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rian, Gardeïa et ses annexes Melika, Bou, Noura, Beni Isguen, el Ateuf et l'oasis de Metlili dans la province

d'Oran.

A l'exception de Guerrara qui est dans le terrain saharien, toutes les autres oasis sont enclavées dans la Chebkha qui s'étend au S.O., à l'O. et au N, bien au delà du pays occupé par les Beni Mzab. Ce terrain de Chebkha est très-fatigant pour les chevaux, parce qu'il se compose, à la surface, presque uniquement, de calcaire cristallin trèsdur, blanc grisâtre à l'intérieur, jaunâtre à l'extérieur, ordinairement dolomitique. On y trouve enclavées des couches d'argile de diverses nuances et des lentilles de gypse. Ce dernier est mélangé au calcaire et constitue une roche appelée par les Mozabites: Kaddan, à l'état cru, et Tinchemet, à l'état cuit; c'est le Tinchemet qui sert à faire le mortier soit pour la construction des maisons, soit pour les magnifiques barrages sur lesquels repose en grande partie l'existence des oasis.

En outre de ces barrages il y a de nombreux puits dont la profondeur, très-variable d'un point à un autre, s'élève jusqu'à 71 mètres. Ces puits ne sont alimentés que par des infiltrations qui suintent le long des parois. Lorsque les pluies sont abondantes dans les Beni Mzab, le niveau de l'eau s'élève dans les puits à mesure que les infiltrations venues de la surface pénètrent plus profondément dans le sein de la terre à travers les interstices des couches, et l'alimentation se trouve ainsi assurée pour longtemps. Mais ce ne sont point des sources ascendantes ni jaillissantes qui déterminent l'élévation du niveau de l'eau; celle-ci, au lieu de remonter à partir du fond du puits, tombe au contraire de haut en bas, le long des parois. Ordinairement l'eau. suinte à la séparation des couches d'argile bleue ou jaune qui sont intercalées entre des couches de calcaire tantôt blanc et cristallin, tantôt jaunâtre, un peu argileux et à tissu compacte. Ce calcaire renferme des coquilles marines

dont on ne retrouve que l'empreinte; nous y avons recueilli une nérinée.

Il se peut qu'en dessous des couches les plus profondes traversées par les puits ordinaires, on trouve des nappes souterraines ascendantes, sinon jaillissantes; cela résulte de ce que le plateau des Beni Mzab se relève d'une manière continue et régulière depuis l'oued en Neça jusqu'à Tilremt, et de ce que les couches sont inclinées comme ce plateau. Ainsi la tête des eaux souterraines se trouvant auprès de Tilremt, rien n'empêche qu'elles remontent dans un trou de sonde que l'on creuserait en un point quelconque des Beni Mzab; seulement plus l'altitude du point choisi sera considérable, moins on aura de chances de voir l'eau arriver jusqu'au niveau du sol. Les points les plus bas sont donc ceux qui offrent, à priori, le plus de chances de succès, et l'on voit dès lors qu'il faut se placer dans les dépressions formées par les vallées. C'est du reste ce qu'il convient de faire dans l'intérêt des oasis, puisque celles-ci sont toutes dans le fond des vallées.

D'après ces considérations générales, il est facile de voir quels sont les points du pays des Beni Mzab où les puits artésiens offrent le plus de chances de succès. En premier lieu je placerai l'oasis de Guerrara, parce que c'est le point le plus bas; en deuxième lieu, celles de Gardeïa et ses annexes; en troisième lieu, celle de Berrian.

Pour Guerrara, le premier sondage devrait être exécuté au confluent de l'oued Zegrir et de l'oued Seguiet el Aïn, où se trouvent d'excellentes terres pour la culture des céréales. L'oued Seguiet el Aïn doit son nom à une ancienne source qui émergeait dans le lit du ravin, à 1.000 mètres environ au S.O. du village de Guerrara. Cette source a été bouchée à dessein par les Mozabites, pour l'empêcher de servir aux Arabes qui, quelquefois, venaient attaquer l'Oasis. Je n'ai pu savoir si le mot Aïn s'appliquait à un puits artésien artificiel, creusé autrefois par les indigènes, ou bien à

une source naturelle; toutefois la configuration du sol me donne lieu de penser que c'était une source naturelle. Quoi qu'il en soit, l'existence de cette ancienne source m'a été révélée par plusieurs personnes, et en dernier lieu, par le Caïd de Guerrara, qui n'en a parlé que lorsque le secret a été divulgué.

La distance de Guerrara à Gardeïa ne peut être franchie qu'en deux journées de marche sans eau. Un sondage pourrait être exécuté avec quelques chances de succès sur la rive gauche de l'Oued-En-Neça, au point où cette rivière est coupée par la route: ce point correspond, en effet, à l'affleurement le plus bas du terrain de la Chebkha. La distance de Guerrara à Berrian ne peut être tranchie en un jour, et la route est sans eau; un puits artésien pourrait être entrepris également avec quelques chances de succès au point où la route coupe l'Oued-En-Neça. Si ces deux puits ne donnaient pas de l'eau jaillissante, ils donneraient très-probablement de l'eau ascendante de bonne qualité, ce qui serait toujours très-heureux, soit pour les caravanes, soit pour les colonnes françaises allant, de Laghouat à Ouargla.

