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Le klepfish est de beaucoup le produit le plus important des pêches norvégiennes. L'exportation totale de la Norvège a été en moyenne, pendant ces dix dernières années, de 367,000 quintaux métriques, et s'est élevée, pendant les cinq dernières années, à 434,000 quintaux métriques. Mais l'exportation norvégienne en France n'a été, en moyenne, que de 780 quintaux métriques, et il est probable que ce n'a été qu'un transit.

M. BROCH présente un tableau des prix de cet article sur le marché de Bergen, principal lieu d'exportation de ce produit, pendant les dix-sept dernières années. (Voir Annexe C.) Le prix y a varié entre 33 francs et 55 francs par quintal métrique; la moyenne a donc été de 44 fr. 20 cent. par quintal. Pour frais de transport et d'assurance, il faut ajouter, en moyenne, pour les ports de la Manche et ceux de l'Atlantique, 7 fr. 80 cent., et, pour les ports de la Méditerranée, 9 fr. 30 cent. par quintal métrique; ce qui porte le prix moyen, dans les ports de la Manche et de l'Atlantique, à 52 francs, et, dans les ports de la Méditerranée, à 53 fr. 50 cent. par 100 kilogrammes. A cela il faut encore ajouter les frais de commissions, etc.

Le droit de douane sur le klepfish, 48 francs par 100 kilogrammes, est donc, en moyenne, de plus de 90 p. o/o de la valeur dans les ports de la France. Quelquefois il s'est élevé à 120 p. 0/0.

Ce ne sont pas là des droits de douane ni des impôts, c'est la probibition, à l'entrée en France, d'un produit alimentaire offert par les producteurs norvégiens.

M. BROCH Connaît bien le raisonnement que l'on met en avant pour la protection des pêcheries françaises de la morue à Terre-Neuve et en Islande. Ces pêcheries sont, dit-on, comme la pépinière de la marine militaire, et l'on considère les fortes subventions qu'on leur accorde comme absolument nécessaires pour le maintien de l'inscription maritime.

M. BROCH croit que ce raisonnement est très contestable. Il ne pense pas que ces pêcheries, auxquelles ne prennent part que 11,000 à 12,000 hommes, soient la pépinière de la marine française, qui se forme plutôt dans la pêche côtière à laquelle sont employés 72,000 hommes.

Le cas est exactement le même en Norvège, et la marine de ce pays ne se recrute pas parmi les pêcheurs de morue, qui, rarement, deviennent des matelots; mais bien parmi les pêcheurs des côtes du Skager-Rak, qui fournissent à leur patrie un contingent de 60,000 marins.

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En outre, le klepfish de la Norvège, même sans aucun droit de douane, n'est pas du tout meilleur marché que le klepfish français d'Islande, et il dépasse toujours le prix de celui que l'on pêche à Terre-Neuve.

M. BROCH a trouvé dernièrement, dans le Journal officiel du 12 septembre, des notices précieuses sur la pêche française de la morue à Terre-Neuve et

CONF. FRANCO-SUÉDOISE ET NOrvégienne.

en Islande. D'après ce document officiel, le prix moyen par 100 kilogrammes

a été, en 1879:

Pour le klepfish de Terre-Neuve, de..

Pour le klepfish d'Islande, de....

37f84c 49 36

Le prix du klepfish de Norvège livré dans les ports de l'Atlantique, revient à 47 fr. 10 cent., et, livré dans les ports de la Méditerranée, à 48 fr. 60 cent., sans commissions, etc., et sans les droits de douane.

En 1880, les prix ont été :

Pour le klepfish de Terre-Neuve, de..

Pour le klepfish d'Islande, de...

Le prix du klepfish de Norvège étant, livré dans

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35 00

40 70

40 82

42 32

de même sans tenir compte des frais de commissions, etc., et sans les droits de douane.

ports

Pendant ces deux années, les prix étaient extraordinairement bas. Le prix actuel, celui de 1881, sera, pour le klepfish de Norvège livré dans les de la Manche ou de l'Atlantique, de 62 francs par quintal métrique; et pour le klepfish français d'Islande, d'après des renseignements que M. BROCH a pu recueillir, à peu près le même.

C'est encore une preuve qu'à conditions égales, le klepfish de Norvège ne peut pas, en général, être livré à un prix plus bas celui d'Islande, et que que ce dernier lui fait une grande concurrence dans les ports d'Espagne, le principal marché pour le klepfish norvégien.

Avec un droit de douane de 10 francs par quintal métrique, à l'entrée du klepfish en France, les exportateurs norvégiens ne pourront jamais, pour ce qui concerne le prix, concourir avec le klepfish d'Islande, et encore moins avec celui de Terre-Neuve.

De plus, ces derniers klepfishs ont le grand avantage d'avoir un marché déjà acquis par un droit prohibitif séculaire.

Le droit de douane de 10 francs par quintal métrique serait, en moyenne, de 20 p. 0/0 de la valeur; ce qui, en réalité, est encore un impôt extrêmement élevé sur un article alimentaire de consommation ordinaire.

