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tation, tant qu'elle s'applique à la totalité d'une concession. Le bail d'une mine ne crée, d'ailleurs, aucun droit réel au profit du locataire, et les concessionnaires restent toujours responsables de l'exploitation, de sa régularité, de son unité vis-à-vis de l'Etat et des tiers.

479. L'interdiction de diviser l'exploitation d'une mine, sans l'autorisation du gouvernement, est d'ordre public et peut être présentée comme moyen dirimant, en tout état de cause, fût-ce même devant la Cour de cassation 1.

480. Aux termes de l'article 7. l'autorisation de diviser la mine doit être donnée « dans les mêmes formes que la concession. » Nous empruntons à l'instruction ministérielle du 3 août 1810, citée plus d'une fois déjà, le développement de cette disposition.

« Il est indispensable, dit cette instruction, lorsque, par effet d'hérédité ou autrement, une mine ou une minière concédée se trouverait dans le cas d'être partagée, que la question de partage soit soumise au gouvernement. Dans ce cas, l'administration a à examiner: 1o si la mine ou la minière concédée est susceptible de division sans inconvénient; 2o si chacun des copartageants, qui deviendrait propriétaire de portion de la mine ou de la minière, aurait les facultés nécessaires pour suivre les travaux à faire dans chacune des parties et acquitter les charges qui seraient affectées proportionnellement à chaque portion. La demande en division de mine ou minière doit être adressée au préfet du département, avec les plans de la surface, sur une échelle de dix millimètres pour cent mètres, et celui des travaux intérieurs sur celle d'un millimètre pour mètre, avec les extraits des rôles d'impositions certifiant les cotes de chacun des demandeurs et avec les avis des autorités locales sur leurs moyens et leurs facultés.

1 Cass., 4 juin 1844 (de Castellane); id., 26 novembre 1845 (Barges).

L'ingénieur des mines donne son avis sur la possibilité de la division en conservant des exploitations utiles. S'il y a possibilité, il indiquera le mode de division préférable et les travaux qui devront avoir lieu par suite de cette division. S'il y a impossibilité de partager sans compromettre la sûreté et l'utilité de l'exploitation, l'ingénieur des mines motivera son avis dans ce sens, d'après les considérations de l'état de la mine et des résultats nuisibles que produirait la division. Le préfet du département adresse son opinion sur le tout au ministre de l'intérieur (aujourd'hui, au ministre des travaux publics), lequel, après avoir pris l'avis de l'administration générale des mines, soumet un rapport à l'empereur, qui statue sur la demande, en Conseil d'Etat. Si la demande en division est admise, le décret impérial détermine le mode de partage, les travaux à exécuter par chacun des copartageants, et la proportion des charges et des redevances qui leur sont imposées. Chacun jouit ensuite de son lot comme s'il était concessionnaire originaire.

«En cas de simple mutation par vente ou hérédité, l'approbation pourra avoir lieu dans la même forme, avec cette différence qu'il ne s'agira que de constater les facultés des héritiers ou des acquéreurs, au moyen d'extraits des rôles des contributions et de l'avis des autorités locales, lesquelles pièces seront adressées, avec la demande, au ministre de l'intérieur (des travaux publics), pour être ensuite statué comme il vient d'être dit. »

481. A l'opposé de l'hypothèse où les bénéficiaires d'une concession voudraient en opérer le morcellement, le cas peut se présenter où les propriétaires de deux ou plusieurs concessions voisines s'entendraient pour les exploiter en société. Cette circonstance inverse de la précédente a été prévue par l'article 31 de la loi du 21 avril 1810, qui dit : « Plusieurs concessions pourront être réunies entre les mains du même

concessionnaire, soit comme individu, soit comme représentant une compagnie, mais à la charge de tenir en activité l'exploitation de chaque concession. »

Cette disposition se trouvant placée sous la rubrique De l'obtention des concessions, on avait essayé d'en conclure que la réunion d'une ou de plusieurs mines sous un régime unique d'exploitation était, tout comme l'obtention même des concessions, subordonnée à l'autorisation préalable du gouvernement. Le doute aujourd'hui n'est plus possible. Un décret des 23 octobre-4 décembre 1852, qui vise la loi du 24 avril 1810, ainsi que « les nombreuses réclamations adressées au gouvernement contre les réunions de mines opérées sans autorisation administrative, sur divers points du territoire, » ą disposé en ces termes : « Considérant que, dans certains cas, ces réunions sont de nature à porter un grave préjudice aux intérêts du commerce et de l'industrie; considérant dès lors qu'il est du devoir de l'autorité publique de s'y opposer... Art. 1er. Défense est faite à tout concessionnaire de mines, de quelque nature qu'elles soient, de réunir sa ou ses concessions à d'autres concessions de même nature par association ou acquisition, ou de toute autre manière, sans l'autorisation du gouvernement. -Art. 2. Tous actes de réunion opérés en opposition à l'article précédent seront en conséquence considérés comme nuls et non avenus, et pourront donner lieu au retrait des concessions, sans préjudice des poursuites que les concessionnaires des mines réunies pourraient avoir encourues, en vertu des articles 414 et 419 du Code pénal.

