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Par toutes ces considérations, le comité, tout en étant partagé sur quelques articles particuliers de la législation de 1802, a été unanimement d'avis que cette législation devait être modifiée, comme étant contraire aux principes d'un gouvernement qui a placé dans sa constitution la liberté de conscience parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

Telle est sommairement l'opinion du comité sur le Concordat et les articles organiques. Mais le comité ne s'en est pas tenu là. Il n'a pas voulu seulement détruire l'ancienne législation, il a voulu en édifier une nouvelle, et donner son avis sur les bases de cette nouvelle législation. C'est pour cela qu'il a successivement examiné un grand nombre de questions intéressantes qui se rattachent, pour la plupart, à ce qui devra faire l'objet du nouveau Concordat. Il s'est ainsi occupé de la nomination des évêques, de l'inamovibilité des desservants et des officialités ecclésiastiques, des Facultés de théologie, des caisses de retraite pour les prêtres âgés ou infirmes, du célibat des prêtres, des fabriques, etc., etc. Nous allons voir dans les chapitres suivants quelles ont été ses décisions sur ces graves et importantes questions.

Voici les noms des orateurs qui ont surtout pris part à la discussion sur le Concordat et les lois organiques: MM. Arnaud (de l'Ariège), Chapot, Dufougeroux, Gavaret, Grandet, Graveran, Fayet, Isambert, Moutou, Parisis, Pradié, Vaudoré, Vignerte et Vivien.

CHAPITRE III.

Du Mode de Nomination des Evèques.

Il ne faut pas perdre de vue la décision du comité du 20 décembre 1848. En émettant l'avis de faire précéder les résolutions de l'Assemblée d'une négociation avec le Saint-Siége pour s'assurer de son concours dans les modifications à faire à la discipline ecclésiastique, il a rendu hommage à ce principe, que le pouvoir civil a sans doute le droit d'intervenir dans la solution des questions mixtes, c'est-à-dire qui intéressent à la fois et l'Église et l'Etat, mais qu'il doit pour cela s'entendre préalablement avec le Saint-Siége, qui est le représentant officiel des catholiques.

Je fais cette observation afin que le lecteur ne se méprenne pas sur les intentions du comité. Il a évité avec le plus grand soin tout ce qui aurait pu ressembler, de près ou de loin, à des tendances schismatiques. Si donc il s'est occupé de la nomination des évêques et de plusieurs autres questions qui, de prime-abord, ne paraissent pas de sa compétence, il ne faut pas qu'on oublie, et nous le disons avec intention et une fois pour toutes, que ce n'est que sous la condition expresse et sous-entendue du consentement et de l'approbation du Saint-Siége.

A la vérité, quelques orateurs ont soutenu, avec beaucoup de vivacité et de talent, que l'Etat pourrait à la rigueur déterminer lui-même les rapports qu'il entend avoir avec les différents cultes, sauf à ceux-ci à accepter ou à repousser les conditions qui leur seraient faites, suivant qu'elles leur paraîtraient avantageuses ou trop blessantes pour leur dignité. Ils ont dit, en s'appuyant sur des précédents bistoriques dont

nous ne voulons pas discuter la valeur, qu'il ne pouvait y avoir deux Etats dans l'Etat, que l'Eglise méritait certainement les plus grands égards à raison de sa haute position dans le monde, qu'il lui appartenait de régler souverainement ce qui touchait à la foi et aux mœurs, mais qu'on ne devait pas traiter avec elle comme on traite avec une puissance souveraine quand il s'agit de questions mixtes dans lesquelles l'Etat se trouve intéressé; que, dans ce cas, la religion catholique devait être mise sur le même pied que les autres communions religieuses, et, puisqu'elle reçoit un traitement de l'Etat, accepter de ses mains les règlements de police qui, sans toucher à la foi et aux dogmes, importent à l'indépendance et à la dignité de la souveraineté temporelle.

On le voit, c'est toujours la vieille querelle du sacerdoce et de l'Empire, que l'on a pu craindre un instant de voir se rallumer. Heureusement que tous les membres du comité étaient animés de sentiments de conciliation trop prononcés pour que cette querelle ait dégénéré en scission. On a répondu à ces honorables orateurs que le clergé, plutôt que de voir porter la plus légère atteinte à sa dignité et à son indépendance, renoncerait mille fois à son traitement, quoiqu'il le considère comme une compensation aux sacrifices auxquels il s'est généreusement prêté, en renonçant aux biens dont il avait été dépouillé. On a ajouté toutefois que le clergé était très-disposé à faire toutes les concessions compatibles avec sa dignité, plutôt que de rompre une union encore plus avantageuse pour l'Etat que pour l'Eglise.

