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M. AMBAUD donne l'assurance que les mêmes sentiments guideront la Commission française dans l'accomplissement de la tâche qui lui a été confiée.

M. MARIANI, au nom de ses Collègues et au sien, prie M. Sibbern de vouloir bien accepter la présidence de la Commission. Les Commissaires français seraient heureux que M. le Ministre de Suède et de Norvège, dont l'expérience et le caractère conciliant sont hautement appréciés en France, consentît à prendre la direction de leurs travaux.

M. SIBBERN exprime à MM. les Commissaires français ses vifs remerciements pour l'honneur qu'ils veulent bien faire au Représentant du Roi; il leur donne l'assurance qu'en acceptant cette honorable mission, il apportera l'esprit de conciliation auquel on fait appel; et, dans les termes si aimables employés à son égard, il est heureux de puiser l'espoir que MM. les Commissaires français voudront bien lui conserver la confiance et la bienveillance qu'il se permet de réclamer de leur part.

La Commission se constitue sous la présidence de M. le Ministre de Suède et de Norvège.

M. LE PRÉSIDENT se déclare tout disposé à se mettre immédiatement à l'œuvre : il croit que la voie tout indiquée consiste à demander aux Représentants de la Puissance invitante de vouloir bien exposer leurs vues et formuler les propositions du Gouvernement français.

La Commission adopte cet ordre pour la marche de ses travaux.

M. AMBAUD déclare alors que la France offre aux Royaumes-Unis le traitement de la nation la plus favorisée ; mais qu'en échange elle demandera des concessions. Si les exportations de Suède et de Norvège en France ont pu prendre, depuis 1865, un développement considérable, il n'en a pas été de même des exportations de la France pour la presqu'île scandinave, exportations qui n'ont pu dépasser des chiffres extrêmement faibles. Il serait à désirer que les produits français rencontrassent dans les Royaumes-Unis, grâce à un régime meilleur, un marché plus étendu.

M. MARIE fait alors un exposé des avantages que notre nouveau tarif offre aux produits de la Suède et de la Norvège. Les bois communs, le plus grand article de l'exportation des deux royaumes, continuent à entrer en franchise en France.

M. LE PRÉSIDENT fait remarquer que les bois ouvrés ne jouissent plus de la même faveur et qu'il aura, de ce chef, des demandes à présenter.

M. MARIE pense que les observations de M. Sibbern s'appliquent principalement aux frises à parquet, rainées et bouvetées, qui, par suite d'une erreur d'interprétation, avaient été assimilées aux bois simplement sciés et, à ce titre, admises en franchise, tandis qu'elles rentrent réellement dans la classe des ouvrages en bois. Mais c'est là un point qui sera ultérieurement examiné.

M. MARIE énumère ensuite une série d'articles que le commerce suédois et norvégien importe en France en grande quantité et qui continueront à entrer en franchise; tels sont : l'avoine, les pâtes de bois, les peaux brutes, les cuivres de première fusion, etc. Quant aux fontes, fers et aciers, des réserves seront sans doute formulées, comme pour les bois ouvrés, par MM: les Commissaires des Royaumes-Unis. Ces avantages, concédés par le traité du 14 février 1865, n'ont été sans profit ni pour la Suède, qui a vu ses exportations s'élever d'une moyenne annuelle de 21 millions de francs dans la période 1857-1866 à 85 millions de francs en 1879, ni pour la Norvège, dont les ventes en France ont également mais plus lentement progressé. Pendant ce temps, les envois de la France atteignaient à peine une plus-value de 4 millions, arrivant en 1879, pour l'ensemble des deux royaumes, à un total de 11 millions.

La Commission française croit donc avoir le droit de réclamer quelques concessions qui pourraient être ainsi formulées :

En principe, toutes les taxations plus libérales inscrites aujourd'hui aux tarifs généraux suédois et norvégien et inférieures aux droits du tarif conventionnel actuel seraient insérées dans le nouveau tarif conventionnel.

En second lieu, tandis que la France offre aux Royaumes-Unis un seul et même tarif de faveur, la Suède et la Norvège nous offrent chacune un tarif particulier; entre ces deux tarifs existent des écarts considérables: il serait à souhaiter que, ces différences s'effaçant, les deux tarifs tendissent à s'unifier, en se rapprochant de la taxation la plus faible.

