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autre chose qu'un titre de créance ordinaire. Tout retard ou refus de payement n'entraîne donc, sauf le cas, selon nous', où il y a lieu à interprétation de l'acte, que la compétence des tribunaux civils.

502. Ce payement n'est pas la seule obligation que les concessionnaires de mines aient à remplir vis-à-vis des maîtres de la surface. Il en est d'autres encore qui dérivent de la situation même de la propriété souterraine dont l'acte du gouvernement les a investis. « Les mines sont doublement enclavées; le corps de la mine est dans le sein de la terre; on ne peut y arriver que par des puits; et ces puits eux-mêmes, dont l'emplacement est toujours indiqué d'une manière absolue par le gisement ou l'allure de la mine, sont ordinairement dans l'intérieur des héritages 2. »

Le législateur de 1810 a donc dù autoriser l'occupation des terrains nécessaires à l'exploitation des mines sous-jacentes; mais en même temps il a voulu que cette occupation fût compensée par une indemnité de nature à réparer amplement le tort que les concessionnaires causeraient aux maîtres de la surface. Ses dispositions sont ainsi conçues : « Art. 43. Les propriétaires de mines sont tenus de payer les indemnités dues au propriétaire de la surface sur le terrain duquel ils établiront leurs travaux. Si les travaux entrepris par les explorateurs ou par les propriétaires de mines ne sont que passagers, et si le sol où ils ont été faits peut être mis en culture au bout d'un an, comme il l'était auparavant, l'indemnité sera réglée au double de ce qu'aurait produit net le terrain endommagé. Art. 44. Lorsque l'occupation des terrains pour la recherche ou les travaux des mines prive les propriétaires du sol de la jouissance du revenu au delà du

V. n. 474 bis.

Rapport au Corps législatif sur la loi du 21 avril 1810 par le comte Stanislas de Girardin.

temps d'une année, ou lorsque, après les travaux, les ter rains ne sont plus propres à la culture, on peut exiger des propriétaires des mines l'acquisition des terrains à l'usage de l'exploitation. Si le propriétaire de la surface le requiert, les pièces de terre trop endommagées, ou dégradées sur une trop grande partie de leur surface, devront être achetées en totalité par le propriétaire de la mine. L'évaluation du prix sera faite, quant au mode, suivant les règles établies par la loi du 16 septembre 1807, sur le desséchement des marais, etc., titre XI; mais le terrain à acquérir sera toujours estimé en double de la valeur qu'il avait avant l'exploitation de la mine... Art. 46. Toutes les questions d'indemnités à payer par les propriétaires des mines, à raison des recherches on travaux antérieurs à l'acte de concession, seront décidées conformément à l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII. » L'explication de ces dispositions exige quelques développements.

503. Faisons tout d'abord une observation générale.

Les articles que nous venons de reproduire prévoient deux cas: celui où des héritages seraient envahis par des explorateurs autorisés, et celui où le terrain serait occupé, postérieu rement à la concession de la mine, par les titulaires de cette concession. Ce que nous allons dire de cette dernière circonstance doit donc s'entendre également de la première. La chose sera d'autant mieux ainsi, que, lorsqué nous avons parlé des occupations de terrains nécessitées par la recherche des mines, nous avons expressément renvoyé tous les détails que le sujet comportait, à l'endroit où il serait question des occupations de terrains nécessitées par l'exploitation des mines.

504. Ainsi, explorateurs autorisés, ou concessionnaires de mines, tous ont également le droit de s'introduire sur les propriétés désignées par l'acte administratif qui forme leur titre. Ils peuvent y faire des sondages ou y établir des puits; y placer

les machines nécessaires à l'extraction des matières et à l'épuisement des eaux, les bâtiments, les haldes où se déposent les minerais et les ustensiles d'exploitation; y creuser les canaux ou rigoles nécessaires à la conduite des eaux motrices, ou à l'écoulement des eaux d'épuisement; enfin, y tracer les chemins qui se dirigent vers l'orifice des puits, etc. : ce droit d'occupation résulte virtuellement de la permission de recherches, ou de l'acte de concession.

Toutefois, les titulaires de cette permission ou de cet acte devraient, au préalable, s'adresser au préfet et faire régler par lui, sous peine de dommages-intérêts', l'exercice de leur droit; car, seul, ce fonctionnaire est juge de l'utilité, de l'opportunité des travaux; seul, même, il est compétent pour fixer l'emplacement de ces travaux, pourvu toutefois qu'il n'en autorisé pas l'exécution hors du périmètre de la concession, ou dans les lieux qu'a expressément réservés l'article 11 dont il va être ci-après parlé. Dans la pratique, les explorateurs ou les concessionnaires adressent « au préfet le projet des travaux qu'ils se proposent d'entreprendre, avec l'indication des terrains où ces travaux s'opéreront. Le préfet, sur le rapport des ingénieurs, approuve ou modifie ce projet. Son arrêté implique de lui-même autorisation de prendre possession des terrains nécessaires *. »

Dès qu'elle a été précédée de ces formalités et qu'elle s'est accomplie dans les limites ci-dessus, l'occupation des terrains échappe évidemment au contrôle des juges civils aussi bien que des juges administratifs 3. Au cas où il en surgirait des difficultés d'exécution, c'est encore au préfet, et, sur appel, au ministre des travaux publics que les occupants

Cass., 8 novembre 1854 (mines de Blanzy).

