Page images
PDF
EPUB

dans les mains du gouvernement, ils se trouvaient, d'autre part, en présence d'un autre principe que naguère ils venaient de formuler dans l'article 552 du Code civil: « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. » Ils essayèrent donc d'une sorte de compromis entre le gouvernement et le propriétaire du sol, entre la prérogative de l'un et le droit de l'autre. A celui-ci, ils reconnurent un droit sur les produits de la mine située sous son héritage, droit non défini et d'ailleurs complétement abstrait jusqu'au jour de la concession, époque à laquelle seulement il vient se résoudre en une redevance pécuniaire, arbitrairement évaluée. Mais aussi, moyennant ce prix qui, au compte des auteurs de la loi, devait désintéresser le maître du terrain, on prétendit attribuer au gouvernement un pouvoir absolu et complet sur tous les gîtes minéraux qui viendraient à être découverts; il en eut la libre disposition et ne fut plus obligé, dans le choix du concessionnaire, de tenir compte de la qualité des propriétaires de la surface. Les législateurs de 1810 méconnurent également la faculté, réservée antérieurement à ceux-ci, d'exploiter les gîtes à ciel ouvert jusqu'à la profondeur de cent pieds. Seulement, parmi les substances réputées susceptibles de concession par la loi de 1791, ils choisirent celles qui, moins rares et moins précieuses, se présentent, sinon toujours, du moins habituellement, soit à la surface du sol, soit à une profondeur minime, tels que les minerais ferrugineux, les terres pyriteuses, alumineuses, et les tourbes. Ils classèrent ces substances sous la qualification générique de minières, et n'assujettirent qu'à une simple déclaration ceux qui, parmi les propriétaires de terrains où elles sont situées, voudraient les exploiter.

A ces règles, les législateurs de 1810 en ajoutèrent quelques-unes concernant les usines métallurgiques et l'exploita tion des gites minéraux autres que ceux réputés mines ou

minières. Ces gîtes, qualifiés de carrières, ne furent soumis qu'au droit de police et de surveillance qui appartient à l'autorité publique. Mais, en ce qui concerne les usines, la réserve pure et simple de ce droit ne fut pas jugée une garantie suffisante. La réglementation de ces établissements n'importe pas seulement à la sûreté, à la salubrité publiques, ainsi qu'au meilleur aménagement des richesses minérales; elle intéresse également l'aménagement du combustible dont les usines métallurgiques font une consommation considérable, et celui des eaux que presque toujours elles emploient comme moteur. Ce sont tous ces motifs divers qui ont engagé les législateurs de 1810 à maintenir la défense qui existait déjà de construire aucune usine de cette sorte sans la permission du gouvernement.

Telle est l'économie des principes généraux qui régissent aujourd'hui les établissements minéralurgiques. Les actes législatifs ou réglementaires postérieurs à la loi du 21 avril 1810 en sont simplement le développement ou l'application.

Entrons maintenant dans tous les détails de cette importante matière.

416. Les substances minérales, susceptibles d'un usage industriel, ont donc été divisées en trois catégories. Le législateur, en les classant ainsi, s'est bien moins laissé guider par les notions des sciences naturelles qu'il ne s'est préoccupé des nécessités qui résultent de la manière dont l'exploitation de leurs gîtes respectifs doit être effectuée. C'est ce que nous avons fait ressortir il y a un instant. La loi du 21 avril 1810 porte, en effet, dans son article 1er: « Les masses de substances minérales ou fossiles, renfermées dans le sein de la terre ou existant à la surface, sont classées, relativement aux règles de l'exploitation de chacune d'elles, sous les trois qualifications de mines, minières et carrières. »

417. Une loi du 17 juin 1840 est venue assimiler aux mines

« les mines de sel gemme, les sources et puits d'eau salée naturellement ou artificiellement. >>

La concession des gîtes de sel, l'extraction de cette substance, l'exploitation et le commerce qui s'en font, les établissements où la matière première est traitée: tels sont les objets de deux ordonnances royales des 7 mars-15 avril et 26 juin-10 juillet 1840, présentant l'application des règles tracées dans la loi du 21 avril 1810. Les dispositions de la loi du 17 juin 1841 et des deux ordonnances royales précitées sont d'ailleurs trop nombreuses et trop étendues pour que nous puissions les reproduire dans cet ouvrage.

418. Nous diviserons ce chapitre en quatre sections, où nous traiterons 1o des mines, 2o des minières, 3o des carrières, 4o des usines métallurgiques.

PREMIÈRE SECTION.

DES MINES.

419. Des substances qualifiées de mines par la loi; texte. 420. C'est la nature et la composition minéralogique bien plus que la forme extérieure qui distinguent de toutes les autres les substances réputées mines.

