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Le prince Murat a établi son quartier-général à l'abbaye de Molk. Ses avant-postes sont sur SaintPolten (Saint-Hipolyte).

Dans la journée du 17, le général Marmont s'est dirigé sur Léoben. Arrivé à Weyer, il a rencontré le régiment de Giulay, l'a chargé, et lui a fait 400 prisonniers, dont un colonel et plusieurs officiers. Il a poursuivi sa route. Toutes les colonnes de l'armée sont en grande manœuvre.

XXI BULLETIN.

Molk, le 19 brumaire an 14 (10 novembre).

LE 16 brumaire, le corps d'armée du maréchal Davoust se dirigea de Steyer'sur Naydhoffen, Marienzell et Lilienfeld. Par ce mouvement, il débordait entièrement la gauche de l'armée ennemie qu'on supposait devoir tenir sur les hauteurs de SaintHipolyte; et de Lilienfeld il se dirigeait sur Vienne par un grand chemin de roulage qui y conduit di

rectement.

Le 17, l'avant-garde de ce maréchal étant encore à plusieurs lieues de Marienzell, rencontra le corps du général Meerfeldt qui marchait pour se porter sur Neustadt et couvrir Vienne de ce côté. Le général de brigade Heudelet, commandant l'avant-garde du maréchal Davoust, attaqua l'ennemi avec la plus grande vigueur, le mit en déroute, et le poursuivit l'espace de cinq lieues.

Le résultat de ce combat de Marienzell a été la prise de 3 drapeaux, de 16 pièces de canon et de 4 mille prisonniers, parmi lesquels se trouvent les colonels des régimens Joseph de Collorédo et de Deutschmeisler, et 5 majors.

Le 13e régiment d'infanterie légère, et le 108e régiment de ligne, se sont parfaitement comportés.

Le 18 au matin, le prince Murat est arrivé à Saint-Hipolyte. Il a dirigé le général de brigade de dragons Sébastiani sur Vienne. Toute la Cour et les grands sont partis de cette capitale. On avait déjà annoncé aux avant-postes que l'Empereur se pré-· parait à quitter Vienne.

L'armée russe a effectué sa retraite à Krems en repassant le Danube, craignant sans doute de voir ses communications avec la Moravie coupées par le mouvement qu'a fait le maréchal Mortier sur la rive gauche du Danube.

Le général Marmont doit avoir dépassé Léoben. L'abbaye de Molk, où est logé l'Empereur, est une des plus belles de l'Europe. Il n'y a en France ni en Italie aucun couvent ni abbaye qu'on puisse lui comparer. Elle est dans une position forte et domine le Danube. C'était un des principaux postes des Romains, qui s'appelait Maison de Fer, bâtie l'empereur Commode.

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Les caves et les celliers de l'abbaye se sont trouvés remplis de très-bon vin de Hongrie; ce qui a été d'un très-grand secours à l'armée, qui depuis longtemps en manquait : mais nous voilà dans le pays du vin; il y en a beaucoup dans les environs de Vienne.

L'Empereur a ordonné qu'on mît une sauve-garde particulière au château de Lustchless, petite maison de campagne de l'empereur d'Autriche, qui se trouve sur la rive gauche du Danube.

Les avenues de Vienne de ce côté ne ressemblent pas aux avenues des grandes capitales. De Lintz à Vienne il n'y a qu'une seule chaussée; un grand nombre de rivières, telles que l'Ips, l'Eslaph, la Molk, la Trasen, etc., n'ont que de mauvais ponts en bois. Le pays est couvert de forêts de sapins; chaque pas des positions inexpugnables où l'ennemi a en vain essayé de tenir. Il a toujours eu à craindre de se voir débordé et tourné par les colonnes qui manœuvraient au-delà de ses flancs.

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Depuis l'Inn jusqu'ici, le Danube est superbe ; ses points-de-vue sont pittoresques; sa navigation, en descendant, rapide et facile.

Toutes les lettres interceptées ne parlent que de l'effroyable chaos dont Vienne offre le spectacle. 'La guerre a été entreprise par le cabinet autrichien, contre l'avis de tous les princes de la famille impériale. Mais Collorédo, mené par sa femme qui, française, porte à sa patrie la haine la plus envenimée; Cobenzel, accoutumé à trembler au seul nom d'un Russe, dans la persuasion où il est que tout doit fléchir devant eux, et chez qui, d'ailleurs, il

est possible que les agens de l'Angleterre aient trouvé moyen de s'introduire; et enfin, ce misérable Mack qui avait déjà joué un si grand rôle pour le renouvellement de la seconde coalition: voilà les insfluences qui ont été plus fortes que celles de tous les hommes sages et de tous les membres de la famille impériale.

