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Il ne paraît pas que, dans les actes de concession antérieurs à 1830, cette exclusion ait été l'objet d'une réserve expresse; mais cela est-il nécessaire pour qu'elle existe? assurément non, puisqu'elle résulte suffisamment du texte de la loi, et que toute clause qui, dans ces actes, y serait contraire, violerait le droit de propriété et constituerait un excès de pouvoir.

Le Conseil d'Etat en a, cependant, décidé autrement. A la date du 13 août 1850, il a jugé que des minerais de fer en filons et couches, bien que susceptibles d'exploitation sans travaux souterrains, s'étaient trouvés compris dans une concession faite, par ordonnance royale du 23 janvier 1828, au duc Decazes, parce que, d'une part, il y avait eu concession, sans aucune réserve, de mines de fer, et que, d'autre part, ces minerais n'avaient point été, antérieurement à la concession, l'objet d'une exploitation à ciel ouvert.

Or, le premier motif, tiré du silence que garde l'acte de concession relativement aux minières situées dans le périmètre, se trouve réfuté par ce que nous venons de dire plus haut ; quant au second, il établit entre le propriétaire qui a commencé l'exploitation et celui qui ne l'a pas commencée, une distinction qu'aucun texte de loi n'autorise.

Au surplus, le Conseil d'Etat ne paraît pas vouloir persister dans cette voie; et, dans une espèce toute récente, il a jugé, le 23 juillet 1857, par interprétation d'une ordonnance de concession, en date du 25 juillet 1827, qu'en employant les expressions générales de mines de fer, cette ordonnance avait entendu comprendre seulement le minerai, sans distinction de provenance ou de nature, qui ne peut s'exploiter que par puits, galeries et travaux d'art; qu'elle excluait, au contraire, le minerai exploitable à ciel ouvert.

En tout cas, les actes de concession délivrés depuis 1830 ne sauraient donner lieu à de semblables difficultés. Tous, aujourd'hui, contiennent une clause expresse par laquelle les

minerais en filons ou couches susceptibles d'exploitation à ciel ouvert sont réservés au propriétaire de la surface; il y est dit : « La présente concession ne s'applique qu'au minerai de fer exploitable par travaux souterrains réguliers. A l'égard du minerai, soit en filons, soit en couches, qui serait situé près de la surface et susceptible d'être exploité à ciel ouvert, il demeure à la disposition des propriétaires du sol, pourvu que son exploitation à découvert ne rende pas impossible, dans le présent ou dans l'avenir, l'exploitation par travaux souterrains des minerais situés dans la profondeur1. »

558. Nous arrivons aux terres pyriteuses et alumineuses, au sujet desquelles la loi du 21 avril 1810 s'exprime ainsi : «Art. 71. L'exploitation des terres pyriteuses et alumineuses sera assujettie aux formalités prescrites par les articles 57 et 58, soit qu'elle ait lieu par les propriétaires des fonds, soit par d'autres individus qui, à défaut par ceux-ci d'exploiter, en auraient obtenu la permission.-Art. 72. Si l'exploitation a lieu par des non-propriétaires, ils seront assujettis, en faveur des propriétaires, à une indemnité qui sera réglée de gré à gré ou par des experts. »

Les articles 57 et 58 susénoncés sont ceux qui, posant en principe que l'exploitation des minières est assujettie à des règles spéciales, la soumettent, selon les cas, soit à une déclaration, soit à une permission préalable, ainsi qu'à la surveillance administrative 2. Il s'ensuit qu'il faut appliquer aux extractions de terres alumineuses et pyriteuses toutes les dispositions de la loi de 1810 qui seraient la conséquence de ce principe 3, c'est-à-dire toutes celles que, depuis l'article 59 jusqu'à l'article 70, nous venons de reproduire et de commenter dans les numéros précédents. Nous rappellerons qu'il ne

'Circulaire du 8 octobre 1843; cahier des charges annexé, article B1. V. ces articles au numéro 539.

* Decheppe, Annales des mines, 1. X, p. 595.

faut considérer comme minières, parmi les terres pyriteuses, que celles qui sont « propres à être converties en sulfate de fer; c'est ce caractère qu'un arrêté du ministre de l'intérieur et des travaux publics, en date du 30 juillet 1836, a reconnu à des tourbes pyriteuses qu'on extrayait en vue d'en fabriquer du vitriol.

Article II.

Des tourbières.

559. A la différence des autres minières, les tourbes ne peuvent être exploitées que par le propriétaire du sol ou de son consente

ment.

