau en deux articles que nous reproduisons plus loin. Sur la demande de M. Jules Simon, le Sénat, sans se prononcer sur la proposition, l'a

renvoyée à la commission des Universités, qui désire l'examiner dans un esprit de conciliation. Les choses en sont là depuis un mois, et nous croyons devoir, en l'absence de renseignements précis, nous abstenir de plus amples commentaires. Nous ne voulons pas désespérer du succès final du projet de loi. Nous avons confiance dans l'énergique persévérance du ministre éminent de l'instruction publique et dans le patriotisme éclairé du Sénat, qui saura faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers. Ce serait une singulière contradiction, de la part de cette assemblée, qui a toujours affirmé les droits de l'État, que d'énerver dans le domaine de notre haut enseignement sa vivifiante et indispensable action1.

1. Le projet de loi est encore en suspens, mais un pas important a été fait. L'article 72 de la loi de finances (budget de 1893) est ainsi conçu : « Le corps formé par la réunion de plusieurs Facultés de l'État dans le même ressort académique est investi de la personnalité civile. Il est représenté par le Conseil général des Facultés. Il sera soumis, en ce qui concerne ses recettes, ses dépenses et sa comptabilité, aux prescriptions qui seront déterminées par un règlement d'administration publique... » Voir sur la portée de ce vote le bel article de M. Liard: « Les Universités françaises »>, Revue internationale de l'Enseignement, no du 15 mai 1893.

Depuis, le gouvernement a déposé et fait adopter à une très forte majorité dans les deux Chambres un nouveau projet sur la constitution des universités. En voici le texte, qui a été promulgué le 10 juillet 1896:

PROJET DE LOI

ARTICLE PREMIER. Les Corps de Facultés institués par la loi

du 28 avril 1893 prennent le nom d'Universités.

ART. 2.

Le Conseil général des Facultés prend le nom de Conseil de l'Université.

ART. 3. Le Conseil de l'Université est substitué au Conseil académique dans le jugement des affaires contentieuses et disciplinaires relatives à l'enseignement supérieur public.

ART. 4. A dater du 1er janvier 1898, il sera fait recette au budget de chaque Université des droits d'études, d'inscription, de bibliothèque et de travaux pratiques acquittés par les étudiantsconformément aux règlements.

Les ressources provenant de ces recettes ne pourront être affectées qu'aux objets suivants : dépenses des laboratoires, bibliothèques et collections; construction et entretien des bâtiments; création de nouveaux enseignements; œuvres dans l'intérêt des étudiants.

Les droits d'examen, de certificat d'aptitude, de diplôme ou de visa acquittés par les aspirants aux grades et titres prévus par les lois ainsi que les droits de dispense et d'équivalence continueront d'être perçus au profit du Trésor.

L'INSTRUCTION PUBLIQUE

SOUS L'ANCIEN RÉGIME

A PROPOS D'UN LIVRE DE M. ALLAIN

J'ai toujours eu plaisir à signaler les travaux de M. l'abbé Allain; sur bien des points je me trouve très éloigné de lui et comme à l'autre pôle; mais je rends volontiers hommage à sa grande érudition, à sa parfaite bonne foi, au ton constamment courtois de sa polémique, à son désir sincère de voir toute la vérité, de mettre chaque chose à sa place et d'accorder à chacun ce qui lui est dû. S'il reste par profession, peut-être plus que par goût et inclination naturelle, un homme de parti, c'est à coup sûr un homme d'esprit, et avec qui l'on aime à

converser.

Les mêmes qualités qui m'ont séduit dans ses écrits antérieurs, je les retrouve dans son nouveau livre l'OEuvre scolaire de la Révolution1. Après

1. L'OEuvre scolaire de la Révolution, 1789-1802. Études critiques

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