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succéder? Le silence des païens, loin donc de prouver contre nous ne sert qu'à montrer l'impuissance où ils étaient d'expliquer d'une manière satisfaisante le fait que leur opposaient les Chrétiens.

Le silence de saint Cyrille de Jérusalem n'est pas plus difficile à expliquer. En effet, il est bien vrai que personne mieux que cet illustre docteur n'était à même de connaître les détails de l'événement; mais, comme le fait très-bien remarquer Bailly2, saint Cyrille écrivit ses Catéchèses en l'an 347, et sa Lettre à Constance en l'an 351, c'est-à-dire avant le miracle de Jérusalem : nous n'avons de lui aucun écrit qu'il ait publié depuis cet événement.

Il reste à nos adversaires une seule réponse, c'est de supposer que le miracle de Jérusalem est un pur effet du hasard. Sans doute, diront-ils, il est impossible d'affaiblir l'autorité d'une telle multitude de témoignages; mais qu'y a-t-il dans tout cela qu'on ne puisse expliquer par des phénomènes naturels survenus très-à-propos pour déranger les projets de Julien. Il faut toujours tenir un milieu entre le scepticisme historique et cette crédulité naïve trop commune aux écrivains chrétiens, qui voient dans les choses les plus simples, la perpétuelle intervention du gouvernement divin.

Les critiques les plus distingués et quelquefois les moins crédules, après avoir examiné avec la plus grande attention toutes les circonstances du miracle, se sont bien gardés de porter un jugement si superficiel et si précipité. Le célèbre Grotius le regardait comme une des preuves les plus incontestables de l'accomplissement des prophéties de Jésus-Christ 3. Thomasius si difficile à recevoir les faits hasardés, si scrupuleux d'écarter tout ce qui lui paraît mal fondé, n'élève pas le moindre doute sur cette question 4. Mosheim parle avec le plus grand dédain de ceux qui ne veulent pas reconnaître dans cet événement un fait surnaturel3. Bayle qui conteste

'Voir Sozomène, Histoire ecclésiastique, I. vi, chap. 2, et Libanius, Lettre à Jean Chrysostome dans saint Isidore de Péluse, lettre 42o.

2

Voir dans Bailly, De religione, 11, l'article De restauratione templi Hierosolymitani.

3 Seigneux de Correvon, Notes sur Addison, section 8, § 5.

4 Thomasius, De caulelis circa historiam ecclesiasticam, sectio 4, cap. 13. "Mosheim, Institutiones historiæ christianæ, sectio 4, pars prima.

tout' n'a su contester aucun des détails de l'histoire que nous avons racontée 2. M. Littleton, dit Seigneux de Correvon, déiste anglais, et très-beau génie 3, fut converti par la force victorieuse du passage d'Ammien Marcellin, et le célèbre M. Moyle, qui n'était rien moins que crédule, ne peut s'empêcher d'avouer que, quoiqu'il ajoute peu de foi aux miracles rapportés depuis la mort des apôtres, cependant il n'ose les rejeter tous à cause de celui qui arriva du tems de Julien et qui est si extraordinaire dans ses circonstances et si pleinement attesté qu'il ne sait pas de quel front on pourrait le rejeter *.

Mais pour qu'on ne nous accuse pas de nous appuyer sur des autorités et non sur des raisonnemens, abordons de plus près l'objection proposée par nos adversaires.

Nous avouons volontiers que le tremblement de terre et les éruptions de flammes arrivent quelquefois par des causes purement naturelles; mais nous prétendons que le fait dont il s'agit, considéré dans toutes ses circonstances, ne pourra jamais s'expliquer de cette façon. Il est en effet contraire au cours habituel et à la marche bien connue des causes purement physiques. Les choses se passèrent dans un moment Solennel où la Providence était appelée par le défi de Julien à prononcer entre deux opinions qui se partageaient l'empire du monde. Julien se proposait évidemment de montrer la fausseté des prophéties de l'ancien et du nouveau Testament; il avait rassemblé dans ce but les Juifs dispersés par un arrêt divin, afin de rebâtir avec eux un temple condamné à une destruction éternelle. En un mot les puissances du monde conspiraient évidemment contre le Seigneur et contre son Christ. Dieu lui-même était donc en cause, l'avenir du Christianisme allait se décider en un seul jour.

Tout-à-coup, dans ce moment même choisi pour provoquer l'Eternel, des globes de feu s'élancent de terre; les éruptions de la flamme

Voir dans les Annales de philosophie chrétienne (tome xv, p. 267, 3 série), notre article intitulé: Pierre Bayle.

2 Voir Dictionnaire historique el critique, article Alypius.

Nous en avons parlé dans l'introduction du Christ et l'Évangile, 1" partie,

tome 1.

4 Seigneux de Correvon, Notes sur Addison, section 8, n. 5; et Moyle, Bible raisonnée, XLII, part. 2o, 455.

recommencent toutes les fois que l'on veut recommencer l'entreprise; la place du temple devient inaccessible aux travailleurs que l'élément furieux repousse avec obstination; les ouvriers sont consumés par la colère divine; la croix du Christ apparaît dans les airs. Qui ne reconnaîtrait pas ici la main d'un Dieu vengeur? Qui pourrait attribuer au hasard un tel concours de circonstances? Dieu pouvait-il plus clairement, plus solennellement manifester sa volonté?

