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matériaux, quelle qu'en soit la quantité, donne lieu de déclarer qu'il y a carrière en exploitation1. Il ne faut pas davantage que l'exploitation soit actuelle, c'est-à-dire qu'il y ait eu, de la part du propriétaire, extraction de matériaux à l'époque de la désignation faite par l'administration 2. Il serait également indifférent que les fouilles nouvelles de l'entrepreneur ne fussent pas opérées à l'endroit même où l'extraction aurait été antérieurement effectuée par le propriétaire. Dès que les fouilles de l'entrepreneur s'appliquent à la même nature de pierres, au prolongement du même banc, et sont faites dans la même propriété, elles doivent être regardées comme formant un tout indivisible avec l'ancienne exploitation; et, en conséquence, la valeur des matériaux doit entrer dans le chiffre de l'indemnité".

Ces solutions distinctes, que le Conseil d'Etat avait admises dans divers cas, ont été, en une seule fois, confirmées à l'occasion d'une espèce qui les avait mises toutes en question. C'est sur notre plaidoirie qu'a été rendu, à la date du 21 mai 1852, et sur la requête d'un sieur Gasté, un arrêt ainsi conçu: « Considérant qu'aux termes de l'article 55 de la loi du 16 septembre 1807, la valeur des matériaux extraits doit être payée au propriétaire, lorsqu'ils ont été pris dans une carrière déjà exploitée par lui ou pour son compte, sans qu'il soit nécessaire que cette exploitation soit régulière et actuelle; considérant qu'il résulte de l'instruction que le sieur Gasté avait ouvert une carrière dans son champ du Taillis, et l'avait mise en exploitation, antérieurement à l'entreprise du sieur Boret (adjudicataire des travaux d'une route départementale); que l'exploitation ouverte par ce dernier, à quelques mètres.

'Conseil d'Etat, 24 octobre 1834 (Tarbé); id., 7 juin 1836 (Brochet); id., 27 avril 1838 (Fargeot); id., 30 novembre 1841 (Mercier).

* Conseil d'Etat, 30 novembre 1841 (Mercier); id., 21 décembre 1849 (de Rély); id., 3 mai 1850 (Debrousse).

• Conseil d'Etat, 9 janvier 1839 (Caillaux).

de distance des précédentes, est située dans la même propriété; qu'elle s'applique à la même nature de pierre et au prolongement du même banc; que, dès lors, il y avait lieu de faire entrer dans l'estimation la valeur des matériaux extraits... »

Cependant, pour que l'extraction exécutée par le propriétaire produise cet effet vis-à-vis des agents de l'administration, il faut qu'elle ait été faite de bonne foi. Or, il serait difficile d'y reconnaître ce caractère au cas où, bien qu'effectuée avant l'occupation des terrains, elle aurait eu lieu à une époque fort rapprochée; on serait en droit d'en conclure qu'elle n'avait alors d'autre but que de donner, au détriment des entrepreneurs de travaux publics, une valeur marchande aux matériaux que ceux-ci devaient extraire ultérieurement.

571. Si l'indemnité, son taux ou ses éléments, sont la cause d'une contestation, le règlement s'en opère conformément aux articles 56 et 57 de la loi du 16 septembre 1807.

Des experts sont nommés, l'un par le propriétaire, l'autre par le préfet ; et le tiers expert, s'il en est besoin, est de droit l'ingénieur en chef du département. Lorsqu'il y a des concessionnaires, un expert est nommé par le propriétaire, un autre par le concessionnaire, et le tiers expert par le préfet. Les experts choisis doivent, à peine de nullité, prêter serment avant leurs opérations.

Le procès-verbal de l'expertise est soumis au Conseil de préfecture, qui prononce, sauf recours au Conseil d'Etat'.

S'il s'agissait de l'exécution d'un chemin vicinal, le règlement de l'indemnité due à raison des extractions de matériaux serait également, d'après l'article 17 de la loi du 21 mai 1836, effectué par le Conseil de préfecture, sur le rapport d'experts nommés, l'un par le sous-préfet, et l'autre par le propriétaire. En cas de discord, le tiers expert serait nommé par le Conseil de préfecture.

' V. n. 399.

Il n'est pas, d'ailleurs, indispensable que l'indemnité soit payée antérieurement à la prise de possession de la carrière 1. C'est en cas d'expropriation seulement qu'aux termes de la loi, l'indemnité doit être préalable; elle ne l'est pas nécessairement en cas d'occupation temporaire de terrains, ni de simples dommages.

572. Telles sont les prescriptions légales qui régissent cette circonstance exceptionnelle où l'administration, par ses agents ou ses ayants droit, exploite une carrière au lieu et place du propriétaire. Revenons à l'exploitation effectuée par celui-ci, et disons à quelles règles elle se trouve soumise.

