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Dans le même tems, l'archevêque de Taran taise en prononçait une semblable pour une discussion de même nature entre l'Eglise de Sion et le Saint-Bernard ".

Enfin, du tems du prévôt André Tillier, de nouvelles contestations s'élevèrent entre le Saint-Bernard et l'évêché de Sion. Tillier avait d'abord conclu avec l'évêque un accord préjudiciable aux intérêts de sa communauté; mais le pape y remédia. Les administrateurs, envoyés par l'évêque pour prendre possession d'un des bénéfices de l'hospice, furent menacés, s'ils ne l'abandonnaient pas, d'être excommuniés de la manière la plus solennelle. « Si cela ne suffit point. » encore pour les ramener à leur devoir, on jettera contre la porte » de leurs maisons trois pierres en signe de malédiction de l'Eglise » leur mère; on frappera d'interdit la paroisse, où l'on ne permettra » d'autres fonctions religieuses que le baptême aux enfans, la péni>>tence et le viatique aux malades. » Ainsi s'exprime le célèbre juris. consulte Berliet, archevêque de Tarantaise, dans sa sentence du 13 juillet 1601.

Telles furent les dernières dissensions éclatantes entre le SaintBernard et l'évêché de Sion. Ainsi se terminèrent ces déplorables contestations bien propres à prouver, jusqu'à la dernière évidence, le danger et l'origine d'exemptions trop souvent abusives.

Poursuivons maintenant le cours d'observations analogues sur les dangers et les avantages des richesses et du pouvoir politique pour l'établissement religieux qui nous occupe.

J. P. O. LUQUET,

Evêque d'Hésebon.

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Cette dernière est du 12 juillet 1424. - On trouve l'année suivante une transaction faite pour de semblables difficultés dans le diocèse de Genève. a Celui de Saint-Brancher, dans l'Entremont.

5 Clément VIII ayant déclaré que le Saint-Bernard dépendait immédiatement du Saint-Siége devint l'occasion d'une vexation exercée à l'égard de l'hospice par le gouvernement du Valais. Ce dernier exigea de l'établissement une amende de cent pistoles au profit de chaque dixain.

Nouvelles et Mélanges.

EUROPE.

FRANCE. · PARIS. —Mandement de Mgr Sibour, archevêque de Paris, à l'occasion de la prise en possession de son siège.

Mgr Sibour a pris possession de son siége le dimanche 8 octobre, nous sommes assurés que nos lecteurs verront avec plaisir consigner dans nos pages les premières paroles qu'il a adressées à tous les fidèles confiés à sa garde. MARIE-DOMINIQUE-AUGUSTE SIBOUR, par la miséricorde divine et la grâce du Saint-Siége apostolique, archevêque de Paris,

Au clergé et aux fidèles de notre diocèse.

Salut et bénédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ce ne sont pas seulement, Frères bien-aimés, les événements publics qui, dans nos jours si féconds en étranges vicissitudes, déconcertent toutes les prévisions. Ces mouvemens qui ébranlent si profondément la société tout entière atteignent les plus plus humbles comme les plus hautes destinées, et ils portent quelquefois à une subite et redoutable élévation celui que la main bénie de la Providence avait tenu jusque-là caché dans une complète et bienheureuse obscurité. Pouvions-nous soupçonner en effet, N. T. C. F., qu'au milieu du vénérable collége des évêques de France, où brillent, avec les plus vives lumières, tant de sagesse et de sainteté, nous serions l'objet d'une attention inexplicable, et que, pour le siége le plus éminent et le gouvernement le plus difficile, on viendrait choisir, sans aucune hésitation, le chef le plus humble de la plus petite tribu d'Israël?

Qu'il nous soit permis de vous le dire, Frères bien-aimés, dans toute la simplicité de notre cœur, ce choix, tout à fait inattendu, a d'abord troublé nos pensées, jeté notre âme dans l'épouvante. Certes, avec bien plus de raison que Moïse, homme alors obscur, à qui le Seigneur confiait la plus sublime mission, nous avons pu dire « Qui suis-je donc, ô mon Dieu, pour sauver » votre peuple de la servitude d'Egypte, pour mettre fin à de si lamentables » douleurs? Moi, faible et sans éloquence, dont la pensée est lente et la pa- . » role tardive, pourrais-je, luttant contre les enchanteurs de la science, l'ar» racher à la séduction de tant de doctrines corruptrices? Comment, je vous » prie, du sein des discordes civiles, le ferai-je passer dans la terre promise de » la paix, de l'amour, de l'union, de la fraternité? Seigneur, ils ne voudront » pas me croire, ils n'écouteront pas ma voix. Envoyez plutôt celui que vous > devez envoyer ...

