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Mais deux choses sont indispensables pour que le décret produise ces résultats légaux: il faut qu'il intervienne du vivant du concessionnaire, et qu'il ait été précédé de toutes les formalités exigées par la loi du 21 avril 1810.

472. En effet, le décret de concession, rendu postérieurement à la mort de la personne qui y est dénommée comme devant en recueillir le fruit, serait forcément caduc. Le droit dont ce décret est l'origine et la cause, ayant commencé d'être seulement après le décès du titulaire, n'a pu se trouver compris dans sa succession, et dès lors les héritiers n'en ont point été saisis.

Dans la pratique, les actes de concession que la caducité vient ainsi frapper sont rapportés par un autre décret'. Ce second acte toutefois n'est point indispensable.

473. D'autre part, le décret de concession qui n'aurait pas été précédé des formalités et de l'instruction administrative prescrites par la loi du 21 avril 1810 pourrait être annulé par le Conseil d'Etat sur l'opposition ou la tierce opposition des intéressés. Plus d'une fois déjà, et principalement au sujet des établissements hydrauliques, nous avons eu l'occasion de faire remarquer que si les actes d'administration publique ne sont pas susceptibles de recours par la voie contentieuse, c'est à la condition d'avoir été rendus dans les cas et les formes déterminés par la loi ou les règlements.

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Or, les cas et les formes que le législateur a déterminés en cette matière, à peine de nullité, sont l'existence préalablement constatée d'un gîte minéral ayant le caractère de mine; l'affichage et la publication de la demande en concession de ce gîte minéral, l'article 17 de la loi de 1810 ayant soin de faire observer que l'acte de concession ne purge les droits des tiers qu'autant que ces tiers ont été entendus ou appelés

■ Dufour, n. 270.

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légalement'; la réception, dans le cours de l'instruction, des oppositions et des demandes en concurrence 2; - le renvoi devant les juges civils de toutes les réclamations reposant sur des droits de propriété ou sur des titres de droit commun, et notamment le sursis pour celles de ces réclamations qui concernent d'une manière spéciale la propriété du gîte minéral; - l'avis de l'ingénieur des mines et du préfet; - la délibération de l'acte de concession en Conseil d'Etat 3.

474. Lorsqu'aucune de ces formalités n'a été omise ou éludée, l'acte de concession est complétement inattaquable.

Les atteintes plus ou moins préjudiciables que les tiers subiraient dans leurs droits, par suite de la mise à exécution de cet acte, ne seraient pas même, pour les propriétaires de la surface et les individus lésés, un prétexte pour recourir aux tribunaux civils par l'action en dommages-intérêts. Ce recours indirect, qui est possible à la suite des autorisations d'établissements classés et d'usines hydrauliques, est expressément interdit par la loi du 21 avril 1810, dès qu'il s'agit de concessions de mines. L'article 17 précité déclare, en effet, que par cela que le décret de concession a été précédé des formalités prescrites, il « purge tous les droits des tiers. »>

Cette dérogation à la règle générale se justifie facilement par l'importance des travaux à exécuter et des capitaux à exposer, lesquels, dès qu'il s'agit de mines, sont bien plus considérables que pour tous autres établissements. Le législateur, comprenant que nul n'oserait courir les risques des énormes avances que nécessite cette industrie, si dès l'origine il n'était rassuré sur l'avenir de l'exploitation, a voulu procurer aux

1 Conseil d'Etat, 13 mai 1818 (Liotard); id., 18 mars 1843 (Fabre).

* Conseil d'Etat, 21 février 1814 (Société de la Hestre); id., 18 mars 1843 (Fabre).

Dufour, n. 273.

* Conseil d'Etat, 26 août 1818 (Lurat-Vitalis).

De Serrigny, Compétence

administrat., n. 251; Jousselin, Servitudes publ., t. II, p. 53; Dufour, n. 272.

concessionnaires de mines la sécurité indispensable à la prospérité de leurs entreprises. En conséquence, il a disposé que tous les droits seraient réglés par l'acte de concession : ceux des tiers aussi bien que ceux des bénéficiaires de la concession.

Alors même cependant que le décret du gouvernement est inattaquable par la voie contentieuse, il est toujours possible de s'adresser au chef de l'Etat pour lui en demander par la voie gracieuse, dans les termes de l'article 40 du décret du 22 juillet 1806', le retrait ou la réformation. On cite, comme exemple de succès obtenu à la suite d'un recours de cette sorte, une ordonnance royale du 23 août 1820, rendue au profit d'une dame Lurat-Vitalis et prononçant le retrait d'un acte de concession.