573. La loi de 1810, sous ce rapport, après avoir distingué les carrières en deux classes: celles qui sont exploitées à ciel ouvert, et celles qui s'exploitent par galeries souterraines, a reconnu à l'autorité publique des droits plus étendus sur les secondes que sur les premières. On lit dans la loi : « Art. 81. L'exploitation des carrières à ciel ouvert a lieu sans permission, sous la simple surveillance de la police, et avec l'observation des lois ou règlements généraux ou locaux. - Art. 82. Quand l'exploitation a lieu par galeries souterraines, elle est soumise à la surveillance de l'administration, comme il est dit au titre V. »

Développons rapidement le sens de ces deux dispositions. 574. Les carrières exploitées à ciel ouvert sont les premières qui vont nous occuper.

A leur égard, les droits de l'administration se bornent à une simple surveillance de police; c'est l'article 82 qui le déclare. Les règlements locaux sur l'exploitation des carrières contiennent diverses prescriptions, dont le but est de mettre l'administration à même d'exercer cette surveillance.

D'après quelques-uns de ces règlements, les individus qui

'Conseil d'Etat, 20 juin 1839 (Grėban).

veulent ouvrir une carrière sont tenus d'en faire la déclaration préalable à l'autorité locale. Un décret du 15 février 1853, a portant règlement pour les carrières du département de la Seine-Inférieure, » nous en offre un exemple. Il y est dit : « Cette déclaration est faite en deux expéditions, dont une sur papier timbré. Elle contient l'énonciation des nom, prénoms et demeure du déclarant, et la qualité en laquelle il entend exploiter la carrière. Elle fait connaître, d'une manière précise, l'emplacement de la carrière et sa situation par rapport aux habitations, bâtiments et chemins les plus voisins. Elle indique la nature de la masse à extraire, l'épaisseur et la nature des terres ou bancs de roches qui la recouvrent, le mode d'exploitation, etc. Elle est faite pour les carrières nouvelles à ouvrir, quinze jours au moins avant le commencement des travaux. A défaut de la déclaration ci-dessus prescrite, l'administration peut ordonner la suspension provisoire des travaux, sans préjudice de la peine à encourir pour cette contravention. >>

On s'est demandé toutefois si, en imposant cette déclaration préalable, l'administration n'avait pas excédé les pouvoirs qui lui sont conférés relativement aux carrières à ciel ouvert? Mais il a été répondu avec raison qu'il n'en était rien; que si l'administration n'eût pu exiger des exploitants qu'ils eussent à solliciter son autorisation, rien ne l'empêchait de les soumet tre à une déclaration pure et simple, puisque les travaux pouvaient suivre cette déclaration, et n'étaient nullement subordonnés, comme au cas de demande de permission, à une réponse favorable; qu'il n'y avait là, d'ailleurs, qu'une prescription de police dont le but était d'avertir l'autorité, et de la mettre en demeure d'exercer sa surveillance sur l'exploitation nouvelle 1.

1 Paris, 1er décembre 1842 (Beaufils); id., 14 février 1843 (Gauthier).

Le décret précité porte encore: « Lorsque l'abord d'une carrière est reconnu dangereux, il doit être garanti, soit par un fossé creusé au pourtour, et dont les déblais sont rejetés du côté des travaux, pour y former une berge, soit par un mur ou une palissade en bois, de un mètre de hauteur au moins, soit par tout autre moyen de clôture reconnu offrir les conditions équivalentes de sûreté... »

Enfin, certains règlements prévoient des cas où l'exploitation des carrières n'est permise qu'à ciel ouvert. Un décret du 22 mars 1813, qui concerne les carrières de pierre à plâtre dans les départements de la Seine et de Seine-et-Oise, veut qu'on exploite seulement à découvert : « 1° Toute haute masse qui ne serait pas recouverte de plus de six mètres de terre, ou qui aurait été reconnue ne pouvoir être exploitée par cavage, soit à cause du manque de solidité des bancs du ciel, soit à cause de la trop grande quantité de fentes, filets ou filières; 2o toute moyenne masse, lorsqu'elle ne sera pas recouverte de plus de trois ou quatre mètres de terre, ou qu'il n'y aura pas de ciel sòlide; 3° les basses masses ou bancs de pierre franche, lorsqu'ils ne seront recouverts que de trois à quatre mètres de terre. »

575. Quant aux carrières qui sont exploitées par galeries souterraines, c'est-à-dire par cavage à bouches, ou par puits, selon la disposition des lieux, elles ne sont pas seulement, comme celles dont nous venons de parler, placées sous la simple surveillance de la police; elles sont en outre, porte l'article 82 précité, «soumises à la surveillance de l'administration, comme il est dit au titre V. »

Or, ce titre V de la loi du 21 avril 1810 contient les articles 47 à 50 inclusivement, placés sous la rubrique : De l'exercice de la surveillance sur les mines par l'administration, et pour le développement desquels ont été rendus le décret du 3 janvier 1813 « sur des mesures de police applicables à l'exploitation

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