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quand nous avons été témoins, à notre grand étonnement, d'un spectacle inattendu.

» La garde civique, la gendarmerie, la ligne, la légion romaine, au nombre de quelques milliers d'hommes, en uniforme, avec la musique et les tambours en tête, sont venus se mettre en bataille sur la place du Quirinal, et là se sont joints au peu de peuple qui s'y trouvait encore, et se sont mis comme lui à faire la fusillade contre les fenêtres du palais ; quelques balles ont pénétré dans les appartements, et une, entr'autres, a tué un prélat qui était dans sa chambre'.

<< Comme les Suisses continuaient à faire bonne contenance, et qu'on ne croyait pas en avoir assez bon marché, on a fait venir du canon pour enfoncer les portes du palais de ce malheureux Pape, qui est la douceur même, et qui n'avait que cent Suisses pour se défendre.

. On pense généralement qu'il n'y avait que quelques centaines de meneurs qui avaient fait le plan de cette conspiration. Il n'y a eu autour du Pape, pendant toute la journée, que le corps diplomatique. Le Pape, pendant tout ce tems, a montré beaucoup de sang-froid et de fermeté : mais, comme au fond il y avait impossibilité de faire de la résistance, et que d'ailleurs il était moins en mesure et en volonté que personne de faire verser du sang, il a bien fallu en passer par ce que voulaient ses propres troupes qui l'assiégeaient dans son palais.

» On est rentré alors en pourparlers et on lui a proposé une liste ministérielle en tête de laquelle figurent MM. Mamiani, Sterbini, Galetti, etc., qu'il a adoptée en protestant toutefois contre la violence qu'on lui faisail, et en déclarant qu'il s'en remettait aux chambres des autres mesures qu'on prétendrait lui imposer.

» Aujourd'hui l'autorité du Pape est absolument nulle. Il n'existe plus que de nom et aucun de ses actes ne sera libre et volontaire.

Agréez, etc.,

HARCOURT.

Tel est le récit des événements: le pape n'a cédé que pour arrêter l'effusion du sang. Les misérables assassins n'ont pas été poursuivis; bien plus, on leur a fait des ovations, et l'on a eu la cruauté d'aller chanter sous les fenêtres de la

'C'est Mgr Palma, un des plus savants prêtres de l'Italie: il avait été successivement professeur d'histoire ecclésiastique au collége romain, au séminaire romain, au college urbain de la propagande, et enfin à la Sapience; il était de plus, membre du collége théologique de Rome, camérier secret de Sa Sainteté, et secrétaire des lettres latines du St-Siége. On a de lui plusieurs ouvrages, entre autres, Prælectiones historiæ ecclesiastica, en plusieurs volumes. Quelques misérables embusqués dans un clocher voisin l'ont tué, au moment où il passait dans la chambre de sa mère pour aller la rassurer.

veuve du ministre assassiné: Vive le poignard démocratique! Vive JésusChrist démocrate!

Le Saint-Père ne pouvait couvrir de son silence et de sa présence ces horribles forfaits, aussi, il s'est décidé à abandonner une ville ingrate, où son autorité et son honneur étaient compromis.

Aidé des ministres de France et de Bavière, le vendredi 25 novembre au soir, il est sorti déguisé du Quirinal, et prenant la route de Terracine, il est arrivé à Gaete, sur la frontière des états pontificaux, dans le royaume de Naples, et c'est là qu'il a publié la protestation suivante :

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« Les violences exercées contre Nous ces jours derniers, et la volonté manifestée de se précipiter dans d'autres excès (que Dieu veuille éloigner ces malheurs en inspirant des sentimens d'humanité et de modération dans les âmes!) Nous ont contraints à nous séparer momentanément de Nos sujets et de Nos enfans, que nous avons toujours aimés et que nous aimerons toujours.

» Parmi les motifs qui Nous ont déterminé à cette séparation (et Dieu sait combien elle est douloureuse à Notre cœur!), celui dont l'importonce est la plus grande, c'est d'avoir la pleine liberté dans l'exercice de la puissance suprême du Saint-Siége, exercice que l'univers catholique pourrait supposer à bon droit, dans les circoustances actuelles, n'être plus libre entre nos mains. Que si une telle violence est pour Nous le sujet d'une grande amertume, cette amertume s'accroît outre mesure, quand Nous pensons à la tache d'ingratitude dont s'est couverte, à la face de l'Europe et du monde, une classe d'hommes pervers, et bien plus encore à la tache qu'a imprimée sur leurs âmes la colère de Dieu, qui, tôt ou tard, exécute les châtimens prononcés par son Eglise.

» Dans l'ingratitude de Nos enfans, Nous reconnaissons la main du Seigneur qui Nous frappe, et qui veut que Nous expiions Nos péchés et ceux des peuples. Mais Nous ne pouvons, sans trahir Nos devoirs, Nous abstenir de protester solennellement en présence de tous (comme dans la funeste soirée du 16 novembre et dans la matinée du 17, Nous avons protesté verbalement devant le corps diplomatique, qui Nous avait honorablement entouré et qui a tant contribué à fortifier Notre cœur), que nous avons souffert une violence inouïe et sacrilége. Laquelle protestation Nous entendons renouveler solennellement en la circonstance présente, à savoir que nous avons été opprimé par la violencé et, en conséquence, Nous déclarons tous les actes qui en ont été la suite, nuls et de nulle valeur ni force légale.

