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CHAPITRE IX.

Des Ordinations.

Un membre de la sous-commission du budget des cuites fait la proposition qu'à l'occasion du chapitre VII, relatif aux bourses des séminaires, il soit fait rappel des dispositions de l'article 26 de la Loi organique du 18 germinal an X, qui veut qu'aucune ordination ne soit faite dans les ordres sacrés sans que le nombre des personnes à ordonner n'ait été préalablement soumis au gouvernement et par lui agréé.

Cette demande, dit-il, est fondée sur ce qui résulte de l'état officiel fourni par l'administration des ordinations qui ont eu lieu depuis 1827 jusques et y compris 1847; ces ordinations ont dépassé, chaque année, de plus du tiers, le nombre des décès des prêtres employés dans le service paroissial. Ce nombre était, pour les ordinations, de 33,571, et, pour les décès, de 20,221; excédant : 13,350, ce qui a plus que suffi pour combler les vides du sacerdoce. Il est possible d'en conclure que les jeunes prêtres ainsi nommés sont employés quelquefois au préjudice des prêtres de paroisse, dont les émoluments sont ainsi diminués.

La sous-commission s'est assurée que cet article 26 ne s'observe plus, et que le ministre n'est informé des ordinations qu'après qu'elles sont consommées. Si le gouvernement entravait le renouvellement du sacerdoce, ce serait une persécution dont il importerait de faire justice par un appel à l'Assemblée nationale; mais si ce reproche ne peut lui être adressé, n'importe-t-il pas de maintenir l'alliance de l'Église et de l'État par un concert basé sur l'observation des lois ?

Si des diocèses ne sont pas pourvus du nombre de prêtres

nécessaires, le gouvernement, averti, restreindrait, pour ceux où il y a excédant, le nombre des ordinations, et l'encouragerait pour les autres par un nombre excédant de bourses, et, dans tous les cas, MM. les évêques peuvent faire un appel les uns aux autres, pour obtenir le complément de sujets qui pourrait leur manquer.

Mais une considération plus décisive est invoquée; la Loi du 21 mars 1832, par son article 14, no 5, exempte du recrutement les élèves des grands séminaires régulièrement autorisés à continuer leurs études ecclésiastiques, sous la condition d'entrer dans les ordres majeurs à 25 ans accomplis. Ne suit-il pas de là, au préjudice de l'État, et par rapport aux autres familles, un privilége d'autant plus exorbitant que la Constitution propose de supprimer la faculté du remplacement, et, dès lors, n'en résulte-t-il pas pour l'État le droit de s'opposer à un nombre d'ordinations supérieur aux vides qui se font annuellement dans le sacerdoce? Si le comité adoptait le rappel à l'exécution de l'article 26 de la Loi organique, fondée sur le privilége établi par la loi du recrutement, et sur ce que, dans les dernières années, le nombre d'ordinations a excédé presque de moitié le nombre des décès, il y aurait lieu de demander qu'il soit, chaque année, rendu compte au budget de l'exécution de ces dispositions.

M...... blâme sévèrement cette proposition. Il trouve que le comité des cultes aurait tort de s'ingérer dans la discipline intérieure de l'Église, et il ne peut pas admettre le rappel proposé de l'art. 26 de la Loi organique de l'an X. Ce serait mettre tout à fait la main à l'encensoir. Le corps ecclésiastique ne mérite pas la défiance dont on semble vouloir l'entourer.

M. ..... explique les intentions de la sous-commission, dont il est membre, en disant qu'elle était uniquement préoccupée de la question financière ou d'économie, mais il pense qu'il n'y a rien à changer en l'état aux garanties qui entourent les ordinations.

M. ..... continue le développement de la même idée, et la

justifie surtout en disant, que les évêques, quand ils ordonnent des prêtres, ne créent ni des cures, ni des vicariats, ni rien en un mot qui soit une charge pour l'État.

