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primitivement constitué a reçu sans protestation de la main de l'huissier la sommation de produire à un ordre ouvert dans la même affaire, et pris par là l'engagement de transmettre cette sommation au créancier qu'elle concernait.

4o Les juges du fait sont investis d'un pouvoir souverain d'appréciation pour condamner à une part égale de réparation du préjudice causé deux mandataires responsables d'une faute par eux commise, bien que le mandat de l'un fût gratuit et celui de l'autre salarié (Cod. civ., 1892).

(Duprat C. Boudet)

Le 3 décembre 1889, arrêt de la Cour d'Agen ainsi conçu:

Attendu que l'exploit d'appel introductif d'instance est soumis aux règles des exploits d'ajournement, et doit, à peine de nullité, contenir, aux termes de l'article 61 du Code de procédure, la date des jour, mois et an de la signification;

Attendu que l'appel signifié à Marty à la requête de Boudet par l'huissier Duprat, ne porte que l'indication de l'année et du jour, non celle du mois ; que cette signification est donc nulle et l'appel sans nul effet ;

Attendu que l'huissier Duprat, en commettant cette omission, s'est rendu responsable des conséquences de la nullité de l'exploit par lui signifié ; que c'est donc à bon droit qu'il a été appelé dans l'instance pendante pour prendre le fait et cause de Marty ; qu'il doit être tenu de réparer le préjudice causé par son fait à l'appelant, et condamné à tous dommages pouvant résulter de la faute dudit intimé;

Attendu que Boudet, qui avait excipé dans ses premières conclusions de la nullité de la signification du jugement dont est appel, a renoncé à ce moyen par des conclusions nouvelles ; que cette exception n'est pas soutenue par Duprat ; qu'il n'y a donc lieu de s'y arrêter;

Attendu que Marty avait accepté le mandat résultant de l'élection de domicile dans son étude, en recevant sans protestations ni réserves les sommation et notification faites à Boudet les 17 juillet et 17 octobre 1886, et, plus tard, le 30 juin 1887 la sommation de produire à l'ordre judiciaire ;

Attendu qu'en ne transmettant pas à Boudet cette sommation du 30 juin 1887, comme il l'avait fait dans les sommation et notification précédentes, Marty n'a pas exécuté le mandat dont il était chargé ;

Attendu que Boudet, n'ayant pas produit dans l'ordre, a été déclaré forclos à la suite du règlement définitif du 26 mars 1886 ; qu'il est certain que ce défaut de production a éteint sa créance; que, dans ces circonstances, les premiers juges ont justement décidé que la responsabilité de cette non-collocation incombait à Marty, qui avait reçu la sommation de produire et ne l'avait ni transmise, ni fait connaître à Boudet;

Attendu que la responsabilité encourue par Candelon n'est pas moindre; qu'il avait reçu de Boudet le titre constitutif de sa créance et l'invitation de produire à l'ordre amiable adressée directement à ce dernier par le juge commissaire ; qu'en assistant à la tentative de règlement des 28 avril et 5 mai 1887, et en ne renvoyant pas les pièces à son client, après l'insuccès de cette tentative dont il l'avait informé, il avait accepté le mandat de le représenter à l'ordre judiciaire; qu'il savait que cet ordre avait été ouvert le jour même de la clôture de l'ordre amiable; que, nanti des pièces, il n'avait qu'à faire la production, sans qu'il eût besoin de la sommation de produire ; que vainement il prétend rejeter, soit sur l'avoué poursuivant, soit sur le juge commis, ou encore sur un défaut de mention dans le cahier d'ordre, son manque de vigilance; qu'en admettant même l'exactitude de ses allégations sur ce point, la faute ne subsisterait pas moins, parce que rien ne l'obligeait d'attendre la sommation ou tout autre renseignement pour faire le nécessaire, du moment où l'ordre était ouvert ;

Adoptant d'ailleurs, sur le principe de la responsabilité de Marty et de Candelon, les motifs des premiers juges;