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Les dures vérités et les protestations que Nous venons d'exposer ont été arrachées à Nos lèvres par la méchanceté dés hommes et par Notre conscience, laquelle, dans les circonstances présentes, Nous a excité avec force à l'accom

plissement de Nos devoirs. Toutefois, en présence même de Dieu, et tandis que nous le prions et supplions d'apaiser sa colère, Nous avons la confiance qu'il ne nous sera pas défendu de commencer Notre prière par ces paroles d'un saint roi et prophète : « Seigneur, souvenez-vous de David et de loule »sa mansuétude, »

» Et cependant, ayant à cœur de ne pas laisser sans chef, à Rome, le gouvernement de Notre Etat, Nous nommons une Commission de gouvernement, composée des personnes suivantes :

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» En confiant à ladite Commission de gouvernement la direction temporaire des affaires publiques, Nous recommandons à tous Nos sujets et fils le calme et la conservation de l'ordre.

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Enfin, Nous voulons et ordonnons que de ferventes prières s'élèvent chaque jours vers Dieu pour Notre humble Personne, et pour le rétablissement de la paix dans le monde, et spécialement pour Notre Etat et à Rome, où sera toujours Notre Cœur, quelle que soit la partie du bercail du Christ qui nous abrite. Et Nous, comme c'est le devoir du suprême sacerdoce, et avant tout, Nous invoquons, très-dévotement, la souveraine Mère de miséricorde, la Vierge immaculée, et les saints Apôtres Pierre et Paul, afin que comme Nous le désirons ardemment, l'indignation du Dieu tout-puissant soit éloignée de la ville de Rome et de tous Nos Etats.

» Donné à Gaëte, le 27 novembre 1848.

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Nouvelles de la propagation des croyances et de la civilisation catholique dans l'Oceanie. Extraites du n° 118 des Annales de la propagation de la Foi.

Nouvelle-Calédonie.

1. MISSIONS DE L'OCÉANIE. Lettre du P. Rougeyron, mariste, datée du 14 février 1847. Il est assez curieux d'étudier le caractère de ces sauvages, si cruels, et si différens des autres peuples, que quelques auteurs voudraient les faire passer pour une race distincte de la descendance de Noë. Nous allons noter les traits qui peuvent aider à cette étude. Ces sauvages croient aux sorciers, et massacrent impitoyablement tous ceux qu'ils soupçonnent avoir jeté un sort sur un autre.- Nulle hospitalité.—

Antropophages.

La peste désole le pays et enlève des villages entiers. On y enterre des personnes vivantes. Les missionnaires baptisent les petits enfans et les adultes mourans. Ils ont près de 600 catéchumèmes adultes. Le peuple sent la main de Dieu. Mais il y a peu de progrès.

2. SIDNEY. — Lettre du P. Grange, mariste, datée du 18 septembre 1847. Férocité des habitans de Balade. Les missionnaires la quittent, et se fixent à Poebo. Voici les motifs de ce déplacement. Quelques sauvages revenus d'un voyage assurèrent que les Yes-yes (les Anglais) leur ont dit que les Oui-oui (les Français) sont des sorciers; et sur cela, ils les volent, dévastent leur jardin, et annoncent l'intention de les manger tous les huit.-Les missionnaires sont attaqués par trahison, et le frère Blaise reçoit une blessure mortelle. Le lendemain a lieu une attaque générale, la maison et l'Eglise sont incendiés, et les habitans s'échappent comme par miracle, en laissant le frère Blaise qui est assommé. Ils arrivent à Poebo où ils sont réunis au nombre de 13, mais les gens de Poebo veulent imiter ceux de Balade; c'en était fait d'eux quand ils voient arriver la corvette française La Brillante, qui avec peine, et après avoir eu 5 hommes blessés et tué quelques naturels, délivre les missionnaires. - Une expédition est dirigée, malgré les missionnaires, contre Balade, qui avait brûlé les canots du navire La Seine. Quelques maisons sont incendiées. - Les missionnaires arrivent à Sidney, regrettant leurs perfides ennemis, et ayant foi dans le sang du martyr qui y est mort.

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3. Lettre du P. Rougeyron, mariste. Quelques détails sur les preuves touchantes de dévouement et de fidélité de quelques néophytes et de quelques catéchumènes de la Balade et de Poebo. Ces naturels sont vraiment transformés, au moral et même au physique ; quelques femmes même montrent la foi et la vertu des premiers siècles. C'est ce reste de chrétiens et d'apôtres qui fait espérer aux missionnaires un prompt retour dans ces îles inhospitalières.

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Que l'influence politique de l'Eglise ait été grande autrefois, qu'elle ait été naturelle et nécessaire pendant plusieurs siècles, c'est là un point que raisonnablement on ne saurait mettre en doute. Pour ce qui concerne l'Europe en particulier, un grand écrivain, non suspect de partialité envers le clergé l'a dit, il fut un tems où « il ne restait >> plus, à proprement parler, de l'Empire romain, que le régime mu»nicipal. Il était arrivé, par les vexations du despotisme et la ruine » des villes, que les curiales ou membres des corps municipanx, » étaient tombés dans le découragement et l'apathie; les évêques, au > contraire, et le corps des prêtres, pleins de vie, de zèle, s'offraient. »> naturellement à tout surveiller, à tout diriger. On aurait tort de le » leur reprocher, de les taxer d'usurpation. Ainsi le voulait le cours >> naturel des choses; le clergé seul était moralement fort et animé ; » il devint partout puissant. C'est la loi de l'univers 2. »

Cela posé, que chaque siége épiscopal et plus tard chaque établissement monastique plus ou moins important, ait participé à ce pouvoir politique, c'est ce qu'on vit en effet se réaliser; c'est ce qui fut juste

Voir le 4 article au n° 106. ci-dessus, p. 294.

• Histoire de la civilisation en Europe, etc., par M. Guizot. 2o leçon. III SÉRIE. TOME XVIII. N° 108; 1848.

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