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l'homme faible a reculé; l'homme fort a persisté parce qu'il s'est senti assez d'énergie pour tenir sa promesse. Mais si on laissait un moyen légal de se soustraire à la sévérité de la règle ecclésiastique, la carrière serait ouverte aux caractères incertains, aux esprits faibles et mobiles, le sacerdoce serait livré à toutes les inconstances, et perdrait toute sa dignité. Laissons donc le prêtre à sa véritable famille aux malheureux qu'il console, aux pauvres qu'il soutient, aux fidèles qui suivent ses conseils, et qui sont ses enfants. Laissons-lui la vie solitaire, calme et retirée du presbytère, c'est la seule qui convienne au saint ministère qui lui est confié.

« Qu'on y songe bien, jamais l'Église ne renoncera à la sévère obligation du célibat pour ses ministres, et si la loi civile venait détruire les sages précautions de l'ancienne discipline ecclésiastique, la société aurait à en souffrir bien plus encore que la religion.

« L'immense majorité du clergé de France, comme à d'autres époques, n'y trouverait qu'une occasion de montrer sa fermeté et sa vertu; mais il suffirait de quelques esprits dépravés, de quelques passions honteuses pour amener de déplorables scandales, et le désordre produit par de tels mariages serait bientôt, dans les circonstances où nous nous trouvons, un auxiliaire pour les ennemis de la famille, une arme dangereuse tournée contre le lien social.

<< Nos premières assemblées commirent une faute dont tout le monde connaît les conséquences funestes; le Concordat la répara en replaçant les ecclésiastiques sous l'ancienne discipline de l'Église. Et maintenant vous n'irez pas renverser par une loi la sauvegarde que la législation actuelle offre à la moralité publique, à l'opinion de la majorité et aux idées religieuses. Vous ne jetterez pas au milieu de la société, déjà si ébranlée, un nouvel élément de trouble et de désordre. Nous croyons entrer dans les sentiments de l'Assemblée, en repoussant les vœux des pétitionnaires, et en vous proposant l'ordre du jour 1. »

Pour compléter les observations présentées par M. Dufougeroux, nous

La discussion s'engage sur ce Rapport :

.........

M. .............. dit que la jurisprudence n'est pas fixée, attendu qu'il n'y a jamais eu de la part de la Cour de cassation que des arrêts de la Chambre des requêtes; des mariages ont été contractés, et personne n'a songé à en demander la dissolution par rapport à l'état des enfants. La question de principe ne peut pas être considérée comme résolue ni par la loi ni par la jurisprudence. Reconnaître qu'un individu peut se faire protestant et lui contester le droit de se marier, c'est tomber dans une contradiction choquante; à ce point de vue la question ne s'est pas produite.

J'aurais voulu, ajoute l'orateur, que la question fût seulement envisagée sous le rapport social, à cet égard la solution eût paru mieux justifiée. Je pense qu'une loi qui interdirait le mariage aux prêtres pendant un temps donné, après leur renonciation à la prêtrise, serait facilement adoptée, et serait même désirable.

Je voudrais donc qu'on signalât la nécessité d'une pareille loi en présence de la Constitution nouvelle, qui déclare si formellement que chacun professe librement sa religion. Il n'y aurait aucun moyen de refuser à un prêtre le mariage civil qu'il demanderait à un maire.

M....... combat ces raisonnements et fait observer que les canons obligent le prêtre, non-seulement tant qu'il exerce ses fonctions, mais encore toute sa vie, quels que soient ses caprices et son changement de volonté; le caractère du prêtre est indélébile, rien ne peut l'effacer, et les obligations qu'il impose suivent partout et toujours celui qui en est revêtu.

M. ..... demande que les conclusions du Rapport soient formulées dans le sens du renvoi au ministre de la justice. A son avis il y a une lacune dans la législation, il faut que cette lacune soit comblée; et c'est pour cela qu'il demande le renvoi au ministre de la justice, afin que le gouvernement

renvoyons à la note de l'art. 1er du Concordat, page 96, où sont rapportées les décisions de la jurisprudence sur le mariage des prêtres.

prenne l'initiative d'un projet de loi réglementaire sur un point de cette importance. Une des dispositions de cette nouvelle loi devrait interdire d'une manière absolue le mariage entre le prêtre et sa pénitente; elle devrait l'interdire aussi entre le prêtre et toute autre personne pendant cinq ans au moins après la cessation de ses fonctions ou la renonciation publique et officielle de son caractère de prêtre.

