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venir le trouver à la Colonie. Liniers y consentit. Lorsque la nouvelle de son prochain départ se répandit dans Buenos-Ayres, la population accourut à la forteresse pour s'y opposer. La parole chaude et vibrante du libérateur calma toute cette effervescence, et la foule se dispersa en criant: Vive le vice

roi Liniers!

Pour échapper à de nouvelles manifestations, Liniers s'embarqua pour la Colonie le 26 juin à quatre heures du matin avec une suite peu nombreuse. La traversée s'effectua rapidement, et à neuf heures il frappait à la porte de la maison où logeait Cisneros. Lorsqu'on annonça à celui-ci l'arrivée de son prédécesseur, son premier mouvement fut de demander s'il était seul. « Oui, seul », lui fut-il répondu. A ces mots, il respira plus librement. Les deux vice-rois s'embrassèrent cordialement et eurent ensemble un long entretien qui dissipa en partie au moins les défiances de Cisneros. Liniers repartit pour Buenos

Ayres; mais comme, malgré sa démarche si loyale, le nouveau vice-roi hésitait encore à se transporter dans la capitale, il se démit du commandement militaire et le transmit au maréchal de camp don Vincent Nieto.

Le 30 juin, Cisneros fit enfin son entrée à Buenos-Ayres, au milieu des acclamations de la population européenne, qui saluait en lui le rétablissement de la prépondérance espagnole.

Le nouveau vice-roi ne tarda pas à reconnaître que les ordres qu'il avait reçus de la Junte de Séville n'étaient pas faciles à exécuter. S'il put mettre en liberté les fauteurs de l'émeute du 1er janvier 1809 et reconstituer les corps européens, il dut renoncer à désarmer et à dissoudre les corps indigènes. Les créoles, se sentant les plus forts, se refusèrent énergiquement à déposer les armes. Il dut également renoncer à faire partir pour l'Espagne Liniers, désireux de rester dans le pays. La popularité du libérateur de Buenos

Ayres était telle que toute violence exercée contre lui eût été le signal d'une révolution. Le nouveau vice-roi autorisa donc son prédécesseur à se retirer à Cordoba, comme il le désirait. Celui-ci quitta Buenos-Ayres en août, après avoir adressé aux représentants de Ferdinand VII en Espagne un long mémoire qui trahit toute l'amertume de ses sentiments.

La chute de Liniers, prélude de l'établissement du régime républicain dans l'Argentine, fut, on ne saurait se le dissimuler, l'œuvre de Napoléon. Comme le dit, dans un langage imagé, l'un des auteurs qui ont le mieux approfondi l'histoire de cette période troublée, le rayon diplomatique dirigé par le conquérant sur les provinces du Rio de la Plata foudroya le héros dont il voulait faire l'instrument de ses ambitieux desseins. Le coup fut mortel, Liniers ne s'en releva pas. Malgré le prestige dont l'entouraient ses victoires, l'Espagne ombrageuse et défiante ne lui pardonna pas de s'être laissé soupçonner

d'infidélité à la cause de Ferdinand VII, et le sacrifia impitoyablement, et, ajoutons-le, impolitiquement, aux rancunes du parti qui avait succombé à Buenos-Ayres le 1er janvier

1809.

CHAPITRE VII

LA CAPTIVITÉ DE SASSENAY (1)

Captivité à Montevideo.
Première évasion.

(1808-1810)

Cruauté du général Elio. Seconde captivité plus cruelle. Transfert à Cadix. Terribles souffrances sur les pontons. Révolte et évasion des prisonniers du ponton la Sassenay rentre en France.

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Vieille-Castille.

Le général Elio avait, je l'ai déjà dit, plus d'un trait de ressemblance avec ces sombres

Gazette

(1) Julien MELLET, déjà cité, p. 12 et p. 22. officielle ou le Moniteur universel, no du 21 juin 1810. Rapport du général baron Semellé sur l'événement arrivé dans la baie de Cadix dans la nuit du 15 au 16 mai 1810. Lorédan LARCHEY, Les suites d'une capitulation; Récits des captifs de Baylen, p. 157 à 174.- Archives du Foreign Office. Lettre de M. William Hamilton à M. Wellesley, ambassadeur de Sa Majesté Britannique auprès de la régence de Cadix, du 28 mai 1810.

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Archives des affaires étrangères :

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Tome DCLXXXI, fo 119, 5 février. Décret

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