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semblerait, à la seule charge de n'en point faire un usage prohibé par les lois ou les règlements; qu'aucune disposition de loi ou de règlement ne prohibe l'établissement d'une nouvelle usine de même nature dans le voisinage d'une usine semblable préexistante; attendu que l'établissement d'une telle usine, légalement autorisé, ne peut par lui-même donner ouverture à une action en dommages-intérêts, puisque le préjudice qui peut en résulter pour les établissements préexistants n'est que le résultat du libre exercice d'une industrie licite et du droit de propriété..... >>

Cet arrêt, on le voit, décide, en ce qui concerne les usines, précisément le contraire de ce qui est généralement admis à l'égard des fonds de commerce. Tandis que, pour ceux-ci, l'on reconnaît l'interdiction de toute concurrence de la part du vendeur, à moins d'une stipulation contraire, l'arrêt juge que, pour celles-là, c'est l'interdiction qui est exceptionnelle et qui doit être exprimée.

Le motif de l'arrêt ne nous paraît pas justifier cette différence, car le vendeur d'un fonds de commerce qui veut en créer un autre de même nature sur une propriété qu'il possède dans le voisinage, pourrait se retrancher derrière le principe de l'article 544, tout aussi bien que celui qui a vendu une usine. Une distinction ne serait possible entre les deux cas que si, à l'opposé des fonds de commerce, les ventes d'usines ne comprenaient pas un achalandage; c'est ce que M. Devilleneuve avance dans son annotation sur l'arrêt précité1. Mais cette allégation est sans base dans le droit; elle est de plus.démentie, en fait, par ce qui apparaît de la pratique universelle.

Personne, en effet, ne peut nier sérieusement que les usines et manufactures ne soient tout à la fois des ateliers et des

' Vol. de 1844, 1, 678.

fonds commerciaux. On y écoule les produits que l'on y fabrique. Le système économique moderne tend même à accroître de jour en jour l'importance commerciale de ces établissements; ce qu'il cherche, c'est à diminuer autant que possible le prix de revient. Il veut rapprocher le consommateur du producteur et supprimer dans une certaine mesure l'intermédiaire, c'est-à-dire le négociant, dont la récompense ou commission constitue un supplément au prix de revient de l'objet manufacturé, et qui, dès lors, finit par retomber à la charge du public acheteur. L'intermédiaire supprimé, ce supplément de prix l'est également, et c'est, en définitive, le consommateur qui en profite. Celui-ci comprend l'avantage de ce système et a déjà pris l'habitude de s'adresser directement aux sources de la production: on tient aujourd'hui à acheter à la manufacture et à prix de fabrique. Aussi tous les établissements industriels ont-ils leur achalandage; ils ont une clientèle qui traite directement avec eux depuis les achats en gros jusqu'à ceux de détail.

Il y a plus, c'est que, pour certains d'entre eux, le débit de l'objet fabriqué ne comporte pas d'intermédiaires; les produits en sont directement livrés aux consommateurs. C'est ce qui arrive, par exemple, pour les usines à gaz. Les marchés passés avec les usines de cette nature pour la fourniture d'une ville, d'un quartier, d'une maison, font nécessairement partie de la vente de l'établissement même qui, sans ces marchés, n'aurait pas sa raison d'être. La cession de ces marchés n'est rien autre chose que la cession d'une clientèle, d'un achalandage. C'est ce qui arrive également pour les moulins affectés à la mouture rustique. Ceux qui les exploitent sont en contact direct avec les consommateurs. Leurs bénéfices consistent dans un prélèvement sur les produits, et ils les réalisent à l'aide de la vente en détail aux habitants des campagnes.

Il y a là, d'ailleurs, du plus au moins, un état de choses qui est aujourd'hui général pour toutes les usines; il en résulte dès lors la condamnation de la doctrine contenue dans l'arrêt du 17 juillet 1844 et la nécessité d'appliquer, en matière de vente d'usine, la jurisprudence suivie lorsqu'il s'agit de la vente des fonds de commerce. Le vendeur de l'usine, étant tenu de l'obligation de délivrer l'achalandage, doit en garantir la paisible jouissance contre son fait personnel, sous peine de méconnaître à la fois la loi du contrat et les règles de la plus simple équité.