M. LE PRÉSIDENT fait remarquer que ces deux tarifs sont complètement indépendants l'un de l'autre.

M. MARIANI reconnaît parfaitement l'indépendance des deux tarifs, mais il n'en désire pas moins l'unification par l'action législative des deux pays, en ce qui concerne les articles qui seraient repris aux tarifs conventionnels des Royaumes-Unis.

Ces deux demandes générales indiquées, M. MARIE passe à l'examen des

taxes douanières norvégiennes et suédoises qui grèvent le plus les articles français et qu'il conviendrait de diminuer.

Les plumes de parure, qui ont à supporter par 100 kilogrammes une taxe, en Norvège de 500 francs, en Suède de 972 fr. 22 cent., ne doivent rapporter que bien peu au Trésor des Royaumes-Unis. Aucun intérêt fiscal à sauvegarder, aucune industrie nationale à protéger n'empêcherait que ces droits ne fussent unifiés et ramenés au chiffre de 300 francs les 100 kilogrammes.

De même, on pourrait réduire, en les unifiant, les taxes de 46 fr. 25 cent. en Norvège et de 48 fr. 61. cent. en Suède établies, ici, sur les plumes de lit épurées, là, sur les mêmes plumes épurées ou non.

On pourrait fixer à 20 francs seulement le droit sur les poissons conservés à l'huile, qui ont à acquitter aujourd'hui 55 fr. 56 cent. en Norvège, 83 fr. 33 cent. en Suède, alors qu'en France on perçoit 10 francs sur les produits à peu près similaires qui viennent de la presqu'île scandinave.

Sur les sucres raffinés, la Norvège prélève 61 fr. 11 cent. et la Suède 45 fr. 83 cent. par 100 kilogrammes.

M. AMBAUD appelle l'attention sur l'élévation de ce droit, puisqu'il est connu que les 100 kilogrammes de sucre ne coûtent pas plus de 55 francs.

M. MARIE ajoute que la différence entre le droit norvégien et le droit suédois est trop considérable et qu'en tout cas, ces deux droits sont trop élevés pour une denrée aussi utile et qui n'est pas produite dans le pays.

M. BROCH reconnaît qu'en Norvège on ne fabrique pas de sucre de betterave et qu'il n'y existe pas actuellement de raffineries. Les droits perçus ont donc un caractère purement fiscal. Du reste, il ne peut être question que de la différence entre le droit sur le sucre brut et le droit sur le sucre raffiné, différence qui, d'après le traité actuel, ne doit pas être supérieure à 50 p. 0/0 en faveur du sucre raffiné, et qui, en réalité, ne dépasse pas 22 p. 0/0.

M. ÅKERMAN fait observer que la fabrication du sucre de betterave existe en Scanie, quoique quelques usines du centre de la Suède aient cessé d'être exploitées.

M. AMBAUD pense qu'un droit très inférieur aux taxes actuelles serait encore très efficace pour permettre à l'industrie indigène de vivre et de se développer.

M. MARIE arrive au régime des boissons: il demande pour les vins une taxe, uniforme dans les deux royaumes, de 10 francs par hectolitre, que les vins

soient en cercles ou en bouteilles. Le droit actuel est de 23 francs les 100 ki

logrammes pour les vins en cercles, et de plus de 28 francs pour les vins en bouteilles.

M. AMBAUD constate que, pour les vins ordinaires, communs et de grande consommation, ce droit représente 100 p. 0/0 de la valeur.

M. BROCH ne croit pas qu'un abaissement de ce droit puisse amener, en Norvège du moins, une plus grande consommation de vin. Le peuple ne saurait changer ses habitudes séculaires. La bière est la boisson nationale; quelque chère qu'elle soit, quelque durement qu'elle soit atteinte par la malt tax, la taxe la plus lourde qui existe en Europe, cette boisson sera toujours préférée à toute autre. Le vin ne sera jamais recherché que par les familles aisées qui, elles, donnent leurs préférences aux vins de prix pour lesquels la taxe reste légère. D'ailleurs, on peut constater que, depuis 1865, la consommation des vins en Norvège a augmenté de 120 p. 0/0 et représente aujourd'hui près d'un litre par tête.