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M. pense que le comité des cultes, comme tous les autres comités dans l'ordre de leurs spécialités, doit s'occuper avec soin des questions qui touchent aux intérêts du culte, mais seulement de celles-là, et ne pas empiéter sur des attributions qui lui sont étrangères: or il lui semble qu'il s'agit ici de l'introduction de nouvelles mesures législatives qui doivent être combinées avec les dispositions de même nature qui existent déjà, et que ce travail lui paraîtrait devoir être plutôt du ressort du comité de législation que de la compétence du comité des cultes. Quant à la question en elle-même, telle qu'elle est en discussion, il pense que sa gravité seule doit faire un devoir au comité des cultes d'être extrêmement réservé, et il croit qu'il y a intérêt pour le gouvernement luimême à ce que cette question ne soit pas soulevée.

M. ........ soutient et justifie de nouveau les conclusions du Rapport de la sous-commission; puis, abordant la proposition nouvelle d'un des préopinants, il remarque en première ligne une impossibilité réelle d'exécution. Comment savoir, en effet, dit-il, si telle personne a été pénitente ou non du prêtre qui demande à contracter mariage avec elle? Remarquez que la Convention n'autorisa le mariage des prêtres qu'après que la constitution civile du clergé cut déjà porté ses détestables fruits. Le Concordat réforma cela, et les lois organiques disposent que le clergé ne pourra pas enfreindre les règles consacrées par les canons: or ces règles ne sont pas douteuses. Le Code civil, il est vrai, ne porte pas le caractère sacerdotal au nombre des empêchements dirimants du mariage; mais ce silence même fait revivre et consacre implicitement les dispositions du Concordat et des lois organiques.

M. .......... fait observer qu'au lieu de traiter la question au fond, il serait peut-être plus convenable d'examiner préalablement s'il n'y aurait pas lieu, tout en proposant l'ordre du jour, de le motiver simplement sur l'intérêt et les raisons générales de convenance plutôt que sur des moyens de droit puisés dans les différents aperçus de notre législation actuelle. Il croit que l'Assemblée se montrerait plus accessible et plus favorable à cet ordre d'idées qu'elle ne pourrait l'être en raison de l'ordre si élevé à la fois et si juste des raisons sur lesquelles s'est appuyé le Rapport.

M...... fait observer que les pétitions qui ont donné lieu au débat actuel ont pour objet, d'abord, l'abolition du célibat des prêtres; qu'à ce point de vue les conclusions du Rapport qui tendent à l'ordre du jour n'auraient besoin d'aucune justification; qu'en effet, à moins de vouloir rétablir la constitution civile du clergé et les lois de la Convention qui lui servaient d'annexes, on ne saurait songer à régler par des lois civiles la discipline intérieure du clergé; que la question dont il s'agit n'a d'intérêt que pour reconnaître ou refuser au prêtre l'autorisation de rentrer dans tous les droits de la vie civile, lorsqu'il en est sorti à certains égards en acceptant les immunités et les charges du caractère sacerdotal; que, considérée sous cet aspect, elle peut encore entraîner de graves inconvénients, si elle est soumise à un débat public. Dans l'état présent des esprits, cette discussion pourrait être fort irritante; et comme il n'aperçoit pas bien les avantages qui pourraient compenser un tel inconvénient, il pense donc qu'il y aurait lieu de proposer l'ordre du jour pur et simple, en le motivant sur ce que les demandes des pétitionnaires ne sont justifiées par rien.

M.

.....

répond qu'il serait très-porté, pour sa part, à entrer dans ces considérations, dont il comprend toute la gravité; mais que la manière dont est formulé le Rapport ne lui permet pas d'en laisser passer les assertions sans un mot de réponse. Il y a certaines inexactitudes, surtout dans les appréciations faites des arrêts intervenus sur la matière; il prévoit

donc que le débat sera nécessaire. Quant au fond du droit, quelque irritante que puisse être cette discussion, il faut cependant qu'elle puisse être abordée; d'ailleurs, en proposant une loi dans le sens précédemment exposé, tous les intérêts seraient satisfaits.

M......... aurait désiré que cette question ne se fût pas présentée ni pour le comité, ni pour l'Assemblée; cependant il ne faut pas reculer devant la nécessité. La prohibition du mariage n'est que disciplinaire. Dans la primitive Église, le mariage était permis, les Écritures et la Tradition en font foi; plus tard le mariage a été interdit par les conciles, et les motifs sur lesquels on s'est fondé ont une grande valeur et ils subsistent encore aujourd'hui.

Le comité a décidé que l'ordre du jour sera proposé à l'Assemblée.

Ont surtout pris part à cette discussion: MM. Cenac, Chapot, Dufougeroux, Fayet, évêque d'Orléans, Graveran, évêque de Quimper, Isambert, Jouin, Parisis, évêque de Langres, Vaudoré.

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