M. ..... soutient que l'art. 26 dont il s'agit était exécuté sous l'Empire, et que Napoléon n'était pas homme à laisser inexécutées les dispositions des lois organiques; mais en dernier lieu cet article était tombé en désuétude. Il s'agit de savoir si cet état doit continuer. La loi du recrutement, qui dispense les ecclésiastiques du service militaire, donne au gouvernement le droit de veiller à ce que le nombre d'ecclésiastiques ne soit pas exorbitant. L'orateur s'alarme de la tendance chaque jour plus forte de multiplier le nombre des ordinations, et il croit que l'Église a suffisamment de sujets. L'État doit entretenir le culte catholique, salarier ses ministres, mais rien de plus. Il est impossible qu'on ne secoure pas un prêtre dans le besoin; il importe donc que l'État veille à ce qu'on n'en fasse pas un trop grand nombre.

M. ..... reconnaît qu'en effet l'article invoqué existe; mais il pense que l'inexécution de cet article dans tous les temps démontre assez ce qu'il a d'insolite. Il y a dans la loi organique beaucoup d'articles qui n'ont pas été exécutés, parce que la pratique a démontré le vide de certaines théories; l'article dont il s'agit est de ce nombre. Quant à ce qui est de l'intérêt qu'a l'État de connaître par anticipation le nombre des prêtres ordonnés, il faut observer que l'État n'a de rapports qu'avec les membres du clergé salariés. L'évêque ou le diocèse contracte une obligation sacrée envers les ecclésiastiques qui sont ordonnés, il doit pourvoir à leur entretien; cette obligation impose une grande réserve et une attention sérieuse, dans l'admission aux ordres sacrés. L'État a là une garantie suffisante contre le danger signalé par M. ......

M...... fait observer que les ecclésiastiques, qui ne sont pas ou qui n'ont pas été nantis d'un titre, n'ont aucun droit aux fonds de secours qui figurent sur le budget et n'y prennent aucune part.

M. ajoute que le nombre des vacances à remplir depuis la révolution est loin d'être atteint; il s'était fait un vide énorme dans les rangs du clergé, et il y a beaucoup à faire encore pour que le nombre des prêtres réponde aux besoins de diverses paroisses.

M. ..... répondant aux observations de M. ..... en ce qui touche les tendances que pourrait avoir le comité des cultes à empiéter sur l'ordre spirituel des attributions ecclésiastiques, déclare que pour sa part il proteste de sa profonde soumission aux lois de l'Église en ce qui touche l'ordre spirituel et les règles de la discipline intérieure; il ne pense pas que le comité ait eu jamais l'intention de faire là-dessus le moindre empiétement; car, s'il en était autrement, il serait des premiers à formuler son opposition. Quant à ce qui est de la question en elle-même, c'est-à-dire du rappel proposé de l'art. 26 de la Loi organique de l'an X, il pense qu'il n'y a pas opportunité à la traiter dans le moment présent, et qu'elle trouvera bien plus naturellement sa place dans la discussion des divers travaux préparatoires auxquels, selon lui, le comité des cultes devra bientôt se livrer pour la révision des lois organiques et concordataires qui ont réglé jusqu'ici d'une manière si imparfaite les rapports de l'Église avec l'État ; il demande en conséquence, que sans aller plus avant dans cette discussion, qu'il considère à la fois comme inopportune et à certains égards comme dangereuse, l'ajournement en soit prononcé.

.....

M...... partage l'opinion émise par M. au point de vue général des empiétements reprochés au comité des cultes. Il voudrait cependant, sur la question spéciale, que le comité ait une opinion faite ou au moins préparée pour le cas où elle serait soulevée au sein de l'Assemblée. Il pense que si l'argument est présenté dans sa crudité, il trouvera de l'écho dans l'Assemblée, car il est puissant. La loi existe, elle est formelle; on ne peut que l'exécuter ou la réformer. Vainement l'on dit qu'elle n'a pas été exécutée; il suffit qu'el'e

existe. La question du recrutement est de nature à donner à ce débat un intérêt d'actualité qui rendra l'exécution de la loi indispensable. Pour sa part, il voudrait qu'elle fût exécutée.

L'ajournement de cette question est mis aux voix et

adopté.

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