474 bis. Le décret de concession constituant en faveur de celui dont la demande a été accueillie un véritable titre de propriété, il suit que la mission de le faire respecter et d'en procurer l'observation appartient naturellement aux juges du droit commun; c'est la conséquence de la règle qui attribue à ces juges toutes les questions de propriété. Au surplus, la loi de 1810 le constate elle-même dans son article 28, ainsi conçu: « Si l'opposition est motivée sur la propriété de la mine acquise par concession ou autrement, les parties seront renvoyées devant les tribunaux et Cours. >>

Y a-t-il là cependant une compétence générale et absolue; et les juges civils ont-ils le pouvoir d'apprécier et d'interpréter les actes portant concession de mines, aussi certainement qu'ils ont le droit d'en faire l'application? Nous ne le pensons pas, et nous croyons que c'est le cas de se conformer aux principes de la séparation des pouvoirs. Lors donc que la validité de l'acte de concession est l'objet d'une contestation sérieuse, ou toutes les fois que le sens en paraît équivoque aux juges, ceux-ci doivent surseoir à faire l'application du titre jusqu'à ce qu'il

1 V. cet article au numéro 355.

ait été apprécié et interprété par l'autorité administrative de laquelle il émane.

La Cour de cassation s'est, la vérité, prononcée pour la com pétence absolue des juges civils1; et en cela elle a suivi la voie dans laquelle elle s'était engagée à l'occasion des règlements d'eau. Ici, comme pour ces règlements, elle a cru que le texte de la loi présentait une exception au principe de la séparation des pouvoirs. Cette dérogation qui, en matière de cours d'eau, lui avait semblé résulter de l'article 645 C. Nap., lequel or donne d'observer les règlements 2, la Cour suprême l'a également vue dans l'article 28 précité de la loi de 1810. Mais, déjà nous avons eu le soin de dire que, pour nous, l'expression contenue dans l'article 645 n'a pas cette portée exceptionnelle; nous en dirons autant des termes employés par l'article 28 de la loi de 1810; nous n'y voyons rien qui contrarie la maxime Cujus condere, ejusdem interpretari.

C'est donc au Conseil d'Etat, statuant en matière contentieuse, que, le cas échéant, doivent être déférées les questions de validité et d'interprétation, relatives aux actes de conces→ sion de mines 3.

Article III.

Dé la propriété des mines après la concession.

475. Nature de la propriété conférée au concessionnaire par l'acte du gouvernement; textes.

476. Les atteintes matérielles que la construction d'une voie hydraulique ou ferrée porterait à l'exploitation d'une mine constitueraient autant d'expropriations pour cause d'utilité publique. 477. Le morcellement d'une concession par vente ou partage ne peut avoir lieu sans l'autorisation du gouvernement.

1 Cass., 23 novembre 1853 (Compagnie des forges d'Audincourt).

2 V. n. 206.

3 Conseil d'Etat, 11 février 1829 (Ling); id., 15 septembre 1848 (Compagnie des mines d'Anzin). - Dufour, n. 278; Peyret-Lallier, n. 257, 503, 509; Dupont, t. Ier, p. 216 et 219.

478. Cette autorisation est-elle également nécessaire soit pour l'amodiation partielle ou totale de la mine, soit pour toute autre convention de laquelle résulterait la division de l'exploitation? 479. L'interdiction de morceler la concession sans autorisation est d'ordre public et peut être invoquée en tout état de cause.

480. Formes de la demande en division de la concession; instance et décision administratives.

481. Pas plus que la division d'une mine, la réunion de plusieurs concessions ne peut avoir lieu sans l'autorisation du gouverne

ment.

482. Une mine concédée est susceptible de privilége et d'hypothèque. 483. De ce qui, dans une mine, est réputé immeublé ou meuble. 484. La propriété des mines se perd par le retrait de la concession.

475. Nous nous étions arrêté, en traitant de la propriété des mines, pour parler de la concession qu'en peut faire le gouvernement. Il nous semblait indispensable d'exposer tout d'abord ce qui concerne cet acte d'administration publique, afin d'en bien faire comprendre ensuite les effets légaux relativement à la propriété du gite minéral. Nous reprenons maintenant le sujet interrompu.

Avant même le décret de concession, la miné est une propriété distincte de celle de la surface, nous l'avons dit1. Il y a là, à la vérité, un bien vacant et libre; mais ce n'en est pas moins une propriété, en ce sens qu'elle est susceptible d'appropriation privée. Cette appropriation, c'est l'acte de concession qui la produit. « Cet acte, dit l'article 7 de la loi, donne la propriété perpétuelle de la mine, laquelle est dès lors disponible et transmissible comme tous autres biens, et dont on ne peut être exproprié que dans les cas et selon les formes prescrites pour les autres propriétés, conformément au Code civil et au Code de procédure civile. Toutefois, une mine

1 V. n. 424 et suiv.

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