Page images
PDF
EPUB

propriété de sa terre, de son industrie, de son corps même, et condamné par le droit de l'épée à ne plus vivre que pour les vainqueurs (1). Ensuite, nous avons vu ce peuple, au moment où il s'arrachait à ses maîtres, subjugué par des hommes sortis de son sein, qui se l'attribuèrent comme un domaine sans possesseur, qui devient la proie du premier occupant (2). Désormais, il se présente à nous courbé sous la ligue de ses premiers et de ses seconds conquérans, unis pour mettre en commun leur avidité et leur force (3).

Cette troisième révolution dans l'état du peuple d'Angleterre devait être par ses résultats la plus funeste de toutes (4). L'armée des maítres s'est doublée; les brevets, les places, les pensions, les impôts, ont crû du double ; dans la même mesure ont décrû la puissance et l'espoir de reconquérir la liberté. Le nombre de gens

(1) Voyez, dans le tome IV, la première partie de cette Histoire.

(2) Voyez, dans le tome V, la seconde partie.

(3) Voyez, dans le tome VIII, la troisième partie. (4) « Une restauration est d'ordinaire la plus dangereuse et la plus mauvaise de toutes les révolutions. »> (Fox, Histoire des deux derniers rois de la maison de Stuart, tome I.)

[ocr errors]

sujets d'origine, qui possèdent des places ou qui aspirent aux places; le nombre de ceux qui sont redescendus dans le peuple, congédiés, licenciés, réformés par la troupe des gouvernans, et qui n'ont plus d'autre objet que d'obtenir de nouveau ce que leur a fait perdre ou la néces sité ou la défaveur; la foule immense d'hommes qui, sans abandonner les travaux des citoyens, sont engagés, par reconnaissance, par ambition, par espoir, dans la troupe de ceux pour qui les citoyens travaillent; ce mélange des races, cette confusion des caractères, ont détruit les signaux visibles auxquels se ralliaient les deux espèces d'hommes que nous avons vues si distinctes.

Mais si ces causes rendent moins facile une lutte générale des sujets contre les maîtres, elles doivent aussi créer des obstacles à l'action journalière des maîtres contre les sujets. S'il y a parmi ceux-ci une moindre communauté d'affections et d'intérêts, il y a parmi les autres des jalousies, des haines, des partis. Une faction s'est soulevée contre le chef de l'armée parce qu'elle le soupçonne de partager inégalement les fruits de la victoire commune, et de trop prétendre pour lui-même. Elle masque son opposition sous une apparence d'amitié pour

le peuple des sujets; elle soutient les patriotes pour en être soutenue. Il y a donc quelque espoir nouveau que le pouvoir de la conquête sera diminué, si cette diminution favorise les destitutions et les promotions qui sont l'objet de la faction opposante.

Nous entrons en effet dans un temps de concessions successives faites par les gouvernans aux subjugués, concessions toujours faites à regret, et ne devant jamais survivre à la nécessité qui les aura évoquées. C'est la vigueur du parti de l'opposition qui décidera de la liberté des sujets, et ce parti n'a rien de commun avec eux. Nous avons déjà vu l'opposition, unie aux patriotes, protester contre la guerre de Hollande et contre les armées entretenues par le roi; nous la verrons encore faire des demandes pour le pays; mais ce sera toujours avec la pensée de ne rien maintenir que son propre intérêt. Les réformes obtenues pour les citoyens seront abandonnées au courage des citoyens là sera leur seule tutelle et la sauvegarde de leur existence. Si les sujets plient, elles périront. Nous allons voir ces vicissitudes se renouveler plusieurs fois, jusqu'au temps où l'opposition ayant réussi, ayant conquis pour elle les profits du pouvoir, rompra son

alliance forcée, et se retranchera dans son camp naturel.

1678. Charles II, associé dans la poursuite de ses projets d'ambition avec les gens à places catholiques, les regardait avec mépris comme de simples instrumens ds ses desseins: par un concours d'égoïsme, ces hommes ne tardèrent pas à l'estimer comme il les estimait euxmêmes, et à ne plus voir en lui qu'un instrument de leur fortune.

Le secret de cette ligue était divulgué, l'opposition grandissait en marchant, un retard pouvait tout faire perdre: et le roi, timide et indolent par caractère, n'osait rien presser. Alors une division se fit sourdement; la faction qu'il avait ameutée le répudia en secret, et résolut d'agir sans lui, d'agir contre lui, si l'occasion l'exigeait. Le duc d'Yorck, frère de Charles II, était plus actif; il était catholique par goût; la ligue le regarda comme son chef, et le destina à être roi (1). On ne peut guère imaginer de situation plus critique que celle de

(1) « They know you will only trot, and they wan » a prince that will gallop.... » (Mot du lord Halifax à Charles II.) Echard's History, part. III, p. 950. Rapin Thoyras, tom. IX, page 403.

Charles; de quelque côté qu'il se tournât, il devait rencontrer des dangers; il était menacé par les sujets, ses ennemis naturels; il était menacé pas les opposans, à qui il avait déclaré la guerre en aspirant à les gouverner; et pour dernier péril, il était menacé par ses propres créatures, qui tremblaient que sa faiblesse ne sût pas leur donner ce que leur avait promis son ambition (1).

L'intrigue se dénoua bientôt; le 12 d'auguste 1678, un homme aborda le roi dans son parc et lui dit : « Retirez-vous, sire, on en veut à votre vie (2). » Cet homme interrogé répondit que deux assassins, qu'il nomma, s'étaient engagés à tuer le roi; et il dénonça des prêtres, des jésuites et le confesseur du duc d'Yorck (3).

Charles II, à cette déposition, pénétra la manœuvre qu'il ignorait, et il en fut effrayé; il vit avec épouvante qu'il n'y avait plus de refuge pour lui, que dans l'adresse, dans l'activité, et dans un prompt succès. En laissant découvrir et rechercher les auteurs du complot,

(1) Échard, III. partie, page 750.

ras, tome IX, page 403.

[blocks in formation]

(2) Hume's History, chap. LXVII, page 510. (3) Idem.

« PreviousContinue »