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Le Djebel Bourzel est la dernière chaîne crétacée séparant le Tell du Sahara proprement dit. Du col de Sfa, situé sur cette chaîne, le Sahara présente un spectacle émouvant l'œil se perd dans un horizon infini, au milieu duquel les oasis éloignés de Sidi Okhba, d'Ourmach et de Melilli forment des taches noires semblables à des îles entourées par un océan immobile; l'on aperçoit à ses pieds la magnifique oasis de Biskra qui, pour le touriste venu d'Europe, constitue un tableau des plus ravissants. Plusieurs civilisations se sont succédé dans cette oasis. Les Romains dont la domination s'était étendue jusque dans le Sahara, n'ont laissé à Biskra que très-peu de traces de leur passage: quelques mamelons peu élevés au-dessus de la plaine et formés de matières terreuses meubles sont les seuls vestiges qu'on attribue au peuple-roi; on les exploite aujourd'hui comme matériaux salpétrés.

C'est dans l'usine de Toudha que l'on prépare les eaux de lessivage chargées de salpêtre; ces eaux, suffisamment concentrées, sont transportées à Biskra, et l'on en extrait le salpêtre dans une usine dirigée par M. le capitaine d'artillerie Chabrier.

L'étude géologique de la lisière nord du Sahara, de part et d'autre de Biskra, offre un très-grand intérêt. J'ai pu la faire avec facilité entre l'oasis de Lichana, à l'ouest, et celle de Khanga Sidi Nadji, à l'est, sur une longueur de 136 kilomètres, grâce au cordial accueil que j'ai trouvé auprès de M. Forgemol, commandant supérieur de Biskra. J'ai constaté que le terrain crétacé inférieur et le terrain nummulitique antépyrénéen viennent former les dernières chaînes de montagnes qui limitent au nord le vaste bassin du Sahara.

Au pied de ces montagnes, il y a une ligne continue de collines plus basses formées, en allant de bas en haut, de couches de marnes brunes gypseuses, de calcaire blanc à cassure terreuse, de grès jaune à grain fin et de pou

dingues à gros galets. Ces couches appartiennent au terrain tertiaire supérieur (pliocène) d'eau douce identique au terrain du même âge qu'on observe aux environs de Constantine; elles sont fortement redressées contre le massif secondaire et nummulitique qui termine le Tell, et plongent vers le S. ou le S.-E. sous le bassin du Sahara; elles occupent tout le petit bassin compris entre l'oasis de Biskra, au Sud, et la chaîne du Djebel Sfa, au nord, et s'étendent à l'est bien au delà de Khanga Sidi Nedji, point jusqu'où je les ai suivies d'une manière continue. De ce côté, ces couches pliocènes sont recouvertes par les alluvions anciennes et modernes de l'oued Khanga Sidi Nedji (plus bas Oued el Arab); mais elles affleurent dans le lit de la rivière auprès de l'oasis de Zerib el Oued, et jusqu'à 10 kilomètres environ en aval de ce point. C'est dans ce terrain tertiaire que le sondage d'el Faïd a pénétré.

On ne doit pas trouver étrange que ce sondage n'ait pas encore donné d'eau jaillissante à la profondeur de 157 mètres qu'il a atteinte, parce qu'il n'est pas dans les mêmes terrains que les sondages de l'Oued Rhir. Ce sondage peut réussir en le poussant plus bas, parce qu'à la base du terrain tertiaire supérieur il y a une couche épaisse de sables quartzeux blancs qui s'enfonce sous la plaine d'el Faïd et peut y donner des eaux jaillissantes à une profondeur qui atteindra peut-être 3 ou 400 mètres. Du reste, il y a au-dessus de cette couche remarquable d'autres couches absorbantes sur lesquelles passent les rivières descendant du massif de l'Aurès pour se perdre dans le Chott Melrhir, et qui peuvent aussi donner des eaux jaillissantes.

Le terrain tertiaire supérieur dont il est ici question renferme également des nappes jaillissantes considérables auprès de Biskra; c'est ce qui est démontré par l'étude géologique des lieux et par la température des sources.

A 1.000 mètres environ au sud du pied de la chaîne crétacée du Djebel Sfa, il y a un gouffre d'une grande profondeur,

de 30 mètres de diamètre et dont l'eau légèrement saumâtre est à la température de 19°. Il en sort un petit filet d'eau courante au moyen d'une profonde tranchée faite de mains d'homme. Un deuxième gouffre de 40 mètres de diamètre et à la température de 18°, se trouve auprès de la source thermale sulfureuse située à 3 kilomètres environ N.-O. de Biskra. Cette source thermale a une température de 45° et débite 50 litres environ à la seconde ; elle donne lieu à une forte émission de gaz; elle jaillit au fond d'une grande piscine qui sert de baignoire commune aux Arabes: elle est enfermée dans une construction arabe comprenant quelques pièces où l'on dépose les vêtements. Entre les deux gouffres, il y a de nombreux petits mamelons situés à peu près à la même hauteur, et au sommet desquels sont des joncs, indices de la présence d'une nappe d'eau sou

terraine.

