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629. Aux termes de l'article 88 de la loi du 5 frimaire an VII, « les maisons, les fabriques et les manufactures, forges, moulins et autres usines nouvellement construits ne seront soumis à la contribution foncière que la troisième année après leur construction. Le terrain qu'ils enlèvent à la culture continuera d'être cotisé jusqu'alors comme il l'était avant. Il en sera de même pour tous autres édifices nouvellement construits et reconstruits; le terrain seul sera cotisé pendant les deux premières années. »

630. Si l'exemption ne portait que sur les établissements nouvellement construits, l'application en serait des plus faciles; mais elle s'étend également à ceux qui viennent d'être reconstruits, et là commencent les difficultés. A celui qui réclame l'exonération de l'impôt foncier pour une usine qu'il dit avoir reconstruite, l'administration peut objecter qu'il n'y a pas eu reconstruction, mais simplement réparation; et c'est là une objection sérieuse, car des réparations, quelque grosses qu'elles soient, ne donneraient pas droit à l'exemption.

Comment donc distinguer le cas de reconstruction de celui de réparation? Par cette circonstance, évidemment, qu'avant les travaux aucune partie essentielle de l'usine n'était intacte, de telle sorte que, sans les travaux, cette usine fût restée improductive. Ce n'est donc pas seulement la réfection de l'édifice, mais encore celle du moteur, ou du système mécanique, qui, dès qu'il s'agit d'un établissement de l'industrie, constitue une reconstruction. Le moteur, le mécanisme, étant ce qui donne à un fonds le caractère industriel, sont essentiellement partie de ce fonds.

C'est à compter du 1er janvier qui suit l'achèvement de la construction ou de la reconstruction que courent les deux années pendant lesquelles l'établissement se trouve exonéré

1 Conseil d'Etat, 15 octobre 1826 (Boudousquié).

de l'impôt. Il importe donc encore de savoir à quels signes on reconnaîtra que la construction ou la reconstruction est terminée.

Point de difficulté pour un édifice ordinaire; dès qu'il est habitable, il est réputé être complet. Mais il faut autre chose pour une usine. Une usine n'est pas destinée à l'habitation, elle a pour objet de donner des produits industriels; elle n'est donc pas achevée tant que son mécanisme n'a pas été complétement posé et n'est pas en état de fonctionner d'une manière productive pour son propriétaire. C'est là une condition d'autant plus indispensable, qu'aux termes des articles 2 et 87 précités dans la loi de frimaire an VII, le revenu des propriétés est l'unique base de l'impôt foncier. Il a été jugé, par exemple, que le fonctionnement d'une usine à titre d'essai, et par le fait de l'entrepreneur voulant arriver à la réception de l'œuvre et à la prise de possession par le propriétaire, n'était pas un indice d'achèvement des travaux, et ne pouvait servir de point de départ au délai de deux années, après lequel seulement l'impôt était dû3.

Lorsqu'il s'agit d'un établissement dont la construction ou la reconstruction s'opère par parties, de telle sorte que les divers ateliers dont il se compose entrent en activité successivement et au fur et à mesure de leur achèvement, l'administration a le droit de constater, pour chacune de ces parties, le moment de cet achèvement, en vue de faire courir le délai à la suite duquel la contribution foncière viendra la frapper proportionnellement au revenu imposable qu'elle sera susceptible de donner.

631. Est-on fondé à réclamer, aux termes de l'article 88

1 Conseil d'Etat, 6 décembre 1844 (Blanchard des Rosiers).

2 Conseil d'Etat, 30 mars 1844 (Ronnelle).

* Conseil d Etat, 6 décembre 1844 (Blanchard des Rosiers). • Conseil d'Etat, 24 décembre 1818 (Pagès).

précité, l'exemption de l'impôt pour un moulin à vent que l'on fait démolir, puis reconstruire immédiatement à quelques mètres de distance et avec les mêmes matériaux?

Dans une espèce où la question se présentait, l'administration des contributions directes se prononçait pour la négative. « On ne peut, disait-elle, considérer un moulin de cette sorte, simple construction en bois, transporté presque d'une pièce d'un emplacement sur un autre, comme un édifice nouvellement construit ou reconstruit; c'est plutôt une machine, un appareil simplement transporté d'un point sur un autre, sans frais du moins appréciables, et qui ne peuvent être comparés à ceux que le législateur a pris en considération, en accordant une immunité temporaire d'impôt aux constructions nouvelles. »><

Mais quelque spécieux qu'il puisse être, ce raisonnement ne saurait se soutenir en présence des termes de la disposition précitée, qui, parmi les usines qu'elle exempte de la contribution, lorsqu'elles viennent d'être construites ou reconstruites, cite expressément les moulins; ce qui comprend évidemment même ceux dont le bois forme la substance.