De Gardeïa je me suis rendu directement à Metlili, pour examiner dans cette direction les allures du terrain de la Chebkha, et je suis rentré à Gardeïa en passant par RasRetem, point situé à 18 kilomètres Ouest de Gardeïa. J'ai vu dans ces courses que le calcaire cristallin constituant le terrain de la Chebkha se prolonge au S. et à l'O. de Metlili, et à l'O. de Gardeïa, aussi loin que la vue peut s'étendre dans un pays tout à fait plat, et où l'horizon se prolonge pour ainsi dire indéfiniment. J'ai reconnu en même temps que le plateau de la Chebkha se relève à l'O. de Gardeïa.

J'ai eu l'occasion de constater en plusieurs points des Beni Mzab, à Berrian, à Bou Noura et à Metlili, suivant une ligne dirigée N.S., l'existence d'un bruit souterrain

TOME VII, 1865.

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qui est tout à fait comparable au bruit d'un torrent roulant sur des rochers. Les Mozabites l'attribuent à la présence d'un cours d'eau qui coulerait à travers les cavernes du calcaire dolomitique. Cette opinion me paraît très-rationnelle, car il existe dans ces calcaires de grandes fentes dans lesquelles les eaux de pluies peuvent s'engouffrer.

Il pleut ordinairement tous les ans dans les Beni Mzab; seulement la quantité d'eau qui tombe varie beaucoup d'une année à l'autre et n'est pas concentrée dans une saison très-courte et constante, comme dans le Tell. Les grandes inondations, qui sont un bienfait inappréciable pour les Oasis, n'arrivent parfois qu'après un intervalle de trois ans. De solides barrages en maçonnerie, construits avec beaucoup d'art, retiennent la plus grande partie de ces eaux et la font séjourner dans les plantations au moyen de nombreuses conduites habilement distribuées. Quand les pluies ne sont pas suffisantes pour produire des crues, elles contribuent cependant à l'alimentation des puits dont elles élèvent le niveau d'eau. Beaucoup de puits creusés à grands frais, sont aujourd'hui abandonnés avec les terres qu'ils arrosaient, parce que les récoltes n'étaient pas suffisantes pour rémunérer les travaux. Il est incontestable qu'on rendrait de grands services dans toutes les Oasis si les puits artésiens pouvaient réussir à peu de frais. Les Mozabites sont très-laborieux; un grand nombre émigre dans nos villes européennes pour amasser un petit pécule. Rentrés chez eux, les Mozabites consacrent leur avoir à acheter des terres et à faire de la culture pour laquelle ils ont un goût tout particulier. Leurs travaux d'irrigations sont trèsremarquables, et il a fallu à cette race une grande force de caractère et une intelligence agricole des plus prononcées, pour créer de belles Oasis au milieu de l'affreux pays qu'elle a choisi pour se mettre à l'abri des déprédations des Nomades.

Dans la première partie de ce travail, j'ai évalué à 160

mètres environ la profondeur des puits artésiens à creuser dans l'Oasis de Guerrara. On doit compter sur une profondeur au moins égale pour les puits artésiens des autres Oasis; et, pour ne pas se trouver pris au dépourvu, il conviendrait de commencer les travaux avec un appareil de forage qui permît d'aller à 200 mètres du premier coup. Dans la plupart de ces Oasis, on pourrait installer l'appareil de forage sur un puits ordinaire abandonné, afin de profiter de la profondeur de ce puits pour diminuer le travail du forage.

De Berrian je suis rentré à Laghouat, en suivant la route parcourue par les colonnes qui vont de Laghouat dans le Beni Mzab. Dans ce trajet, que j'ai fait en trois jours, j'ai reconnu deux points où la recherche des eaux potables, par des puits ordinaires, présente des chances de succès: 1° sur les bords de l'Oued Seltafa; 2° dans la Dayat de Tilremt.

Dans l'Oued Seltafa on n'a fait encore aucun travail de ce genre. Des puits de 50 mètres environ de profondeur pourraient donner de l'eau potable de bonne qualité, comme celle des puits des Beni Mzab; ils seraient comparables à tous ceux qui alimentent les Oasis des Beni Mzab, puits dont la profondeur varie de 20 à 71 mètres, et qui sont exécutés par les Mozabites eux-mêmes.

A Tilremt, M. le colonel Marguerite a fait commencer un puits qui a atteint 48 mètres de profondeur sans donner de l'eau. Ce puits a pénétré dans le calcaire dolomitique cristallin, blanc, un peu grisâtre, qui constitue généralement le plateau rocheux des Beni Mzab; mais il n'est pas encore parvenu dans les couches d'argile qui fournissent l'eau dans les puits alimentant les Oasis. Cela vient de ce que la Dayat de Tilremt est beaucoup moins encaissée que l'Oued Seltafa, au milieu du plateau rocheux. Je pense qu'en approfondissant le puits de Tilremt de 30 mètres environ, on arriverait à l'argile aquifère et qu'on aurait alors de l'eau. Quelque hardi que paraisse ce travail, il

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