1 Vidi afflictionem populi mei.....; ́et sciens dolorem ejus, descendi ut libe

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Et il nous sembla que le Seigneur s'irritait de notre résistance; mais accablé sous le poids de notre faiblesse, nous sentions toujours notre courage défaillir. En vain entendions-nous de la bouche de Dieu même ces mots adressés, comme pour nous, à son serviteur Moïse : « Qui donc a déposé la parole » sur les lèvres de l'homme? Qui le rend muet ou éloquent? N'est-ce pas moi? Va donc! ne crains rien. Moi, le Verbe, je serai dans ta bouche, et je t'apprendrai ce que tu auras à dire !. » En vain considérions-nous ¡les circonstances de notre vocation : que, profondément inconnu de tous les hommes du pouvoir, nous n'avions pas à craindre qu'elle eût été le résultat d'une préférence aveugle et intéressée; que la voix de Dieu, prévenant tous les calculs humains, était venue › sans avis préalable, nous réveiller comme en sursaut dans la solitude de nos montagnes; que l'acclamation des prêtres et des fidèles, écho pour ainsi dire de la voix du Ciel, avait de quoi rassurer notre faiblesse, en promettant à notre indignité indulgence et amour. Notre âme, bien-aimés Frères, malgré tous ces motifs d'encouragement et d'espérance, persévérait dans son abattement et dans ses alarmes. Nous reculions encore devant le fardeau qu'on nous voulait imposer. Semblable à la divine victime, nous conjurions le Père céleste d'éloigner de nous ce calice. Nous étions triste jusqu'à la mort, et nous éprouvâmes comme les angoisses de l'agonie.

Dans cet accablement, Dieu fit briller au fond de notre esprit l'idée sainte du sacrifice. Nous nous demandions si l'immolation de soi-même aux autres ne résumait pas tout le sacerdoce chrétien. Et qu'est-ce donc qu'un prêtre, disions-nous, sinon une victime perpétuellement immolée pour le salut de ses frères? Notre âme alors commença à se relever sous l'action de la grâce divine. La haute dignité qui nous était offerte avait autrefois de quoi tenter l'ambition humaine par le faste des richesses, la facilité du commandement, les hommages unanimes des peuples, les charmes enfin d'une calme et douce vie. Tout cet éclat faux et emprunté, grâces à Dieu, avait successivement disparu durant la longue suite de nos tempêtes politiques. Mais, dans ce dé

rarem eum..... et educam de terrâ illà in terram bonam et spatiosam, in terram quæ fluit lacte et melle..... Veni et mittam te... Dixitque Moyses ad Deum: Quis sum ego ut vadam..... et educam filios Israël de Ægypto?.... Non credent mihi neque audient vocem meam.... Obsecro, Domine, non sum eloquens..... et tardioris linguæ sum.... mitte quem missurus es. Exod., II, 7, 8, 10, 11.

• Dixit Dominus ad eum: Quis fecit os hominis? Aut quis fabricatus est mutum ?.... Nonne Ego? Perge igitur, et ego ero in ore tuo: doceboque quid loquaris. Exod., iv, 12, 13.

pouillement, elle venait de se revètir tout à coup de sa propre splendeur, et la foi, se jouant des frayeurs de la nature, nous y faisait découvrir de bien autres charmes. Le souvenir d'une mort à jamais glorieuse, la possibilité d'une destinée semblable, les blessures encore saignantes de nos discordes civiles, la perspective d'un terrible fléau dont les menaces nous arrivent de toutes parts, voilà ce qui a eu le pouvoir de nous séduire. L'attrait du péril, de la souffrance, du dévouement, du sacrifice, de l'immolation a sollicité notre âme. Nous avons senti en nous l'ambition d'apaiser les haines, de concilier les esprits, de servir nos frères jusqu'à donner pour eux notre vie, à l'exemple du divin maître. Combattre aussi sur un plus vaste champ de bataille les combats du Seigneur, défendre courageusement les droits de Dieu et de l'Eglise, appeler à nous, pour soutenir notre faiblesse dans cette œuvre, tous les hommes d'intelligence et de cœur; voilà une autre considération, pourquoi ne l'avouerions-nous pas ? que nous avons également accueillie comme venant de Dieu même.