421. Toutefois les minerais de fer ne sont réputés mines qu'autant qu'ils ne sont pas jugés susceptibles d'exploitation à ciel ouvert. 422. La question préjudicielle de savoir si une substance minérale doit être réputée mine ou non est de la compétence de l'administration.

423. Division.

419. La loi du 21 avril 1810 porte en son article 2: « Seront considérées comme mines celles connues pour contenir en filons, en couches ou en amas, de l'or, de l'argent, du platine, du mercure, du plomb, du fer en filons ou couches, du cuivre, de l'étain, du zinc, de la calamine, du bismuth, du

cobalt, de l'arsenic, du manganèse, de l'antimoine, du molybdène, de la plombagine et autres matières métalliques, du soufre, du charbon de terre ou de pierre, du bois fossile, des bitumes, de l'alun et des sulfates à base métallique. »

L'énumération légale étant suivie ici de ces termes : « et autres matières métalliques,» il faut en conclure qu'elle n'est en rien limitative, et qu'on doit comprendre parmi les mines tous les minéraux quelconques à base métallique, bien qu'ils ne soient point dénommés spécialement dans la loi de 1810.

420. Peu importe, d'ailleurs, l'apparence sous laquelle se présentent les substances dénommées dans cet article 2. C'en est la nature, la composition intime, bien plus que la disposition géologique qu'il faut considérer pour savoir si elles doivent être réputées mines ou non.

C'est ainsi qu'il a été jugé que, dans le périmètre de la concession de Pyremont-Seyssel, ayant pour objet des minerais bitumineux, les calcaires mêmes, placés à la surface du sol ou à une profondeur minime, devaient, par cela qu'ils sont imprégnés de bitume, être regardés comme faisant partie de la mine, et ne pouvaient être exploités à titre de carrières par les maîtres des terrains où ils sont situés 1.

421. On pourrait croire cependant que la règle énoncée au commencement du numéro précédent subit une exception en ce qui concerne le fer; car, d'une part, il semble résulter des termes de l'article 2 ci-dessus, que ce métal n'est considéré comme mine que lorsqu'il se présente en filons ou couches; et, d'autre part, nous verrons encore, par l'énumération des minières contenue en l'article 32, que la loi semble placer dans cette dernière catégorie les minerais de fer, dès qu'ils se présentent sous forme d'alluvions. Mais c'est là un classement qu'il faut se garder d'accepter à la lettre. Le lé

Conseil d'Etat, 19 juillet 1843 (Heudebert); id., 22 août 1853 (Galland). 2 V. cet article au numéro 536.

gislateur a pris soin lui-même d'expliquer, dans des dispositions ultérieures, la manière dont il a prétendu classer les minerais ferrugineux. Il ressort, en effet, des articles 68 et 69 de la loi du 21 avril 1810, lesquels seront cités en leur lieu 1, que le fer et ses composés ne prennent le caractère de mines que lorsqu'il y a nécessité de les exploiter par puits ou galeries souterraines. Mais ils sont des minières, même alors qu'ils sont disposés en filons ou par couches, s'il est possible de les exploiter à ciel ouvert 2. Ici encore c'est donc bien moins la manière géologique dont les minerais de fer se présentent que le mode d'exploitation dont ils sont susceptibles qui influe sur leur classement.

Voilà pour la théorie; maintenant, nous reconnaissons qu'en fait il arrivera que les minerais disposés en couches ou filons seront moins fréquemment que les minerais d'alluvion susceptibles d'une exploitation à ciel ouvert : c'est certainement sur ce fait physique que se trouve fondée la rédaction des articles 2 et 3 précités, relative aux gîtes ferrugineux.

422. Tel cas peut se présenter où il importe de savoir si un gîte minéral, prétendu mine dans le sens de l'article 2 ci-dessus, mérite bien réellement cette qualification légale. C'est une question qui ne laisse pas que d'avoir son intérêt, puisque, suivant que cette qualification devra être attribuée ou non à ce gîte, le droit du maître de la surface sera plus ou ou moins étendu, plus ou moins complet; s'agit-il d'une mine, celui-ci n'y a pas, n'y a jamais eu de droit de propriété; ce droit lui appartient, au contraire, si la substance litigieuse ne se présente pas avec les caractères d'une mine.

' V. n. 557.

Conseil d'Etat, 22 août

Peyret-Lallier, n. 556; Dalloz, n. 607, 660. 1853 (Galland). V. sur cette question les remarquables conclusions de M. Cornudet, commissaire du gouvernement, dans l'affaire de la Compagnie des houillères de l'Aveyron, au Conseil d'Etat, le 13 août 1850; Lebon, Arrêts du Conseil, vol. de 1850, p. 768.

« PreviousContinue »