560. L'exploitation des tourbières ne peut avoir lieu sans autorisation; demande en autorisation; permission.

561. Des règlements d'administration publique concernant l'exploitation de certaines tourbières.

562. Obligation pour les exploitants d'avoir à se conformer à ces règlements et aux conditions de l'autorisation; sanction.

563. Les usages locaux anciens, d'après lesquels les exploitants pouvaient étendre leurs tourbes à sécher sur les fonds voisins, n'ont point été maintenus par le Code Napoléon.

559. Les tourbières ont été rangées par la loi dans la classe des minières; le motif en est qu'elles aussi ne peuvent être exploitées sans une permission préalable de l'autorité publique. Mais, hors ce point, les dispositions auxquelles elles sont soumises different de celles qui précèdent. Ainsi, l'exploitation des tourbières n'a point paru au législateur tellement nécessaire qu'elle dût être forcée, de telle sorte que les tiers eussent le droit de suppléer les propriétaires qui refuseraient de s'y livrer; c'est le contraire qui est ici devenu la règle; la loi du 21 avril 1810 dispose, en effet : « Art. 83. Les tourbes

1 V. n. 537.

ne peuvent être exploitées que par le propriétaire du terrain,

ou de son consentement. >>

Toutefois, au cas où des minières de fer, des terres pyriteuses ou alumineuses se trouveraient, soit recouvertes par la tourbe, soit mélangées avec elle dans des proportions très-appréciables, la présence de cette dernière substance ne suffirait pas pour enlever aux tiers, chefs d'usines autorisées, le droit. d'extraire les autres1. Le maître du sol « conserve son droit sur la tourbe; il pourra la garder en nature lorsqu'elle sera extraite, ou en recevoir le prix, réglé conformément aux dispositions. de la loi; mais il ne peut pas plus se fonder sur ce que la tourbe est sa propriété, pour s'opposer à l'exploitation du gîte de substances ferrugineuses ou pyriteuses qu'elle contient, que le propriétaire d'une carrière, par exemple, ne serait fondé à empêcher d'exploiter une mine ou minière, par le motif que cette carrière la recouvre 2. >>

560. L'article 84 de la loi de 1810 est ainsi conçu : « Tout propriétaire actuellement exploitant, ou qui voudra commencer à exploiter des tourbes dans son terrain, ne pourra continuer ou commencer son exploitation, à peine de cent francs d'amende, sans en avoir préalablement fait la déclaration à la sous-préfecture, et obtenu l'autorisation. >>

La déclaration désigne avec précision le lieu où l'extraction doit être établie, l'étendue de la propriété, la qualité et l'épaisseur des bancs de tourbe que les sondages ont fait reconnaître. Le sous-préfet la transmet au préfet, avec son avis. C'est celui-ci qui, après avoir consulté l'ingénieur des mines, accorde l'autorisation, où se trouvent exprimées la direction, l'étendue, la profondeur à donner à l'exploitation, et l'époque à laquelle elle devra avoir lieu, en conformité du mode et

1 Décision du ministre de l'intérieur, 30 juillet 1836. 'Decheppe, Annales des mines, t. X, p. 592.

du plan général d'extraction qui pourraient avoir été déter

minés 1.

561. Des plans de cette sorte sont d'autant plus indispensables que l'extraction des tourbes intéresse à la fois l'économie de ce combustible et la salubrité publique. Il importe, en effet, que l'exploitation en soit faite avec régularité, «<et surtout en évitant la stagnation des eaux dans les vallées tourbeuses, stagnation qui ne manque pas de produire des épidémies funestes 2. >>

Par son article 85, la loi du 21 avril 1810 avait promis la confection et la promulgation d'un « règlement d'administration publique, » qui devait déterminer « la direction générale des travaux d'extraction dans les terrains où sont situées les tourbes, celle des rigoles de desséchement, enfin toutes les mesures propres à faciliter l'écoulement des eaux dans les vallées, et l'atterrissement des entailles tourbées. » Mais la promesse de la loi n'a pas été tenue, que nous le sachions; seulement il a été fait pour certains départements, ou même pour certaines localités, des règlements spéciaux dont nous indiquons la date :

Aube (Tourbières de l'), ordonnance royale du 5 août 1844. Isère (Tourbières des marais de Bourgoin), décret impérial du 5 juillet 1854.

Loire-Inférieure (Tourbières des marais de Donges), ordonnances royales des 5 octobre 1838 et 24 février 1844.

Marne (Tourbières de la), ordonnance royale du 5 août 1844. Oise (Tourbières de l'), ordonnance royale du 26 novembre 1830.

Seine-et-Oise (Tourbières des vallées de l'Essonnes et de la Juine), ordonnance royale du 14 septembre 1835.

1 Instruction ministérielle du 3 août 1810, $ 6.

2 Ibid.

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