Vous comprendrez sans peine, Frères bien-aimés, comment sous l'impression de ce sentiment nous oubliâmes notre indignité. Il nous sembla y voir un supplément de notre impuissance en même tems qu'une garantie de votre amour. Nous nous prosternàmes donc à deux genoux en la présence du Seigueur. Nous consentîmes à rompre les liens si chers et si doux qui nous attachaient à l'Eglise de Digne, à courir où la religion et la patrie nous montraient tant de plaies à guérir, et à recommencer notre épiscopat avec des travaux mille fois plus grands, avec de nouvelles et immenses sollicitudes. Nous acceptâmes ce calice rempli des sueurs de notre futur apostolat, des amertumes dont il faut s'attendre à être abreuvé de la part du monde, des contradictions réservées à ceux qui veulent faire du bien à leurs semblables, de toutes les tribulations, en un mot, inséparables du gouvernement des esprits. Nous inclinâmes la tête devant la volonté du Père céleste, disant : «Enfin, me voilà, » Seigneur! Je suis prêt, avec votre Fils, à prendre la croix, à ceindre la cou» ronne d'épines, et à monter au Calvaire.. Et notre âme aussitôt fut pleine de paix et de suavité, d'énergie et de courage.

Dieu alors se plut à relever et à grandir nos espérances. Nous contemplåmes dans le ciel, de la vue de la foi, la Reine des anges et des hommes. Marie très-sainte et immaculée, qui, de son sourire de mère, ranimait notre confiance. Patrone spéciale de notre personne et de notre diocèse de Digne, elle semblait nous dire que nous la retrouverions à Paris toujours prête, au mêmė titre à nous couvrir de sa protection. Le généreux martyr saint Denis, qui a planté la foi dans notre nouveau diocèse, en l'arrosant de ses sueurs et de son sang, nous encourageait à son tour avec les compagnons de ses travaux et de sa gloire. Plusieurs de nos illustres prédécesseurs, sur le front desquels III SÉRIE TOME XVIII.- N° 100; 1848. 20

nous voyons briller la double auréole de la science et de la sainteté, nous promettaient aussi leurs inspirations. Les deux derniers que nous avons eu le bonheur de connaître et qui ferment si glorieusement cette magnifique succession de pontifes, fixaient, par dessus tout, les regards de notre amour et de notre confiance. L'un, réunissant en sa noble personne tout ce qu'il y a de plus saintement aimable dans Fénelon et saint François de Sales, se montre à nous couronné de grâce et de douceur. Père des orphelins du choléra, il nous apprend le devoir du bon Pasteur pour les tems où l'épidémie pourrait sévir encore et répandre la mortalité. L'autre a trouvé le triomphe dans une mort qui renouvelle la vie et la beauté de notre siége, et fait rejaillir sur l'épiscopat et le clergé de l'univers catholique tout entier, ainsi que l'a proclamé le grand Pie IX, une gloire durable et éclatante.

Auguste prélat, vous nous soutiendrez par vos exemples, et, nous en avons la juste confiance, par votre intercession auprès de Dieu. Le sang versé vous a baptisé pour la véritable gloire. Mais avant de prendre place dans le ciel parmi les martyrs de la charité, vous occupiez déjà sur la terre une place éminente parmi les saints pontifes. Votre vie nous apprendra la science ecclésiastique, et nous n'aurons qu'à suivre la trace lumineuse de vos pas. Elle nous apprendra cette fermeté épiscopale que rien ne doit ébranler ou affaiblir, ni les disgrâces des hommes puissants, ni leurs fallacieuses caresses. Elle nous apprendra la simplicité, qui est un des charmes de la sainteté, aussi bien qu'une des grâces du savoir. Mais la gloire de votre vie, illustre pontife, s'éclipse dans la gloire plus grande de votre mort. C'est par là surtout que vous deviendrez notre modèle, si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, les jours mauvais des discordes civiles renaissent parmi nous.

Mais ce n'est pas le ciel seulement qui nous fournit des consolations et des secours. En reportant nos regards sur la terre, nous apercevons d'abord à la tète de notre nouveau diocèse un chapitre plein de lumières et de vertus. C'est dans son sein principalement que nous trouverons des coopérateurs pour notre administration. Nous en ferons ce qu'en ont fait les sacrés canons de l'Eglise, notre sénat. Nous nous éclairerons de ses conseils : prêtera á nos délibérations, dans les affaires importantes, le concours de sa sagesse. Son expérience sera pour nous une arme puissante qui nous rendra fort à la fois et mesuré dans l'action. Il sera ainsi un soulagement pour notre faiblesse, la part qu'il prendra à notre sollicitude pastorale, lui sera rendue en affectueux dévouement et en vive gratitude.

Et que ne devons-nous pas attendre encore de notre clergé, formant au

1 Bref de Sa Sainteté Pie IX du 23 juillet 1848, ci-dessus, p. 163.

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