Les eaux qui alimentent Biskra sont des sources thermales émergeant à la température de 29°,35 de gouffres situés dans le lit même de la rivière, en plein terrain tertiaire supérieur. On supposait que ces sources, dont le débit minimum est de 300 litres à la seconde, provenaient des infiltrations supérieures de la rivière à l'aval d'el Outaïa. Cette explication est inadmissible, car s'il en était ainsi, les eaux de Biskra auraient une température beaucoup plus basse.

Dans l'oasis de Chetma, située à proximité de Biskra, vers l'est, il y a dans le terrain tertiaire supérieure des mamelons isolés au sommet desquels on remarque de petites sources jaillissantes thermales. Les sources principales de l'oasis émergent au fond d'entonnoirs où l'eau fait bouillonner les sables.

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L'oasis de Droueu, à l'est de Chatma, renferme deux sources: l'une à la température de 24°,75 débite 20 litres par seconde; l'autre est à la température de 24°,50 et débite 50 litres par seconde. Chacune d'elles jaillit au fond d'un entonnoir situé dans le calcaire d'eau douce du terrain tertiaire supérieur.

Toutes ces sources sont de véritables sources jaillissantes, naturelles, qui doivent leur thermalité à la profondeur d'où elles proviennent et dont le point d'émergence est en rapport avec les allures des couches tertiaires. Celles-ci sont pliées, en effet, de manière à former une cuvette dont le thalweg se relève à partir de Biskra, vers le N.-E. Par conséquent, il est permis de supposer, ainsi que l'a fait M. l'ingénieur en chef des mines Fournel, qu'un sondage réussirait auprès de Biskra; la température des principales sources artésiennes naturelles indique seulement que ce sondage devrait atteindre une profondeur assez considérable, environ 200 à 250 mètres. Le sondage de Biskra n'ayant atteint que 85 mètres, il n'est pas étonnant qu'il n'ait pas donné d'eau jaillissante.

Il est très-probable, du reste, que les belles sources qui surgissent dans le terrain pliocène sont alimentées, au moins en partie, par des nappes venant du terrain crétacé. Les révolutions géologiques, dont l'empreinte est si fortement écrite sur le massif accidenté de l'Aurès, ont donné lieu à

de grandes failles par lesquelles les eaux souterraines paraissent jusqu'au jour.

A l'ouest de Biskra, le terrain tertiaire supérieur disparaît, il se cache sous un terrain plus récent que je désignerai provisoirement sous le nom de terrain saharien. Je pense que c'est du terrain quaternaire; mais j'ai des déterminations de fossiles à faire, mes notes à reviser et à comparer avant d'arriver à une conclusion définitive à cet égard. A part cela, j'admets que dans tous les cas le terrain saharien est postérieur au terrain tertiaire supérieur dont je viens de parler et qu'il recouvre le plus souvent en stratification discordante. C'est lui qui constitue le sol du Zab occidental et tout le Sahara depuis Biskra jusqu'à Ouargla du N.N.E. au S.S.O. et d'Ouargla à Guerrara du S.S.E. au N.N.O. Ce terrain se compose essentiellement de sables quartzeux, de gypses (pierre à plâtre), de calcaire et de marnes. Dans la province de Constantine les sables, les gypses et parfois la marne brune sont les principales roches. Dans le Sahara de la province d'Alger, entre Ouargla et Guerrara, c'est le sable et le calcaire qui dominent; le sable est parfois agglutiné et constitue un grès tantôt rouge, tantôt jaunâtre, tantôt blanc.

Dans le Zab occidental, on voit de magnifiques sources jaillissantes émerger soit du terrain saharien, soit du terrain crétacé inférieur ou supérieur (nummulitique) à la limite de contact du terrain saharien. Ainsi l'Aïn Oumach surgit par plusieurs bouillons; les uns sortent du terrain crétacé à la température de 27°,33 et débitent ensemble 124 litres par seconde.

• Tout près de là, à quelques mètres de distance, il y a plusieurs gouffres dans le terrain saharien, d'où émergent des sources jaillissantes; la profondeur a été trouvée de plus de 40 mètres pour l'un d'entre eux. L'un de ces gouffres débite 10 litres par seconde d'une eau à la température de 26°,33. Un deuxième gouffre débite 50 litres

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