Avis du ministre des travaux publics dans l'affaire du sieur Ponelle : V. Lebon, Arrêts du Conseil, vol. de 1846, p. 90. • Conseil d'Etat, 22 août 1853 (Galland).

ou les maîtres de la surface devraient s'adresser pour y faire statuer'.

505. Au surplus, le droit d'occupation a ses bornes; il en a de naturelles, il en a de légales.

Ainsi, l'exercice en est naturellement limité aux terrains compris dans le périmètre des recherches autorisées, ou dans celui de la concession. L'explorateur, le concessionnaire qui, hors de ce périmètre, exécuterait des travaux, y fût-il même autorisé, causerait à la propriété un trouble susceptible d'ètre réprimé par les tribunaux ordinaires. D'autre part, l'arrêté préfectoral qui aurait autorisé cette entreprise constituerait un excès de pouvoir; et, en cette qualité, il serait annulé par le Conseil d'Etat auquel il aurait pu être déféré, de plano, par la voie contentieuse.

On a vu, par exemple, le Conseil d'Etat annuler, le 8 mars 1851, un arrêté par lequel le préfet du Puy-de-Dôme avait cru pouvoir autoriser le sieur Arnoux, concessionnaire des mines de la Vernade, à construire un chemin de fer, pour le service de son exploitation, sur des terrains situés en dehors du périmètre de sa concession.

506. Les autres restrictions au droit d'occupation résultent de l'article 11 de la loi du 21 avril 1810 déjà cité, mais que la longue dissertation à laquelle il va donner lieu nous engage à reproduire. Cet article est ainsi conçu: « Nulle permission de recherches ni concession de mines ne pourra, sans le consentement formel du propriétaire de la surface, donner le droit de faire des sondes ou d'ouvrir des puits ou galeries, ni celui d'établir des machines ou magasins dans des enclos murés, cours ou jardins, ni dans les terrains attenant aux habitations ou clôtures murées, dans la distance de cent mètres desdites clôtures ou des habitations. »>

1 Conseil d'Etat, 11 août 1808 (mines de Boussu); id., 3 décembre 1816 (Fogle); id., 22 août 1853 (Galland).

TOME II.

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507. Que le propriétaire d'une habitation, d'une clôture murée, puisse, aux termes de cet article 11, s'opposer aux travaux exécutés dans la distance de cent mètres de son habitation ou clôture, sur les terrains qui, non-seulement, y sont attenants, mais qui, de plus, sont sa propriété, cela va de soi et ne souffre pas de difficultés. C'est l'habitation avec ses dépendances, c'est tout ce qui constitue « l'asile de nos jouissances domestiques,» que la loi a prétendu protéger. Mais cette protection s'étend-elle au delà, et le propriétaire de l'habitation ou de la clôture peut-il encore l'invoquer lorsque les trabien qu'effectués à moins de cent mètres, le sont toutefois en dehors de son héritage?

vaux,

C'est là une question des plus controversées, et qui, dans le sens de la négative, s'appuie sur la jurisprudence constante, du moins jusqu'à ce dernier moment, des Cours impériales, mais qui, constamment aussi, est résolue dans le sens affirmatif par la Cour suprême2.

Le dernier arrêt de cette Cour, précédé des conclusions conformes de M. le procureur général de Royer, a été rendu, à la date du 19 mai 1856, en audience solennelle, toutes Chambres réunies. Il est intervenu dans les circonstances suivantes. La compagnie des mines de la Sibertière avait occupé, dans les limites de sa concession, un terrain appartenant à un sieur de Rochetailler, mais voisin de l'habitation d'un sieur Nicolas, et, en outre, séparé de cette habitation par la route impériale de Lyon à Saint-Etienne. Dans ce terrain, et à moins de cent mètres de l'habitation, la compagnie avait com

1 Exposé des motifs au Corps législatif, par Regnault de Saint-Jean-d'Angely, séance du 13 avril 1810.

2 Cass., 21 avril 1823 (d'Osmond); id., 23 janvier 1827 (Poulet ); id., 1er août 1843 (Decoster); id., 28 juillet 1852 (Nicolas) ; id., 19 mai 1856 (Nicolas). CONF. Proudhon, Dom. publ., no 752; Cotelle, II, p. 31 et suiv.; Delebecque, nos 779 et suiv.; Et. Dupont, t. I, p. 119.-Contra, Peyret-Lallier, t. I, nos 163 et suiv.; Jousselin, t. II, p. 30; Dalloz, no 158; Richard, t. I, sur l'article 11; Dufour, no 297.

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