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Fondatrice de la Congrégation des Sœurs de la Charité de Notre-Dame d'Evron

PREMIÈRE PARTIE

Depuis l'origine de la Congrégation jusqu'à la Révolution

CHAPITRE PREMIER

Dieu prédestine et prépare lui-même Mme Tulard à sa vocation de fondatrice

Le voyageur qui va, par la voie ferrée, de Mayenne à Alençon, rencontre sur son trajet la gare et le bourg de La Chapelle-au-Riboul. L'histoire n'a pas enregistré jusqu'ici ce nom demeuré sans gloire humaine, bien qu'il désigne, nos récits vont l'établir, un lieu prédestiné du ciel à être le berceau d'une grande œuvre.

De vieux registres établissent que là, dès le xre siècle, et même avant, s'élevait une église sous le vocable de SainteMarie de La-Chapelle, ou de Chapelle Sainte-Marie, érigée plus tard, au cours du XIIe siècle, en prieuré dépendant d'Evron, par l'évêque du Mans, Hildebert. Ce fut le premier lien spirituel entre l'abbaye bénédictine, déjà puissante à cette époque, et l'humble paroisse qui s'abritait sous son patronage. Dieu commençait à préparer l'avenir.

Cette vieille église ayant été complètement détruite en 1882, pour faire place à celle, fort gracieuse, qui embellit aujourd'hui La Chapelle-au-Riboul, il est devenu impossible de déterminer l'époque lointaine qui fut témoin de sa construction. Sa disparition laisse un regret ; mais nulle œuvre humaine n'est immortelle.

Les registres paroissiaux mentionnent dix-huit curés ayant été en charge de cette église jusqu'à l'époque de la Révolution française. Les noms de leurs prédécesseurs, ignorés aujourd'hui, le demeureront sans doute à jamais.

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Ce fut sous l'administration pastorale du treizième, messire Pierre Salin, dont nous parlerons plus loin, que vint au monde l'enfant dont nous entreprenons d'esquisser la vie et de raconter les œuvres, bien que la pénurie des documents ne nous permette de le faire que d'une manière très incomplète.

Cette enfant, Perrine Brunet, fille de Jacques Brunet et de Jeanne Bouvier, sa femme, naquit le 6 novembre 1654 au petit village de la Bigottière, et fut baptisée, le même jour, dans l'église paroissiale de Notre-Dame de La Chapelle-au-Riboul. Nul ne prêta attention à la venue de cette petite fille dont les parents, modestes cultivateurs, ne jouissaient d'aucune notoriété. Laborieux, fidèles à l'observance. des pratiques religieuses, ils vivaient des fruits de leur petit domaine, et ils auraient certainement traité de visionnaire quiconque leur aurait annoncé que l'un des trois enfants qui réjouissaient leur foyer illustrerait sa famille, et vaudrait à leur nom la reconnaissance et même la vénération des siècles à venir.

Les notices très courtes et peu précises qui parlent de la jeune Perrine Brunet, nous apprennent qu'elle se fit remarquer par un sérieux et une piété qui ne sont pas habituels au premier âge. Trois mots résument la période initiale de cette vie qui devait être si laborieuse et si féconde : travailler, lire, prier.

Emerveillés de la précocité de son bon sens, les habitants de La Chapelle-au-Riboul aimaient à envoyer près d'elle leurs enfants. Mais ceux-ci, tapageurs et bruyants par na

ture, ne trouvaient qu'une mince récréation à se mêler à ses prières ou à écouter ses instructions; elle-même, vite fatiguée de leur inattention et de leurs espiègleries, se retirait dans la solitude où son attrait l'attirait, pour lire et méditer.

Ce n'est pas que son instruction fût très avancée. A cette époque, La Chapelle-au-Riboul n'avait point encore d'école primaire pour les filles, dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot. Il en était d'ailleurs ainsi dans beaucoup de paroisses rurales de notre France, où l'Etat abandonnait à l'initiative privée et au zèle des évêques ou des curés la grande œuvre de l'instruction et de la formation morale de la jeunesse. Cette manière de faire n'était sans doute pas un idéal à l'abri de tout reproche, mais elle ne méritait pas non plus les anathèmes sous lesquels un dénigrement systématique, et aussi injuste que mal fondé, s'est complu à l'accabler depuis un siècle.

Une dame pieuse et libre de son temps, mais dont le nom échappe à notre reconnaissance, enseigna à Perrine l'art de la lecture, en même temps sans doute qu'elle lui expliquait les premières notions du catéchisme. L'enfant avait un esprit éveillé ; en peu de temps, ses progrès furent rapides et mirent son savoir au niveau de celui de sa bénévole institutrice. Un défaut qui dut être saillant, puisque les documents contemporains, écrits pourtant sur le ton du panégyrique, le relèvent, et avec insistance, la déparait et menaçait de la rendre désagréable à tout jamais : c'était une vivacité de caractère confinant à la violence. Mais Perrine, quand elle eut atteint l'âge de la réflexion, lutta avec un plein succès contre cette défectuosité de nature; nos récits l'établiront.

Elle n'avait pas eu, en effet, pour unique maître, la pieuse dame qui lui avait appris à lire. Dans ses stations fréquentes et prolongées au pied du tabernacle, son oreille avait entendu et écouté une autre voix, tandis que de vives lumières éclairaient son âme. A dix-huit ans, l'âge où une jeune personne songe à orienter sa vie, elle résolut donc d'entrer dans la vie religieuse dont la grâce avait, depuis longtemps, éveillé en elle le désir. Son confesseur l'encourageait, et les

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