Si donc il veut, sous ce rapport, se réserver sa liberté, il doit la stipuler expressément ou implicitement. La stipulation implicite résulterait, par exemple, de ce que les livres contenant les opérations et la correspondance commerciales du vendeur sont exclus des objets et titres à délivrer; de ce que l'établissement doit, entre les mains de l'acquéreur, changer d'affectation, comme si une usine hydraulique exploitée par le vendeur en nature de moulin, avait dû être ou a été transformée par le nouveau propriétaire en filature, en papeterie, en forges, etc.

La solution de cette importante question termine ce que nous avions à dire sur la garantie.

CHAPITRE II.

DU BAIL DES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS.

685. Bibliographie.

686. Le bail des établissements industriels est régi, sauf un cas, par les règles qui président au louage de tous les immeubles. 687. Division.

685. Bibliographie.

1777. Desgodets et Goupy, Les lois des bâtiments suivant la coutume de Paris; 1 vol. in-8, Paris: RÉPARATIONS LOCATIVES DES MOULINS, p. 479 et suiv.

1824-1852. Lepage, Lois des bâtiments ou le Nouveau Desgodets ; nouvelle édition1; 2 vol. in-8, Paris: Ile partie, chap. III: DES RÉPARATIONS PROVENANT DE VÉTUSTÉ.

1827. Jourdheuil, Traité des baux et visites de toute espèce d'usines; 1 vol. in-8, Châtillon-sur-Seine.

1840. Troplong, De l'échange et du louage; 3 vol. in-8, Paris:

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passim.

Viollet, Essui pratique sur l'établissement et le contentieux des usines hydrauliques; 1 vol. in-8, Paris: chap. VIII : LOCATIONS D'USINES OU DE FORCES MOTRICES, etc.

1845. Daviel, Traité de la législation et de la pratique des cours d'eau; 3e édit., 3 vol. in-8, Paris : passim.

1849. Agnel, Code-manuel des propriétaires de biens ruraux et d'usines, des fermiers, etc.; 1 vol. in-12, Paris; tit. IV: DU BAIL D'USINES, p. 264-303.

1 Toutes les prétendues nouvelles éditions postérieures à celle de 1824 ne sont que des tirages de la composition stéréotypée de celle-ci.

2 On consultera également avec fruit les autres commentateurs du Code Napoléon Delvincourt, Toullier, Duvergier, Duranton, Marcadé, etc., ainsi que Dalloz, dans son Nouveau Répertoire, yo LOUAGE.

1852. Limon, Usages et règlements locaux en vigueur dans le département du Finistère; 1 vol. in-8, Quimper chap. IX, § 8: BAUX DES MOULINS.

686. Sauf le cas prévu par l'article 1747 du Code Napoléon et dont nous parlerons en son lieu, le bail des établissements industriels n'est soumis qu'aux mêmes règles générales qui régissent tous les immeubles. Nous ne nous occuperons donc ici de ces règles qu'autant qu'il en résulterait quelque application spéciale, quelque solution pratique, relatives à la matière qui nous occupe.

687. Ce travail sur le louage des établissements industriels va se diviser en quatre sections, où nous traiterons des obligations du bailleur, -de celles du preneur ou locataire, d'une variété du bail qui, dans un grand nombre de localités, est en usage pour certaines usines et qui est dit bail à la prisée. Nous terminerons en parlant de la fin du bail.

PREMIÈRE SECTION.

DES OBLIGATIONS DU BAILLEUR.

688. Article 1719 du Code Napoléon : division.

688. Les obligations que la loi impose au bailleur sont de trois sortes; elles sont indiquées en ces termes par l'article 1719 du Code Napoléon: «Le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, 1o de délivrer au preneur la chose louée; 2o d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée; 3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. »

1 V. n. 795.

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