Il n'est pas jusqu'au dernier bourgeois, au dernier officier subalterne, qui ne sente que cette guerre n'est avantageuse que pour les Anglais; que l'on ne s'est battu que pour eux; qu'ils sont les artisans du malheur de l'Europe, comme par leur: monopole ils sont les auteurs de la cherté excessive des denrées.

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XXII BULLETIN.

Saint-Polten, 22 brumaire an 14 (13 novembre ).›.

LE maréchal Davoust a poursuivi ses succès. Tout le corps de Meerfeld est détruit. Ce général s'est sauvé avec une centaine de hullans.

Le général Marmont est à Léoben; il y a fait cent hommes de cavalerie prisonniers.

Le prince Murat était depuis trois jours à une demi-lieue de Vienne. Toutes les troupes autri

chiennes avaient évacué cette ville; la garde nationale y faisait le service; elle était animée d'un trèsbon esprit.

Aujourd'hui, 22 brumaire, les troupes françaises ont fait leur entrée dans cette capitale.

Les Russes se sont refusés à toutes les tentatives que l'on a faites pour les engager à livrer bataille sur les hauteurs de Saint-Polten (Saint-Hipolyte). Ils ont passé le Danube à Crems, et aussitôt après leur passage, brûlé le pont qui était très-beau.

Le 20 à la pointe du jour, le maréchal Mortier, à la tête de six bataillons, s'est porté sur Stein. Il croyait y trouver une arrière-garde; mais toute l'armée russe y était encore, ses bagages, n'ayant pas filé. Alors s'est engagé le combat de Diernstein, à jamais mémorable dans les annales militaires. Depuis six heures du matin jusqu'à quatre heures de l'après-midi, ces quatre mille braves firent tête à l'armée russe et mirent en déroute tout ce qui leur fut opposé.

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Maîtres du village de Loiben, ils croyaient la journée finie; mais l'ennemi, irrité d'avoir perdu dix drapeaux, six pièces de canon, neuf cents hommes faits prisonniers, et deux mille hommes tués, avait fait diriger deux colonnes par des gorges difficiles, pour tourner les Français. Aussitôt que le maréchal Mortier s'aperçut de cette manoeuvre il marcha droit aux troupes qui l'avaient tourné, et se fit jour au travers des lignes de l'ennemi, dans l'instant même où le 9e régiment d'infanterie légère et le 32° d'infanterie de ligne, ayant chargé un autre corps russe, avaient mis ce corps en déroute, après lui avoir pris deux drapeaux et quatre cents hommes.

Cette journée a été une journée de massacre. Des monceaux de cadavres couvraient un champ de bataille étroit. Plus de quatre mille russes ont été tués ou blessés; treize cents ont été faits prisonniers. Parmi ces derniers, se trouvent deux colonels...

De notre côté, la perte a été considérable. Le 4 et le 9° d'infanterie légère ont le plus souffert. Les colonels du 100e et du 103 ont été légèrement blessés. Le colonel Watier, du 4o régiment de dragons, a été tué. S. M. l'avait choisi pour un de ses écuyers. C'était un officier d'une grande valeur. Malgré les difficultés du terrain, il était parvenu à faire, contre une colonne russe, une charge trèsbrillante; mais il fut atteint d'une balle, et trouva la mort dans la mêlée.

Il paraît que les Russes se retirent à grandes jour

nées.

L'empereur d'Allemagne, l'impératrice, le ministère et la cour sont à Brünn en Moravie. Tous les grands ont quitté Vienne. Toute la bourgeoisie y est restée. On attend à Brünn l'empereur Alexandre, à son retour de Berlin.

Le général comte de Giulay a fait plusieurs voyages, porteur de lettres des empereurs de France et d'Allemagne. L'empereur d'Allemagne se résoudra sans doute à la paix, lorsqu'il aura obtenu l'assentiment de l'empereur de Russie.

En attendant, le mécontentement des peuples est extrême. On dit à Vienne, et dans toutes les provinces de la monarchie autrichienne ' que l'on est mal gouverné; que, pour le seul intérêt de l'Angleterre, on a été entraîné dans une guerre injuste et désastreuse ; que l'on a inondé l'Allemagne de barbares mille fois plus à craindre que tous les fléaux réunis ; que les finances sont dans le plus grand désordre; que la fortune publique et les fortunes particulières sont ruinées par l'existence d'un papier-monnaie qui perd 50 pour 100; qu'on avait assez de maux à réparer, pour qu'on ne dût pas y ajouter encore tous les malheurs de la guerre.

Les Hongrois se plaignent d'un gouvernement illibéral, qui ne fait rien pour leur industrie, et se montre constamment jaloux de leurs priviléges et inquiet de leur esprit national.

En

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