C'est uniquement sur les qualités du klepfish norvégien que l'on peut fonder l'espérance de le voir entrer en France; grâce, en effet, au mode de préparation qu'il reçoit, il se conserve mieux que tout autre. Dans les îles de Lofoden, où se font pendant l'hiver, de janvier à avril, les grandes pêches de la morue, après avoir habillé, le poisson, comme on le dit, c'est-à-dire après lui avoir coupé la tête et ôté les entrailles, on le fait « klepper (d'où le nom de klepfish), c'està-dire fendre et saler légèrement. Immédiatement après, les acheteurs le trans

D

portent dans des sécheries installées à l'intérieur des fjords profonds, où l'air est beaucoup plus sec.

a

L'air plus humide de la mer a déjà, avant d'entrer dans ces fjords, déposé une grande partie de son humidité sur les hautes montagnes des îles et des promontoires qui les protègent. En outre, les courants d'air venant du nord et du nord-est de la mer Arctique déposent leur humidité sur la chaîne de montagnes « le Kjolen » qui sépare la Suède de la Norvège et arrivent alors au fond des fjords, à l'état de siccité parfaite. On se sert toujours du sel de première qualité, et la morue, pendant la préparation ultérieure, est plus serrée que celle de Terre-Neuve et d'Islande. C'est à cause du climat plus sec, dans lequel elle est préparée, qu'elle peut se conserver mieux sous le climat élevé de l'intérieur de l'Espagne et dans les zones tropicales. Les Antilles et le Brésil consomment à peu près 1/8 de l'exportation totale de cet article.

C'est sur cette qualité, et non sur le prix nécessairement beaucoup plus élevé que celui de la morue d'Islande et de Terre-Neuve, que M. BROCH fonde l'espoir de voir peu à peu un marché se créer à l'intérieur de la France, où le climat est plus sec, et dans les petites villes et villages où la vente en détail se fait lentement, et où il faut par conséquent un article qui peut facilement se conserver. Dans les pays où l'on n'a pas besoin de le garder longtemps, le klepfish moins sec, tel qu'on le prépare en France, sera toujours préféré. L'importation norvégienne ne se fera donc que dans les parties de la France où le débit de cet article se fait plus lentement; elle fournira aux classes rurales une alimentation saine et de bonne qualité, mais malheureusement encore à 10 francs par quintal, grevée par des droits de douane très élevés. Ce marché nouveau ne sera certainement ouvert que lentement et après beaucoup de sacrifices, de la part des exportateurs norvégiens; avec un droit plus élevé que celui de 10 francs par quintal, ou 20 p. o/o de la valeur sur la place de l'importation, on ne peut même pas songer à se faire un marché.

On ne pourra objecter à M. BROCH que ce droit de 10 francs profitera sans doute à la morue anglaise de Terre-Neuve.

Ce klepfish n'ayant aucune qualité supérieure à celui pêché par les Français ne pourrait pas du tout, avec un droit de 25 p. o/o sur la valeur, concourir avec la morue française de Terre-Neuve et d'Islande.

M. BROCH a déjà, dans la première Conférence, exprimé l'opinion que la consommation des vins français augmenterait beaucoup en Norvège, si l'on admettait en France les produits de ses pêcheries. Sur les côtes d'ouest de la Norvège, on n'a guère autre chose à exporter. L'exportation du klepfish se fait surtout en Espagne et en Portugal, et, à cause de cela, les relations avec ces deux pays étant très développées, on importe dans les villes de l'ouest et dans la partie septentrionale de la Norvège, par préférence, des vins d'Espagne

et de Porto, tandis que les vins français sont surtout consommés dans les villes sur le Skager-Rak, d'où se fait l'exportation des bois.

Les pêcheries de Norvège ont été assez abondantes ces dernières années, et il en est résulté un accroissement de l'importation de l'Espagne et du Portugal; le commerce des bois, au contraire, a souffert beaucoup pendant ces mêmes années, et bien que la consommation des vins français ait augmenté, celle des vins d'Espagne et celle des vins de Porto ont augmenté dans de plus grandes proportions. M. BROCH donne, pour le prouver, les chiffres suivants : L'importation en Norvège des vins français, qui, dans les années 1863-1864, ne s'élevait qu'à 2,200 hectolitres, s'est élevée à 3,650 hectolitres, dans la période quinquennale de 1875-1879, ce qui accuse une augmentation de p. o/o; tandis que l'importation d'autres vins, presque en totalité des vins d'Espagne et des vins de Porto, la consommation des vins du Rhin et des autres pays étant très petite, s'est élevée de 5,000 hectolitres, en 1863-1864, à 12,500 hectolitres pendant la période quinquennale de 1875-1879; il y a donc eu une augmentation de 150 p. 00.

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M. MARIE reconnaît l'élévation du taux de 48 francs qui frappe la morue étrangère. Mais le système français d'encouragement aux grandes pêches a été établi sciemment, et il est impossible d'y laisser porter aucune atteinte stipulations conventionnelles.

par des

M. BROCH pense que, avec le droit de 10 francs, le même résultat serait obtenu.

La suite de la discussion est renvoyée au mercredi 12 octobre, à deux heures.

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ANNEXE A.

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