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Pour conclure, nous croyons que le système, que nous venons de décrire, répond à toutes les objections faites encore par certains métallurgistes à l'emploi des gaz des hauts fourneaux, et qu'il est de nature à étendre encore cet emploi, en le rendant plus avantageux. Nous connaissons, par exemple, en France, telle usine qui a renoncé aux prises de gaz parce qu'elle emploie des minerais zincifères, et qui se trouverait certainement très-bien d'imiter l'exemple du haut fourneau de Stolberg qui, dans une situation analogue, a adopté l'appareil Langen.

NOTE

SUR L'APPAREIL DE CHARGEMENT DE M. CHADEFFAUD.

Par M. L. GRUNER.

M. Jordan ayant mentionné, dans le mémoire qui précède, le système de chargement inventé par M. Chadeffaud, ingénieur-directeur des hauts fourneaux de Denain et Anzin, je crois utile de faire connaître ici cet ingénieux appareil, d'après les plans et renseignements que je dois à l'obligeance de l'inventeur lui-même.

On ne saurait plus douter aujourd'hui que le mode de chargement n'ait la plus grande influence sur la marche des hauts fournaux. Puisque les gaz suivent spécialement les parois de la cuve et que la colonne centrale s'affaisse plus vite que l'anneau extérieur (*), on doit autant que possible rejeter le minerai, et surtout le menu, vers les bords, et plutôt concentrer le combustible dans l'axe de la cuve. La descente rapide du charbon n'offre aucun inconvénient, tandis que, pour arriver à une production élevée, il faut unė que, malgré la descente accélérée des charges, le minerai soit longtemps exposé au courant gazeux et, pour cela, forcé de suivre les parois du four. C'est ce que réalise l'appareil de M. Chadeffaud.

Les fig. 1 à 4, Pl. III, montrent qu'il se compose d'un cône fixe en fonte et d'un tronc de cône mobile, ce dernier suspendu, à l'aide de deux tringles guidées, à un fort levier à contrepoids. Pour charger le minerai, on abaisse le tronc de cône

(*) État présent de la métallurgie du fer en Angleterre, p. 132 et 146.

de façon que ses génératrices soient sur le prolongement de celles du cône supérieur. Le minerai, versé à l'aide de wa gons à trappes, est ainsi rejeté vers la circonférence, d'où les plus gros fragments roulent au fond de l'entonnoir qui se produit dans l'axe des charges. On relève ensuite le tronc de cône, et le coke, chargé à son tour, tombe au centre du four, ou plutôt, le long d'un anneau mitoyen, d'où les plus gros fragments glissent également au fond de l'entonnoir central. La prise de gaz se fait d'ailleurs au-dessus de la charge par des carnaux latéraux.

Voici maintenant les effets de l'appareil:

Les hauts fourneaux de Denain ont 13 mètres de hauteur, 2 mètres au gueulard, 4", 10 au ventre et mesurent 78 mètres cubes (*). Avec des minerais de 32 à 34 pour 100 de rendement on ne pouvait dépasser, en se servant du mode de chargement habituel et marchant en fonte de forge, 24 à 25 tonnes par 24 heures. Dès que l'on voulait aller au delà, en donnant plus de vent, on produisait du laitier ferrugineux et la consommation montait de 1.150 ou 1.200 kilogrammes à 1.500 kilogrammes; preuve que la réduction était incomplète au-dessus du ventre et s'achevait, dans les parties inférieures du fourneau, avec conbustion de charbon solide par l'acide carbonique de la colonne gazeuse. On avait d'abord cherché à remédier à l'inconvénient, résultant de l'inégale distribution des gaz, par l'installation d'un appareil à prise centrale, sans modifier le mode de chargement. On ne ressentit aucune amélioration et l'on dut en conclure que la prise centrale ne réagit que sur l'extrémité superieure de la colonne gazeuse, en déterminant simplement une inflexion brusque du courant gazeux dans la partie haute du four. Le nouveau mode de chargement a produit par contre les plus heureux effets. On

(*) Le plan ci-joint correspond à un gueulard de 2,50 qui doit être substitué au gueulard actuel de 2 mètres.

atteint couramment 30 tonnes par vingt-quatre heures, et même 35 à 40 tonnes avec des minerais d'une teneur de 40 pour 100. La consommation en charbon paraît aussi légèrement diminuée, et M. Chadeffaud pense qu'avec des machines soufflantes plus fortes on pourrait même dépasser, en fondant du minerai ordinaire, le chiffre de 30 tonnes. Dans tous les cas cet exemple, aussi bien que le haut fourneau Prénat de Givors (*) et l'appareil Langen décrit par M. Jordan, prouve surabondamment que la bonne marche des hauts fourneaux dépend beaucoup plus du mode de chargement que du système de prise des gaz (**).

(*) Note de M. Escalle sur le traitement des scories dans les hauts fourneaux (Bulletin de l'industrie minérale, tome 9, p. 87). (**) Voici au surplus un nouveau fait à l'appui de la thèse en question:

M. Escalle, ingénieur des hauts fourneaux de Decazeville, vient de m'écrire (mars 1865) qu'il a substitué, tout récemment, au chargement uniforme à la conge, le chargement inégal le long de la circonférence. Les hauts fourneaux de Decazeville sont à gueulard ouvert et sans prise de gaz. Ne pouvant modifier cet état de choses pendant leur marche, M. Escalle a du moins voulu changer le mode de chargement. Les anciennes grandes portes, percées dans la cheminée qui enveloppe le gueulard, ont été remplacées par douze petites ouvertures armées de couloirs inclinés. Les chargeurs, au lieu de lancer les matières dans le four, les déposent seulement sur le bord de ces couloirs, d'où les gros fragments roulent au fond de l'entonnoir central, tandis que le menu reste à la circonférence. C'est l'effet produit, par le chargement à la brouette, dans les fours à grands gueulards du pays de Galles.

Eh bien, cette simple modification a permis de porter, pour un même poids de combustible, la charge en minerai de 1.600 à 1.800 kilogrammes, sans altérer la qualité de la fonte, et de remplacer en outre 17 pour 100 de minerai par un poids égal de scories de forge.

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