Après ces explications réciproques, le comité, sans prendre une décision directe, a décidé que, du moment où on était d'accord sur la nécessité de s'entendre en fait avec le SaintSiége, il était inutile de rester plus longtemps dans le domaine de la théorie pour savoir si, en principe, l'Etat pouvait régler à lui seul ses rapports avec les différents cultes. En conséquence, et tout en donnant aux honorables orateurs acte de leurs observations, il a ouvert la discussion sur le mode à suivre pour la nomination des évêques.

Cette importante discussion a tenu les séances des 21, 22 et 23 juin, 3 août 1848, et 18 février 1849.

On s'est d'abord et tout naturellement demandé s'il fallait changer le mode actuel de nomination, tel qu'il résulte des art. 5 et 17 du Concordat, ainsi conçus :

« Art. 5. Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite, seront également faites par le premier consul, et l'institution canonique sera donnée par le Saint-Siége, en conformité de l'article précédent.

« Art. 17. Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'article ci-dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle convention. »

Les partisans du statu quo ont dit qu'à la vérité l'Eglise est faite pour toutes les formes de gouvernement, qu'elle se prête sans peine aussi bien à la forme républicaine qu'à la forme monarchique, mais que cependant elle ne saurait, sans un grand dommage pour la discipline, être aussi mobile que les sociétés temporelles, qui changent si souvent de constitution. Dans cette incertitude des événements, ont-ils ajouté, n'est-il pas beaucoup plus sage de ne pas toucher à un mode de nomination contre lequel d'ailleurs personne ne proteste?

Le comité n'a pas été de cet avis. Il lui a paru convenable de mettre autant que possible en harmonie la constitution de l'Église et celle de l'État. Comment ne pas admettre l'élection dans l'Église, alors que dans l'État tout est soumis à l'élection, depuis le chef du gouvernement jusqu'au maire du village? Et puis, on ne fait en cela que revenir aux usages de la primitive Église, où l'on a vu des évêques désignés par l'acclamation du peuple à cette haute dignité. N'est-ce pas là d'ailleurs un moyen d'exciter le zèle et l'émulation, en introduisant dans le corps clérical cette vie et cette activité qu'il trouverait dans les discussions pacifiques de l'élection? Ce que l'on doit se proposer dans la nomination des évêques, c'est de faire de bons

choix; or, personne n'est plus propre pour cela que le clergé lui-même, et il importe d'autant plus de le faire intervenir dans cet acte capital, qu'on ne retrouve plus sous un gouvernement où le chef de l'État change à chaque instant, les mêmes garanties que sous une monarchie. Celui qui représente le pouvoir exécutif peut appartenir à une communion dissidente, et alors, pour se conformer à l'art. 17 du Concordat, on se trouve obligé de recourir à une nouvelle convention avec le Saint-Siége.

Il est bien plus simple, pour éviter toutes ces difficultés, de soumettre à l'élection le choix des évêques1. Mais à qui confiera-t-on la haute prérogative de donner à l'Église les premiers pasteurs? Les avis se sont ici partagés. Nous avons proposé de réunir en concile les évêques, les grands vicaires, les chanoines et les délégués du clergé secondaire de toute la province ecclésiastique, et de leur confier le soin de l'élection. C'était, selon nous, le seul moyen d'éviter les influences locales, et de faire porter le choix sur un candidat connu et apprécié dans plusieurs diocèses. Par là on laissait dans l'ombre les sujets médiocres pour élever les hommes d'un mérite supérieur. L'État n'intervenait pas dans ce mode de nomination; seulement si, par impossible, l'élu ne pouvait lui convenir, il avait le droit d'opposer son veto, et le concile provincial procédait à une nouvelle élection.

Ce système n'ayant pas prévalu, il s'en est présenté plusieurs autres. Quelques membres du comité voulaient faire intervenir tout le peuple. C'était, suivant eux, le meilleur moyen de l'attacher à la religion. Il serait d'autant plus dévoué à ses pasteurs qu'il les aurait lui-même choisis. Ils invoquaient d'ailleurs ce qui s'était pratiqué plusieurs fois dans la primitive Église. Mais on répondait à cela qu'il n'en est plus aujourd'hui comme autrefois où tout le monde était catholique et où presque tous pratiquaient la religion. Cet

Plus tard, le comité a semblé revenir sur cette opinion en adoptant le rapport ci-après de M. Isambert. Il lui a paru qu'il n'y avait pas urgence, que peut-être il était plus convenable de rester dans le statu quo.

et

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