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Les dispositions pénales qui sont ainsi rappelées concernent les maîtres d'industries qui se coaliseraient ensemble dans le but soit de faire abaisser injustement et abusivement le salaire des ouvriers, soit d'agir frauduleusement sur le prix d'une marchandise.

Le décret du 23 octobre 1852 n'étant que l'application d'un

principe implicitement contenu dans l'article 31 de la loi de 1810, nous croyons qu'à la rigueur, et sans que pour cela il y ait violation de la règle de la non-rétroactivité des lois, la peine de nullité pourrait être appliquée même aux mines dont la réunion aurait été irrégulièrement consommée antérieurement à ce décret.

L'interdiction de réunir plusieurs concessions, sans l'agrément administratif, ne concerne que les mines de même nature; c'est un point qu'il ne faut pas oublier. Le propriétaire d'une mine de houille pourrait, sans avoir à solliciter l'autorisation, associer son exploitation avec celle d'un concessionnaire de mines de fer. Il n'y aurait là ni modification dans le périmètre des deux concessions, ni danger de coalition entre les divers détenteurs d'une même marchandise.

Une circulaire du 20 novembre 1852, adressée par le ministre des travaux publics aux préfets, s'exprime ainsi, au sujet de l'interdiction dont s'agit : « Vous remarquerez que le décret prohibe toutes les réunions, à un titre quelconque, non autorisées, aussi bien celles par location que par association et acquisition, aussi bien celles par hérédité et expropriation judiciaire, que celles par acquisition et donation à titre gratuit ou onéreux. Vous devrez donc inviter l'ingénieur des mines de votre département à vous rendre un compte immédiat de tous les faits qui lui paraîtraient constituer une infraction au décret, et pour lesquels l'autorisation administrative n'aurait pas été préalablement réclamée. Vous voudrez bien, à votre tour, me donner connaissance de ces faits, et je prendrai ou provoquerai à mon tour telles mesures que de droit. »

La prohibition de réunir, sans l'agrément de l'administration, plusieurs mines en une seule main est d'ordre public, comme l'interdiction de morceler une concession; elle est donc opposable en tout état de cause.

Comme cette interdiction encore, elle peut être levée au

moyen d'une autorisation demandée et délivrée en la même forme que la concession 1.

482. Si nous ajoutons ici quelques mots sur la possibilité où l'on est de frapper d'hypothèques les mines concédées, nous en aurons fini avec les détails sur lesquels, après avoir cité les articles 7 et 19 de la loi 2, nous avons voulu appeler l'attention de nos lecteurs.

Comme toutes autres propriétés, les mines, à partir de l'acte de concession, sont susceptibles de priviléges et d'hypothèques. L'article 19, nous l'avons vu, est exprès sur ce point; il est d'ailleurs suivi de ces dispositions: « Art. 20. Une mine concédée pourra être affectée, par privilége, en faveur de ceux qui, par acte public et sans fraude, justifieraient avoir fourni des fonds pour les recherches de la mine, ainsi que pour les travaux de construction ou confection de machines nécessaires à son exploitation, à la charge de se conformer aux articles 2103 et autres du Code civil, relatifs aux priviléges. — Art. 21. Les autres droits de privilége et d'hypothèque pourront être acquis sur la propriété de la mine, aux termes et en conformité du Code civil, comme sur les autres propriétés immobilières. »

483. Continuons à envisager les mines concédées comme des biens ordinaires, et voyons comment le législateur y a fait, au point de vue du droit civil, l'application de la règle des articles 516 et suivants du Code Napoléon, qui divise ces biens en meubles ou en immeubles.

La loi du 21 avril 1810 dispose en ces termes : « Art. 8. Les mines sont immeubles. Sont aussi immeubles les bâtiments, machines, puits, galeries et autres travaux établis à demeure, conformément à l'article 524 du Code civil. Sont aussi immeubles par destination les chevaux, agrès, outils et ustensiles ser

V. n. 479, 480.

2 V. cet article au numéro 475.

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