En admettant, d'ailleurs, avec l'administration, que les moulins à vent ne soient que des machines, parce qu'ils peuvent se démonter pièce à pièce, on en arriverait, tout au plus, à cette conséquence dont certainement elle ne prétend pas poursuivre l'application, qu'ils doivent être rangés dans la classe des meubles, et exonérés absolument de la contribution foncière. Au reste, le système de l'administraion des contributions directes a été repoussé par le Conseil d'Etat 1.

Complétons ce qui regarde l'assiette de l'impôt sur les fonds industriels par deux remarques relatives, la première aux usines hydrauliques, la seconde aux exploitations de gîtes

minéraux.

1 Conseil d'Etat, 29 juin 1850 (Defrémont).

652. Pour les usines hydrauliques, l'impôt ne frappe pas seulement sur les bâtiments et constructions, il porte encore sur les canaux d'amenée et de fuite. On lit dans la loi du 3 frimaire an VII: « Art. 104. Les canaux destinés à conduire les eaux à des moulins, forges ou autres usines..., seront cotisés, mais à raison de l'espace seulement qu'ils occupent et sur le pied des terres qui les bordent. »

Nonobstant la base d'évaluation ainsi déterminée, l'administration a manifesté l'intention ultérieure d'en prendre arbitrairement une autre. Dans un Règlement général sur la confection du cadastre, qu'elle rédigea en 1811, et qu'elle a intitulé: Recueil méthodique, elle prétendit que les canaux dont il s'agit devaient être cotisés « sur le pied des terres de première qualité. »

Plus tard, intervinrent les lois de finances de 1814 et de 1816 portant: « Les lois et règlements sur le cadastre continueront d'être exécutés. >>

L'administration en voulut conclure que l'article 104 de la loi de l'an VII se trouvait dès lors remplacé par la disposition plus nouvelle du Recueil méthodique.

Mais le Conseil d'Etat a condamné cette prétention; et, par arrêt du 20 février 1835, il a décidé « que les canaux d'amenée et de fuite d'un moulin, ou de toute autre usine hydraulique, ne doivent être imposés, et, par conséquent, classés que sur le pied des terres qui les bordent, ainsi que le veut l'article 104 ci-dessus, sans égard pour la disposition contraire de l'article 387 du Règlement général sur le cadastre, qui prescrit de les imposer sur le pied des meilleures terres labourables.

Il faut, d'ailleurs, observer qu'ici l'impôt est bien moins dû par le propriétaire du terrain sur lequel coulent les eaux du canal, que par celui qui a la jouissance des eaux, ne fût-ce qu'à titre de servitude d'aqueduc. En disant qu'un canal serait

cotisé « à raison seulement de l'espace qu'il occupe, » la loi a voulu montrer que c'est le canal lui-même qui est frappé par l'impôt et non le terrain qui lui sert de lit; de telle sorte que ceux qui ont la jouissance des eaux coulant dans ce lit sont précisément les contribuables désignés par la loi 1.

633, Relativement aux gîtes minéraux, la loi de frimaire an VII contient les dispositions suivantes : « Art. 75. Lorsqu'un terrain sera exploité en tourbière, on évaluera, pendant les dix années qui suivront le commencement du tourbage, son revenu au double de la somme à laquelle il était évalué l'année précédente, Art. 76. Il sera fait note, sur chaque rôle et matrice de rôle, de l'année où doit finir ce doublement d'évaluation. Après ces dix années, ces terrains seront cotisés comme les autres propriétés. Art. 81. Les

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mines ne seront évaluées qu'à raison de la superficie du tertain occupé pour leur exploitation et sur le pied des terrains environnants. Il en sera de même pour les carrières. >>

Il a été jugé, pour ce qui concerne les tourbières, que les entailles abandonnées, improductives et isolées des marais tourbeux où se continue l'extraction de la tourbe, ne peuvent être imposées comme tourbières, mais seulement comme terrains ne donnant aucun produit 2.

634. Bien qu'il n'y ait rien qui soit particulier à notre matière dans le mode d'après lequel l'usinier réclame contre l'impôt dont ses fonds sont frappés, nous croyons devoir y consacrer quelques lignes. En agissant ainsi, nous obéissous bien moins à la logique de notre sujet, qu'au désir que nous avons de réunir dans ce livre la plus grande somme possible de notions utiles aux propriétaires d'établissements industriels.

Comme tout autre contribuable, l'usinier peut avoir à former soit une demande en décharge ou en réduction, soit une

1 Conseil d'Etat, 5 mai 1831 (Moyroux).

* Conseil d'Etat, 30 mai 1834 (commune de Daours).

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