Et attendu qu'aucune négligence n'est imputable à Boudet ; que le fait d'avoir chargé Candelon de produire à l'ordre lui aurait permis, sans doute, mais ne le forçait pas, de retracter le mandat accepté par Marty; qu'on ne saurait tirer de ce double mandat, donné à deux avoués, même une présomption de faute à la charge du mandant, ni lui adresser le reproche de n'avoir pas été vigilant, alors qu'il pouvait et devait compter sur la vigilance de ses deux mandataires; que c'est donc à tort que le jugement entrepris a attribué à l'appelant une part de responsabilité ;

Attendu, d'un autre côté, que la gratuité du mandat ne saurait atténuer la responsabilité du mandataire ; qu'elle ne lui impose pas moins qu'au mandataire salarié l'obligation de veiller aux intérêts qui lui sont confiés, et qu'à cet égard la faute de Marty est entière, comme celle de Candelon ; que tous deux sont responsables au même degré, et qu'il échet, sur ce point, de faire supporter à chacun une part égale dans la réparation du préjudice causé ;

Attendu que ce préjudice n'est autre chose que la perte de 2.000 francs et intérêts montant de la créance de Boudet; qu'il y a lieu, en conséquence, de lui allouer pareille somme pour tous dommages;

Par ces motifs, statuant tant sur l'appel principal de Boudet que sur l'appel incident de Candelon et sur l'appel en cause de Duprat, dit l'appel incident recevable, le déclare mal fondé ; — Emendant et réformant le jugement du 22 mars 1889, condamne Candelon à payer à Boudet la somme de 1000 francs avec intérêts à partir du ler novembre 1885; Annule l'exploit d'appel signifié à Marty; Démet Boudet de ce dit appel; Déclare Duprat res

ponsable de cette nullité, du rejet de l'appel et du dommage qui en sont la conséquence; Le condamne au lieu et place de Marty à payer à Boudet la somme de 600 fr. avec les intérêts.

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1er moyen.

Pourvoi en cassation par Me Duprat. - Violation des articles 71 et 1031 du Code dé procédure, fausse application des articles 1382 et 1383 du Code civil et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué à infligé la responsabilité absolue, en principe, à l'huissier rédacteur de l'exploit, comme si les juges étaient tenus, dans l'espèce, de prononcer la condamnation de l'huissier à cette responsabilité de plein droit et absolue, et non simplement autorisés à le faire suivant les circonstances et suivant l'existence des cas.

2o moyen. Violation des articles 1382 et 1383, 1984 et 1985, 2003 et 2006 du Code civil, et des règles du mandat, en ce que, d'une part, l'arrêt attaqué a fait résulter de l'élection de domicile en l'étude d'un avoué un mandat spécial, pour le successeur de cet avoué, d'occuper dans la procédure d'ordre, bien que l'élection de domicile n'entraîne pas la constitution d'un nouveau mandataire pour la même affaire, la révocation du premier.

3° moyen.

Violation des articles 1991 et 1992 du Code civil, en ce que l'arrêt attaqué a décidé à tort que la gratuité d'un mandat ne saurait atténuer la responsabilité du mandataire.

ARRÊT

LA COUR ; Sur le premier moyen du pourvoi, tiré de la violation des articles 71 et 1031 du Code de procédure, fausse application des articles 1382 et 1383 du Code civil, et violation de l'article 7 de la loi du 10 avril 1810:

Attendu que les huissiers sont soumis, au point de vue de la res_ ponsabilité civile résultant de la nullité de leurs exploits, à la règle

générale des articles 1382 et 1383 du Code civil ; que les expressions dont se servent les articles 71 et 1031 du Code de procédure consacrent elles-mêmes cette règle, en laissant aux juges à apprécier l'existence de la faute, la réalité et la quotité du préjudice que ces nullités ont occasionné;

Attendu que l'arrêt attaqué, en condamnant Duprat, dans les circonstances de fait qu'il relève, à la réparation de tout le préjudice causé à Boudet, loin de violer les textes visés par le pourvoi, en a fait, au contraire, une exacte application, dans la limite des pouvoirs d'appréciation du juge du fait ; qu'il est d'ailleurs motivé; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 1382, 1383, 1984 et 1985, 2003, 2006 du Code civil et des règles du mandat:

