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« Art 63. Les prêtres desservant les succursales sont nom« més par les évêques. »

« Si l'on s'en était tenu à la stricte observation des dispositions législatives qui viennent d'être rapportées, les desservants auraient été, comme l'indique formellement l'article 31, en tous points assimilés aux vicaires, c'est-à-dire qu'ils n'auraient point été curés eux-mêmes, mais auraient comme les vicaires exercé leur ministère sous la surveillance et le contrôle du curé dans le ressort territorial duquel leur succursale aurait été comprise. Il n'en a pas été ainsi, les desservants ont reçu le titre et toutes les attributions des curés, moins l'inamovibilité, c'est-à-dire qu'à leur égard, il y a eu modification de la discipline ecclésiastique, telle 'qu'elle était reçue en France avant 1789. Examinons s'il n'y avait pas quelque raison pour qu'il en fût ainsi.

« D'abord les conditions de l'existence temporelle des curés de paroisse étaient singulièrement changées; il n'y avait plus ni prébendes, ni bénéfices; d'un autre côté, l'organisation sociale n'était plus la même ; là où il y avait autrefois des seigneurs et des serfs, l'égalité régnait désormais. Enfin, l'application

le 18 août 1803, par le cardinal Caprara, une protestation officielle et détaillée contre tout ce que les articles organiques renfermaient de contraire aux lois et à la discipline de l'Église. Dans la notification de 1809, il rappela la protestation de 1802 contre ce qu'il désigne sous le nom de Constitution or ganique ; à Fontainebleau et à Savone il renouvela ses plaintes. Enfin, dans le Concordat de 1817, acte solennellement ratifié et confirmé, quoique non suivi d'exécution, il fit insérer la disposition suivante : « Les articles dits organiques, qui furent faits à l'insu de Sa Sainteté, et publiés sans son aveu, le 8 avril 1802, sont abrogés en ce qu'ils ont de contraire à la doctrine et aux lois de l'Église. »

Tout cela n'a point empêché les partisans obstinés des articles organiques de dire que ce qui donne à penser que le pape ne considérait pas ces disposi tions législatives comme essentiellement hostiles à l'esprit de l'Église, c'est qu'il en a toléré l'exécution, qu'il n'en a pas formellement exigé la modification, et que lorsqu'en 1804 le pape Pie VII est allé à Paris sacrer l'Empereur, il n'a reçu de lui d'autre serment que celui d'observer les lois du Concordat. (Voir sur les débats auxquels donnèrent lieu la formule et les termes du serment entre l'Empereur et le Pape, le rapport de M. Bernier, évêque d'Orléans, au Ministre des affaires étrangères, et le rapport de M. de Talleyrand à l'Empereur, du 13 juillet 1804 (Artaud, Hist. de Pie VII, t. II, chap. 12).

générale du principe d'inamovibilité appelait nécessairement le rétablissement des officialités ou de tribunaux disciplinaires ecclésiastiques; or, là se présentaient des difficultés de mise en œuvre considérables au double point de vue de l'organisation de ces tribunaux et des résistances qu'ils auraient pu rencontrer dans les préjugés de cette époque.

« La peine déjà fut assez grande pour faire adopter le Concordat sous le patronage même des articles organiques, œuvre exclusive, cependant, du pouvoir temporel.

« Qu'on se figure ce qu'eût été l'opposition et ce qui serait peut-être arrivé, si l'on avait proposé le système général de l'inamovibilité avec l'annexe nécessaire des tribunaux disciplinaires ecclésiastiques ayant leur procédure à part et leurs attributions propres. Croit-on qu'on eût pu faire accepter cela par des hommes qui occupaient toutes les branches du pouvoir, qui sortaient de la révolution, et qui, tout imprégnés encore de l'esprit philosophique du dix-huitième siècle, considéraient le rétablissement du culte comme un outrage à ce qu'ils appelaient l'esprit national, comme un démenti aux prétendues conquêtes de la raison humaine? Non, cela n'eût pas été possible, et l'on ne devait pas y songer.

« Au surplus, cette modification dans l'ancienne discipline se justifie encore par des considérations d'une nature plus intime.

« Reportons-nous aux premiers temps de l'érection des diocèses, après le Concordat de 1801, pour apprécier dans son ensemble la position des premiers évêques institués, récemment assis sur leurs nouveaux siéges. De quel clergé, de quels prêtres se voyaient-ils entourés? Les uns (ils ne laissaient pas que d'être nombreux) avaient trempé dans le schisme, et la plupart ne semblaient pas encore en être entièrement revenus; les autres sortis de leurs retraites, ou rentrés dans le pays après dix ans d'exil, avaient droit à plus de confiance, mais si le motif de leur éloignement était saint et sacré, leur conduite privée durant ce long espace de temps demeurait inconnue et ne pouvait encore s'apprécier; d'autres, enfin, élevaient déjà des doutes sur la validité canonique du Concordat,