Les Juifs et les païens le comprirent si bien qu'ils abandonnèrent leur projet sacrilege; Julien, Julien lui-même qui comprenait tout le parti que les Chrétiens ne manqueraient pas de tirer du mauvais succès de son projet, n'essaya pas de nouvelles tentatives. Pouvait-il confesser plus clairement sa défaite et n'était-ce pas déjà faire cet aveu qu'on dit qu'il répéta plus tard:

"Tu as vaincu, Galiléen '. »

Veuillez agréer, monsieur, etc.

Milly, 10 septembre 1848.

L'abbé Frédéric Edouard CHASSAY,
Prof. de phil. au grand sémin. de Bayeux.

Voir Bailly, De religione, 11, De templi Hierosolymitani restauratione. L'opinion du théologien français est confirmée par celle du savant docteur Dællinger. Si l'on considère, dit-il, dans leur ensemble ces phénomènes et leurs effets, si l'on observe que les jets de flammes qui n'avaient jamais apparu auparavant en Palestine et qu'on n'y revit pas dans la suite, se renouvelèrent jusqu'à ce que les travailleurs eussent abandonné l'œuvre commencée, que tout le théâtre de l'évènement était renfermé dans ce petit espace des collines qui entouraient le temple; que l'histoire n'offre pas un autre exemple d'une grande entreprise échouant de cette manière, alors on demeurera convaincu qu'il y a là un miracle et des plus remarquables. Dællinger, Origines du christianisme, 11, chap. 3.

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Archéologie Biblique.

DESCRIPTION

DU PALAIS ET DE LA SALLE

OU L'ON A TROUVÉ LE PORTRAIT DU ROI ROBOAM.

Position de. Thèbes orientée sur celle de Paris.

Description du palais de

Karnac.—Statue de Ramsès. Prodigieuse salle.—Elle conserve sur ses murs les exploits du Pharaon Sethos. - C'est là que l'on trouve le portrait du roi Roboam parmi les exploits du roi Sesonch. - Son importance pour la chronologie biblique. Obsèques de Thoutmosis. - Colonne d'Osortasen. Chambre des rois.- Récapitulation des dates et des noms historiques mentionnés sur le palais de Karnac.

La découverte du portrait du roi Roboam, ou si l'on aime mieux de la personification du royaume de Juda vaincu par le roi Sesac, est un des faits les plus curieux et des plus importans de l'étude de la langue égyptienne. En effet :

1° Il confirme le récit de la Bible par un monument contemporain et de toute authenticité;

2° Il donne une date certaine et un point de concordance inappréciable pour l'histoire de la Bible et de l'Egypte;

3o Il fournit une preuve inattaquable de la lecture des hiéroglyphes, et par conséquent rend certaine cette découverte, la plus belle conquête peut-être de l'esprit humain.

Les Annales ont depuis longtems fixé l'attention de leurs lecteurs sur ce fait. Elles ont publié :

1o Le récit que fait Champollion de cette découverte comparé au récit de la Bible, et suivi du portrait même de Roboam, avec les hieroglyphes et leur explication, tome VII, p. 150, 1re série ;

2o Un article de M. de Paravey sur ce même portrait, où l'on trace le tableau de la découverte des hiéroglyphes, et où l'on fait ressortir l'importance de cette découverte pour l'histoire biblique que Volney disait avoir été forgée après la captivité de Babylone, et à cette occa

sion nous avons publié de nouveau ce portrait avec des explications plus détaillées, voir notre tome VIII, p. 113, 1" série.

Aujourd'hui pour compléter ces détails et tenir nos lecteurs au courant de tous les travaux qui peuvent intéresser la Bible, nous allons publier la description du palais même de Karnac, et de la salle où l'on trouve ce portrait, d'après le récit de M. Ampère qui a visité de nouveau ces lieux en janvier 1847, et qu'il a inséré dans le cahier du 15 décembre dernier de la Revue des Deux-Mondes.

A. B.

21 Janvier 1847.

« Le cœur me battait en approchant de Thèbes, comme il m'a battu jadis en approchant de Rome pour la première fois. Un de ces noms fait songer à l'autre, d'autant plus que les montagnes de Thèbes rappellent un peu les deux lignes de l'horizon romain.

Comment s'orienter dans ce dédale de ruines, comment donner au lecteur une idée de l'ensemble avant de l'initier aux détails? Je vais tenter d'y parvenir en prenant pour point de comparaison quelques monumens de Paris dont la position relative correspond à peu près à celle des monumens de Thèbes. Si l'on veut bien, une fois pour toutes, faire ce rapprochement mnémonique, on me suivra facilement dans ma description. Je supplie les archéologues de me pardonner un rapprochement profane et de me permettre de placer le lecteur, arrivé avec moi à Thèbes en remontant le Nil, tout juste dans la situation où il serait si, venant de Saint-Cloud par le bateau à vapeur, il se trouvait au pont d'léna.

Thèbes était bâtie sur les deux rives du Nil, comme Paris a été construit sur les deux rives de la Seine. Il n'y a de différence que la largeur, beaucoup plus considérable, du premier fleuve. Nous commencerons notre topographie comparative par la rive droite du Nil, la rive orientale, qui est à notre gauche, puisque nous remontons. La position de Karnac, qui renferme les plus majestueux édifices de l'ancienne Egypte, est à peu près celle de l'arc de l'Etoile, le plus colossal monument de notre époque. De là, une avenue de sphinx conduisait aux palais de Louksor, comme, toute révérence gardée, l'avenue des Champs-Elysées conduit à la place Louis XV, où Louksor

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