Page images
PDF
EPUB

cupides et des liaisons secrètes qu'il a été dans le cas de désavouer en même temps. >>

Hardenberg s'engage sur parole à se prononcer affirmativement près du Roi pour l'ouverture immédiate de la négociation sur les bases présentées par Napoléon ; mais Frédéric-Guillaume lui pose avec obstination la question suivante: «< Puis-je, sans manquer aux règles de la morale, sans perdre en Europe l'estime des gens de bien (1), sans être noté dans l'histoire comme un prince sans foi, me départir, pour avoir le Hanovre, du caractère que j'ai maintenu jusqu'ici »>.

« La morale d'un Roi, lui répond Hardenberg, consiste dans la plus grande somme de bien public qu'il opère, et il s'agit de l'opération la plus propre à conserver le rang de sa monarchie, à conjurer l'orage qui menace le continent, à ramener la paix entre la France et l'Angleterre, la tranquillité générale de l'Europe, et par conséquent celle de ses sujets.

[ocr errors]

Enfin, le 14 août, Hardenberg « fait connaître à Laforêt l'acquiescement du Roi aux propositions dont il a été l'organe, et l'intention où est Sa Majesté d'entrer en matière et de conclure un traité sur les bases établies aussitôt que l'Empereur le voudrait ».

Tel est l'état des relations avec la Prusse au moment où Napoléon se décide à adresser un ultimatum à l'Autriche.

Mais tandis que le roi de Prusse négocie avec Napoléon la cession du Hanovre, en échange duquel il n'a rien à donner, il continue, semble-t-il, ses manœuvres en vue d'assurer la neutralité de l'Allemagne. Le comte Thiard, envoyé en mission dans le pays de Bade, fera savoir à Talleyrand, dans les premiers jours de septembre, qu' «< immédiatement après la prise de possession de

(1) Lisez la Russie et l'Angleterre.

« Gênes, le cabinet de Berlin était entré en communication avec les cours secondaires de l'Allemagne, et leur << avait donné l'assurance qu'il ne consentirait jamais à

ce qu'il appelait une violation des traités, si elles vou«laient s'unir à lui et le seconder. Ces négociations se «< continuèrent encore, et lorsque les mouvements de «<l'Autriche commencèrent, elles reprirent une nou« velle activité. La cour de Berlin promit à celles de Munich, de Stuttgard et de Carlsruhe de forcer l'Empe«reur à étendre la ligue de neutralité jusqu'aux Alpes « et à restreindre le théâtre des hostilités à la seule Italie, «si elles voulaient franchement faire cause commune << avec elle (1)

((

[ocr errors]

Le ministre de Russie à Stuttgard, baron de Maltitz, écrit en effet, le 30 août, au baron d'Edelsheim, ministre badois:

« Je sais d'une manière non douteuse que la même déclaration qui a été faite à Darmstadt, Munich et Stouttgart sera aussi proposée à S. A. S. Mgr. l'électeur de Bade.

Les cours de Bavière et de Wurtemberg doivent avoir déclaré que, si le malheur voudrait qu'une rupture entre l'Autriche et la France pourrait arriver, elles s'étaient engagées envers la Prusse de n'agir qu'avec son avis et de concert avec elle, et qu'elles garderaient une parfaite neutralité, d'autant plus qu'elles ne pouvaient pas agir contre le chef de l'Empire germanique. Si M. d'Alopéus appuie cette démarche et cette déclaration près de la cour de Berlin au nom de mon auguste Maître, la situation des princes qui ont le malheur d'avoir la France pour voisine pourrait être rassurée dans l'orage qui semble se préparer de toutes parts. L'intérêt que prend mon Souverain au sort de l'Allemagne et particulièrement à celui des

(1) Thiard, p. 127, édition de 1899.

sérénissimes cours électorales de Bade et de Wurtemberg n'est sujet à aucun doute, et le cabinet de Berlin redoublera de zèle dans ses bons offices (1) ».

Telles étaient les préoccupations de la Prusse, toujours résolue à rester neutre, au moment ou Napoléon la croyait prête à signer un traité d'alliance, et envoyait le général Duroc à Berlin pour régler les détails d'exécution.

(1) Obser, Politische Correspondenz Karl Friedrichs von Baden, t. V, p.278.

CHAPITRE V

France et Bavière

On a vu que les relations entre l'Angleterre, la Suède, la Russie et l'Autriche étaient devenues particulièrement actives au commencement de l'année 1805, et que les dispositions belliqueuses de ces puissances n'avaient pas échappé à Napoléon. Il ne doute pas que la rupture ne soit prochaine, et il s'efforce de son côté de conclure des alliances pour cette guerre. C'est le 12 mars seulement qu'il donne l'ordre de tâter le gouvernement bavarois et de lui faire les premières ouvertures en vue d'une alliance dirigée contre l'Autriche.

L'Electeur de Bavière a déjà donné à maintes reprises des signes d'inquiétude au sujet des dispositions de l'Auriche, voisine si redoutable, et qui depuis longtemps tient d'ailleurs en réserve des moyens de chicane dont elle peut, d'un moment à l'autre, faire des motifs d'attaque et d'envahissement. Talleyrand écrit donc le 13 mars 1805 à M. Otto, notre ambassadeur en Bavière, « de s'instruire exactement des dispositions du gouvernement électoral, de connaître s'il y a de sa part une sollicitude réelle des projets de l'Autriche, et un empressement sincère à chercher son recours, sa garantie, son appui, dans une association intime et complète avec le gouvernement français ».

« Dans le cas, dit M. de Talleyrand, où vous trouveriez dans le cabinet de Munich la moindre hésitation dans le sentiment qu'il doit avoir de son danger, et sur la nécessité d'une entière union avec la France, vous ne devriez pas sortir des considérations générales, et vous auriez soin de vous abstenir de toute participation des vues et des sentiments du gouvernement français.

[ocr errors]

Cependant ce cas n'est pas le plus probable : « Sa Majesté Impériale a jugé que les premières pensées de la Bavière devaient naturellement se porter vers la France, et comme, s'il entrait dans les vues d'une nouvelle coalition de diriger quelque attaque contre le gouvernement français, la position des états bavarois y établirait forcément une part de la guerre, Sa Majesté s'est trouvée disposée à s'entendre de bonne heure avec Son Altesse pour prévenir un danger commun par un concert d'assez loin préparé pour devenir vraiment efficace. »

Si, comme on le suppose, «< la cour de Munich, frappée des périls de sa position, et convaincue qu'il n'existe pour elle qu'un seul refuge, accueillait avec chaleur vos premières paroles et sollicitait la conclusion de l'alliance la plus intime, vous pourriez aussitôt vous présenter comme autorisé par votre gouvernement à entamer cette négociation ».

Le projet de traité joint à cette lettre du 12 mars stipulait une alliance offensive et défensive contre l'Autriche, d'après laquelle la Bavière porterait au premier appel un corps d'armée sur l'Inn.

Le gouvernement bavarois ne saisit pas d'abord les raisons qui le condamnent à une attitude aussi énergique; le mot d'alliance offensive l'effraye. Otto en rend compte le 21 mars :

« J'ai dû me renfermer avec M. de Montgelas dans des considérations générales sur le parti que prendrait la Bavière si la guerre devenait inévitable. Il m'a confirmé de nouveau que le premier vœu de l'Électeur était d'as

« PreviousContinue »