et menacaient nos églises d'un nouveau schisme qui, en effet, ne tarda pas à éclater. Dans cet état de choses, quel parti pouvaient prendre les nouveaux évêques? S'ils avaient donné des titres inamovibles à tous ces prêtres divisés entre eux, suspects ou menaçants, et plus ou moins inconnus, c'en était fait peut-être de l'Église en France, car son salut dépendait plus que jamais de l'orthodoxie et de la moralité du clergé paroissial. Cependant, il fallait ériger sans délai les paroisses, rétablir immédiatement l'exercice du culte, et pourvoir au bien spirituel des peuples. Que faire donc? Pas autre chose n'était possible et sage que ce qui se fit en effet. Chaque paroisse eut son curé révocable à la volonté de l'évêque dans le cas où une triste expérience ferait reconnaître que telle nomination avait été malheureuse, et qu'il importait de la révoquer. Qui oserait blamer aujourd'hui même cette manière d'agir, et qui balancerait à l'approuver? Disons-le cependant, on pouvait donner des titres à certains prêtres d'une vertu solide et éprouvée, et ce fut aussi généralement par de tels choix que les évêques pourvurent aux places inamovibles ou cures de canton. Mais ces places une fois remplies, on ne pouvait ni accorder à tous les autres curés ce même droit d'inamovibilité, au risque de se lier les mains dans une infinité de cas contre lesquels il fallait précisément se prémunir, ni l'accorder aux uns en le refusant aux autres, et jeter par là des germes de division dans le clergé. Un autre obstacle s'opposait encore au rétablissement du même droit pour tous; les évêques devaient, d'après l'art. 9 du Concordat, s'entendre avec le gouvernement et obtenir son consentement pour la circonscription des paroisses; or, le gouvernement ne voulait de son côté reconnaître en général comme curés inamovibles que les curés des chefs-lieux de canton; ce fut donc par la force même des choses et comme par une nécessité inévitable que la plupart des paroisses furent érigées en simples succursales sans condition d'inamovibilité 1. »

• Ce passage est extrait d'une note officieuse remise au rapporteur par des membres très-recommandables du clergé étrangers à l'Assemblée nationale.

<< Toutes ces raisons réunies expliquent assez comment le souverain pontife et l'Église de France avec lui ne crurent pas devoir s'opposer autrement que nous l'avons dit à l'exécution des articles organiques sur ce point; de son côté, le gouvernement, s'inspirant des leçons de l'expérience, laisse dans l'oubli certaines dispositions de ces articles organiques inconciliables avec la discipline et l'indépendance de l'Église; de sorte que ces dispositions, tombées en désuétude, perdirent leur force obligatoire et cessèrent d'être un épouvantail pour les consciences fidèles et timorées.

« Au surplus, il n'est pas hors de propos de faire observer que les évêques firent tout ce qui dépendait d'eux pour rehausser le caractère des prêtres succursalistes. Le décret organique les réduisait au simple état de vicaires en les subordonnant aux curés de canton; l'épiscopat leur donna toute l'importance et toutes les attributions de ces derniers, sauf l'inamovibilité, révélant par anticipation tout l'intérêt que devait lui inspirer cette classe nombreuse des desservants.

« C'est sous l'empire de cette législation du Concordat et des articles organiques, ainsi modifiés par l'usage, que la religion s'est rétablie en France, que le clergé s'est reconstitué et a vécu jusqu'à nos jours. On ne peut pas dire assurément que ces conditions d'existence aient été défavorables à son développement. Quelle administration plus apostolique et plus paternelle à la fois que celle des évêques? Quel clergé plus recommandable par ses vertus, ses lumières et le sentiment profond de sa discipline que le clergé français ? Quelle vie plus remplie de dévoûment que celle de ces modestes prêtres qui, soit au sein de nos villes, soit au milieu de nos campagnes, distribuent sans relâche les secours de leur ministère à tous les besoins et à toutes les souffrances?

Cependant, éveillés par quelques publications d'une doctrine équivoque, une vague préoccupation s'est emparée de l'esprit de quelques-uns; ils ont cru leur indépendance menacée et la dignité de leur ministère compromise. En consultant dans les publications dont nous venons de parler les

traditions et les souvenirs historiques, ils ont vu que partout et depuis des siècles l'Église a eu soin d'assurer aux pasteurs des âmes une existence fixe et indépendante 1, et ils se sont demandé quel si grand intérêt les privait aujourd'hui de cette inamovibilité dont leurs prédécesseurs avaient si longtemps joui.

« D'autres avec eux se le sont aussi demandé, et de ce nombre se trouvent ceux de nos honorables collègues qui sont les auteurs de la proposition qui fait l'objet de notre

examen.

« Ils ont dit, pour soutenir leur thèse, que le système d'amovibilité est une innovation récente, contraire à la discipline générale de l'Église, tant ancienne que moderne, et décrétée par un pouvoir incompétent;

« Que l'amovibilité dépouille le clergé de toute garantie et subordonne ses destinées à la volonté, sans contrôle, d'un seul homme, d'où suivent nécessairement la déconsidération du clergé inférieur, son découragement et la rareté des vocations, la faiblesse de son caractère, le défaut d'affection réciproque des curés et des paroissiens;

<< Que la continuation du système d'amovibilité détacherait le clergé de l'épiscopat et nuirait à la bonne harmonie qui doit régner entre l'évêque et ses prêtres ;

« Que l'amovibilité n'est pas un moyen indispensable à l'épiscopat pour tenir le clergé inférieur dans le respect et la

On trouve le passage suivant dans un concile tenu à Nîmes, en 1096, sous la présidence d'Urbain II : Sacerdotes quando regendis præficiuntur ecclesiis, de manu episcopi curam animarum suscipiant, ubi et in tota vita sua desserviant, nisi degradentur canonico judicio.

(Canon IX, Recueil général des Conciles, p. 1751.)

Le concile de Trente à son tour, dans sa session 24 de Reform., ch. 13, s'exprime ainsi :

Ut in iis civitatibus et locis ubi parochiales ecclesiæ certos non habent fines, nec carum rectores proprium populum quem regant, sed promiscue sacramenta administrant episcopi pro tutiori animarum eis commissarum salute, distincto populo in certas propriasque parochias unicuique suum perpetuum peculiaremque parochum assignent qui eas cognoscere valeat et a quo solo sacramenta suscipiant.

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