M. AMBAUD croit que si les taxes étaient abaissées, la consommation pren drait, comme en Angleterre, un développement auquel, d'après des suppositions raisonnables, on aurait pu ne pas s'attendre. Que l'abaissement soit assez fort pour profiter aux populations, ou qu'il ne profite qu'à l'intermédiaire, dans les deux cas, il y aura là un stimulant pour une consommation plus forte.

M. BROCH le reconnaît sans hésitation. Mais, en Norvège, la question présente une autre difficulté. Si on abaisse la taxe sur les vins, on s'exposera au danger de voir entrer plus abondamment, au détriment de la santé publique et contrairement au vœu du législateur, les vins artificiels qui se fabriquent en si grande quantité en Allemagne et notamment à Hambourg. Les contestations en douane deviendraient plus fréquentes. En effet, le vin, qui, en 1865, payait, à l'importation, autant de droits que les spiritueux à 21 p. 0/0, ne paye aujourd'hui, par suite de l'augmentation de l'excise sur les alcools en Norvège, que juste autant que les eaux-de-vie à 11 1/2 p. 0/0, quoiqu'il puisse doser 21 p. 0/0 d'alcool. Il faudrait en venir à considérer comme vins les liquides ainsi dénommés, qui contiendraient non plus 21 p. 0/0, mais seulement 11 1/2 p. o/o d'alcool. Au delà de cette proportion de 11 1/2 p. 0/0, les vins seraient taxés comme alcools à raison de leur degré alcoolique.

M. AMBAUD déclare que c'est justement là le système qui est appliqué en France, mais avec cette différence que la limite alcoolique est fixée à 15 degrés pleins, soit moins de 16 degrés. Cette limite a été adoptée à la suite d'une enquête faite par l'Angleterre.

M. BROCH demande communication du mémoire anglais dont il vient d'être parlé. Quant à l'adoption d'une classe nouvelle de vins de raisins, il est sans instructions; il en référera à son Gouvernement.

M. ÅKERMAN constate qu'en Suède, les droits actuels n'ont nullement empêché la consommation des vins français de s'étendre dans des proportions considérables.

M. MARIE le reconnaît: cette consommation, qui, dans la période de 1847 à 1856, ne dépassait pas 650,000 francs en moyenne, a atteint, après une progression constante, une valeur de 2,200,000 francs en 1880. En Norvège, moyenne s'est plutôt abaissée durant la dernière période décennale.

la

M. BROCH dit qu'en calculant par périodes de cinq ans, il est arrivé à constater que la consommation du vin de toute provenance s'est élevée, en Norvège, de 726,000 kilogrammes, durant la période 1 863-64, à 1,612,000 kilogrammes, durant la dernière période quinquennale (1875-79). Mais, ajoute-t-il, ce ne sont pas les vins français qui ont bénéficié le plus de cette amélioration. En effet, la Norvège méridionale achète presque seule des vins français. Pourquoi? parce que seule elle est en relations commerciales avec la France, à raison du bois qu'elle peut y importer. La Norvège septentrionale et occidentale n'achète pas autant de vin français. Pourquoi? parce que le poisson (la morue) qu'elle est en mesure d'exporter ne peut être introduit en France, en raison des droits élevés qui le frappent. Ce poisson est donc vendu en Espagne et en Portugal. Comme marchandise de retour, les marchands de poisson de la côte occidentale jusqu'à Hammerfest prennent des vins de ces pays. Abaissez en France les droits sur les poissons, et ces mêmes marchands viendront vendre leurs produits sur vos marchés et prendre en échange les vins qu'ils vont aujourd'hui chercher au delà du golfe de Gascogne.

M. MARIE demande l'allégement du droit qui grève les eaux-de-vie françaises, toute réserve faite pour les droits d'excise qui continueraient à être supportés par les produits étrangers dans la même mesure qu'ils atteindraient les produits similaires indigènes.

M. AMBAUD parle de l'heureuse influence que l'abaissement du droit d'entrée sur les spiritueux a exercée au point de vue de la vente, en Suède, des eaux-de-vie de raisin de 1864 à 1879.

M BROCH Constate la difficulté qu'il y aurait à abaisser les taxes sur les eaux-de-vie de raisin: cet abaissement ne profiterait qu'aux eaux-de-vie de

CONF. FRANCO-SUÉDOISE ET Norvégienne.

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