Attendu que l'arrêt attaqué, adoptant sur ce point les motifs du jugement de première instance, constate que Me Marty, avoué à Lec. toure, en l'étude duquel le sieur Boudet avait élu domicile, en exétion de l'article 2148 du Code civil, avait accepté le mandat de lui transmettre les notifications qu'il recevrait en son nom, à l'occasion de la procédure en expropriation forcée dans laquelle il était intéressé comme créancier inscrit ; que l'acceptation de ce mandat résultait même de l'exécution partielle qu'il avait reçue :

Attendu que l'arrêt établit, d'une part, que le mandat donné pour la même affaire par le sieur Boudet à Me Candelon, également avoué à Lectoure, n'avait nullement révoqué celui de Me Marty; que c'était, en effet, en connaissance de la constitution de Mo Candelon, que Me Marty, loin de considérer comme révoqué son mandat spécial, recevait, sans élever la moindre protestation, de la main de l'huissier, la sommation de produire à l'ordre, et prenait par suite l'engagement de la transmettre; qu'en négligeant de faire cette transmission, il avait été, par sa faute, la cause de la forclusion du sieur Boudet et de perte de la créance;

Attendu, d'ailleurs, que, par ces constations, l'arrêt s'est trouvé dûment motivé; que le moyen n'est pas justifié ;

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des articles 1991 et 1992 du Code civil :

Attendu que l'arrêt attaqué, en disant que « la gratuité du mandat ne saurait atténuer la responsabilité du mandataire », n'a eu d'autre but que de revendiquer le pouvoir qui lui appartenait de condamner chacun des deux mandataires du sieur Boudet à une part égale de réparation civile, bien que le mandat de l'un fût gratuit et celui de l'autre salarié ; que cette intention de l'arrêt résulte

à l'évidence du développement qu'il donne à sa pensée; que, d'ailleurs, le pouvoir dont il a fait ainsi usage dans l'espèce est hors de doute, et qu'il résulte de la souveraineté des appréciations du juge en pareille matière ; que le moyen n'a donc pas de valeur juridique ;

Par ces motifs, rejette, etc.

NOTA.

Voy. M. Dutruc, Manuel de la responsab. et de la discipl. des offic. minist. n. 74 et suiv., 406 et suiv.

ART. 8088.

TRIB. CIV. DE CHALONS-SUR-MARNE, 24 décembre 1896

PRIVILÈGE, BAILLEUR, LOYERS, DISTRIBUTION

RÉFÉRÉ. TRIBUNAL CIVIL.

PAR CONTRIBUTION,

Lorsque le prix de la vente de meubles saisis à la requête du propriétaire contre son locataire n'a pas été consigné, et qu'une distribution par contribution n'a pas été ouverte sur ce prix, absorbé d'ailleurs par la créance du propriétaire, ce dernier n'est pas tenu, pour se faire payer de cette créance, de poursuivre l'ouverture d'une contribution, afin de faire statuer préliminairement en référé sur son privilège par le juge-commissaire, conformément à l'art. 661, Cod. proc. civ. ; il peut, s'il a titre et si l'existence ou la quotité seules de sa créance sont contestées, se pourvoir en référé devant le président du tribunal, et, au cas de contestation de son privilège, assigner devant le tribunal les autres créanciers qui ont formé opposition sur le prix (Cod. proc., 661 et 806). (Godart c. Léger-Herbillon).

Al'appui de leur demande, les consorts Godart ont présenté les moyens suivants :

Il résulte, de la combinaison des articles 8101, 8102 du Code civil et 668 du Code procédure civile, que le privilège du bailleur prime toutes les autres créances, à l'exception des frais faits pour la conservation de la chose soumise à ce privilège. Ce point de droit, consacré à différentes reprises par la Cour de cassation, l'a été plus récemment encore par une décision de la même cour du 9 juillet 1894 confirmant un jugement du tribunal civil de Châlons-sur-Marne, et il est mis en lumière avec beaucoup de précision par un autre jugement dn tribunal civil de Bazas du 22 janvier 1896.

Partant de ce principe incontestable, quels sont les moyens

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